Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du jeudi 3 septembre 2020 à 15h30
Commission des affaires sociales

Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics :

J'ajouterai quelques mots pour compléter les réponses apportées par Bruno Le Maire sur quatre points.

Le premier point concerne la gouvernance et l'exécution du plan de relance, qui doit répondre à une exigence de lisibilité. Le plan de relance représente 100 milliards d'euros : un peu plus de 20 milliards mobilisés par les partenaires que sont la Caisse des dépôts et Bpifrance, et 80 milliards de crédits de l'État inscrits dans le PLF et, dans une moindre mesure, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) avec le volet investissement du Ségur de la santé. Sur les 6 milliards d'euros prévus par celui-ci, un tiers bénéficiera au secteur médico-social, notamment aux personnes handicapées et aux personnes âgées.

En matière de gouvernance, nous avons fait le choix d'inscrire les crédits qui relèvent de l'État dans une seule mission comportant trois programmes qui correspondent aux trois priorités du plan de relance. Le principe retenu est celui de la délégation de crédits : Bruno Le Maire et moi-même déléguerons aux opérateurs de la relance, principalement les ministères, les crédits au fur et à mesure de l'engagement des projets. Nous pourrons ainsi mettre en œuvre des clauses de revoyure efficaces : la constatation d'un non-engagement ou d'un retard trop important nous permettra de redéployer les crédits. En vertu du principe de fongibilité prévu par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ce redéploiement au sein de chacun des trois programmes pourra concerner des volumes extrêmement importants.

Le suivi sera assuré à la fois par le conseil de suivi de la relance, présidé par le Premier ministre et incluant notamment des parlementaires, et par des comités de suivi régionaux installés par les préfets de région pour assurer aussi rapidement que possible l'engagement et la programmation des projets dans les territoires.

Par ailleurs, c'est un point important, nous veillons à ce que les crédits inscrits dans le plan de relance soient réversibles. Ces crédits doivent être conjoncturels, efficaces, ciblés et provisoires : notre volonté est d'éviter la sédimentation de nouvelles couches de dépenses qui viendraient alourdir le ratio de dépenses publiques et compromettre la trajectoire du désendettement ultérieur. Le plan de relance doit donc être le plus possible conjoncturel, même si certaines de ses mesures, telle que la baisse des impôts de production, ont un caractère plus pérenne.

S'agissant du calendrier, notre plan de relance sera présenté, à l'instar de ceux des autres pays européens, aux institutions européennes – vraisemblablement au cours du mois d'octobre –, lesquelles examineront la compatibilité des actions proposées avec les critères du plan de relance européen. À vrai dire, nous n'avons pas d'inquiétude en la matière, car, nous le savons, nombre de ces actions sont compatibles avec les priorités européennes, de sorte que nous escomptons un retour très important, pour ne pas dire maximal, des 40 milliards d'euros que nous attendons.

Quant aux collectivités, elles ne sont pas concernées uniquement par la compensation de la baisse des impôts de production, car elles seront associées à la mise en œuvre de nouveaux projets d'investissement et des mesures relatives à la transition écologique et aux infrastructures de transport. En outre, elles sont déjà soutenues par l'État puisque vous avez adopté, dans le cadre du dernier projet de loi de finances rectificative, un principe de garantie des ressources fiscales et domaniales pour le bloc communal et un système d'avance remboursable pour les départements en matière de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ; quant aux régions, elles bénéficient, au-delà des discussions en cours, de garanties de ressources concernant la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui les protègent plus fortement, à situation égale, que les autres strates de collectivités territoriales. J'ajoute que le même PLFR prévoit 1 milliard d'euros de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) en sus des 2 milliards prévus en loi de finances initiale pour 2020 au titre de la DSIL et de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

S'agissant de la compensation, nous proposons de substituer à la fraction régionale de la CVAE une fraction de la TVA, comme c'est le cas, au niveau régional, pour la dotation globale de fonctionnement (DGF) depuis le 1er janvier 2018 et comme ce sera le cas pour la compensation de la TFPB des départements dans le cadre de la suppression de la taxe d'habitation. S'agissant de la CFE et de la taxe foncière des locaux industriels, une concertation est en cours ; je recevrai, demain, l'ensemble des associations d'élus concernées. La piste que nous privilégions, celle du dégrèvement, nous semble à la fois protectrice et relativement simple à mettre en œuvre. En effet, l'abaissement de 3 % à 2 % du plafonnement qui s'applique à la contribution économique territoriale ne modifierait pas les modalités de compensation puisqu'un dégrèvement s'applique déjà lorsqu'une entreprise atteint le plafond.

Nous garantissons ainsi – et je suis certain que même Jean-Louis Bricout en sera convaincu – une compensation intégrale et, surtout, dynamique en maintenant, notamment pour la part de CFE, un lien avec le développement économique des territoires par l'association à la richesse fiscale produite.

J'ajoute que le choix que nous avons fait de diminuer la CVAE régionale et la CFE permet de privilégier deux types d'entreprises : les PME et les ETI, qui bénéficieront de cet effort fiscal à hauteur de 72 %, conformément à notre logique de soutien à l'emploi et à la relocalisation, et les entreprises du secteur secondaire, en particulier celles de l'industrie.

Enfin, un certain nombre de crédits ont déjà été votés dans le cadre des trois derniers projets de loi de finances rectificative. Le premier d'entre eux était un PLFR d'urgence absolue, le deuxième comportait plusieurs mesures de résilience ; quant au dernier, il est allé davantage encore dans cette direction, puisqu'ont été adoptés les mécanismes de soutien aux collectivités locales ou l'abondement de dispositifs existants ainsi que les crédits alloués à la prime à l'embauche des jeunes, au plan apprentissage ou à l'accroissement des efforts en faveur de la conversion du parc automobile et de la rénovation énergétique.

En conclusion, compte tenu de la dégradation des finances publiques au cours de l'année 2020 et des perspectives pour 2021, nous devrons réfléchir à la gouvernance – je pense au cantonnement de la dette sociale ou aux améliorations qui peuvent être apportées à la LOLF, grâce aux enseignements de cette crise et aux travaux menés par le rapporteur général de la commission des finances – et à la trajectoire de redressement, je n'ose dire de retour à l'équilibre, des finances publiques.

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