Intervention de du conseil d'administration de l'Établissement français du sang

Réunion du mardi 22 septembre 2020 à 17h15
Commission des affaires sociales

du conseil d'administration de l'Établissement français du sang, président :

On a encore souvent en tête l'image bucolique du camion de collecte. En réalité, la collecte se fait plutôt, désormais, dans des salles municipales, ce qui permet d'améliorer l'offre de collecte. Continuer de bénéficier de cette aide importante nous permettra de continuer à fiabiliser l'offre de collecte, la pandémie ayant montré l'importance des sites fixes et la nécessité de renforcer leur fréquentation.

La filière du plasma pour fractionnement est un sujet à risque. En dix ans, la consommation d'immunoglobulines en France est passée de 5 à 9 tonnes. Elles sont produites à partir de plasma pour fractionnement, dont 80 % de la production mondiale est américaine. Sommes-nous capables, pour assurer la souveraineté sanitaire et donc les garanties apportées aux malades, de faire un effort national, ou peut-être européen, non pour supprimer un marché de médicaments mais pour parvenir au moins à une moindre dépendance en développant la collecte de plasma pour fractionnement ?

En 2013, l'EFS a collecté 600 000 litres de plasma de fractionnement, cédés au LFB ; nous lui en céderons environ 830 000 litres cette année. Nous pouvons collecter davantage, mais cela suppose d'abord une visibilité pluriannuelle de l'appareil de collecte à construire avec des bénévoles pour les inciter à un effort de long terme. Ensuite, cet effort doit être soutenable économiquement ; or, aujourd'hui, l'EFS cède le litre de plasma au LFB à un prix très inférieur au prix mondial. Si cette tarification perdure, une solution doit être trouvée qui permette le rééquilibrage financier nécessaire à l'Établissement pour développer une stratégie pluriannuelle sur ce sujet essentiel. Les problèmes de collecte qui se posent à nous se posent à l'ensemble de nos partenaires : les collecteurs privés de plasma pour fractionnement ont cessé de collecter pendant la crise épidémique, et cela signifie que la tension va croître sur le marché des immunoglobulines. Il faut garder cet élément de santé publique à l'esprit. On ne pourra résoudre le problème à moyen terme qu'en accroissant l'effort de collecte du plasma en France – plasma qui, je le rappelle, est un plasma éthique en ce qu'il n'est pas vendu. Notre pays a l'ardente obligation d'être moins dépendant du plasma nord-américain qu'il ne l'est pour l'instant. C'est un sujet dont nous devons traiter avec le ministre des solidarités et de la santé sûrement, avec le ministre chargé de l'économie également, et aussi avec la direction générale de la santé, puisqu'il est au croisement de l'économie et de la santé publique.

Vous m'avez interpellé sur le don du sang dans les petites communes. Les donneurs sont gens exigeants, et à chaque fois qu'une collecte est remise en cause dans une commune, on en entend parler avec force. Il va sans dire que la collecte étant locale, nous n'y arriverions pas sans associations et sans bénévoles. D'autre part, je suis comptable de la manière dont les deniers publics sont dépensés, ce qui me conduit à poursuivre le travail commencé avec certaines associations pour les aider à se regrouper. Ainsi, en Gironde, une grosse association qui couvre tout le sud du département fait des collectes importantes. Nous devons vérifier avec les associations que les collectes sont d'un volume suffisant.

Je sais que la réforme des subventions a provoqué le mécontentement de certaines associations. Dans certaines régions, les associations étaient historiquement chargées de la collation, pour partie rémunérée par l'EFS. Nous nous sommes attachés à harmoniser les subventions ; cela a eu des conséquences – comment dire – pas entièrement espérées pour certaines associations dont le financement a diminué. Je précise que le montant global des subventions de l'Établissement aux associations de donneurs de sang s'élève à 1 million d'euros environ. Je suis responsable, comme les associations concernées, de la bonne utilisation de cet argent public. Il importe de préciser que la réforme, qui a permis d'égaliser les versements, s'est faite sans baisse aucune du montant global alloué : c'est la répartition régionale des fonds qui a changé.

La situation outre-mer est difficile, vous le savez. L'EFS collecte dans tous les départements sauf en Guyane et à Mayotte, où les conditions épidémiologiques sont telles que l'on ne peut garantir la sécurité des produits sanguins que nous donnerions aux receveurs. Mais il n'y a pas d' a priori sur la collecte et il serait évidemment intéressant de pouvoir, un jour, collecter à nouveau en Guyane. C'est d'ailleurs pourquoi, à mi-janvier me semble-t-il, le directeur général de la santé a demandé à Santé publique France de réaliser des études épidémiologiques pour déterminer les conditions d'un retour aux dons dans ces départements.

Je suis très fier d'avoir favorisé l'effort de recherche publique de l'Établissement pendant la pandémie. Beaucoup d'études ont été menées. J'en citerai deux en particulier, dont vous avez peut-être entendu parler. La première a permis de déterminer la prévalence du virus à partir des échantillons de produits sanguins prélevés dans l'Est de la France et dans l'Oise, en comparant le taux de prévalence pour les donneurs de sang et pour le reste de la population. La seconde, qui porte sur la capacité du plasma convalescent à améliorer la prise en charge de la maladie, est toujours en cours. L'EFS est un établissement de recherche. Nous avons cinq plateformes de thérapies innovantes et nous savons produire des CAR-T cells, une thérapie génique. Parce que la prise en charge de certaines des CAR-T cells produites par l'EFS serait effectivement bien moins coûteuse pour l'assurance maladie que ne le sont les CAR-T cells vendues par les laboratoires pharmaceutiques, je suis très favorable à l'instauration de partenariats permettant une production renforcée et en tout cas moins dépendante de ces laboratoires. Deux autres domaines de recherche me paraissent importants, qui touchent aux nouvelles techniques de détection : l'immunothérapie – comment modifier une cellule pour combattre une maladie – et la médecine régénératrice, consistant à prélever des cellules-souches qui, après avoir été mises en culture, permettront de réparer un muscle ou un organe endommagé, un muscle cardiaque par exemple. Cette recherche de très haut niveau est très importante pour l'EFS.

La recherche de nouveaux donneurs est une de nos préoccupations permanentes. Vous l'avez certainement constaté, nous essayons de moderniser l'image de l'EFS, d'être plus présents sur les réseaux sociaux pour attirer des jeunes gens au sein des communautés de donneurs. Le don du sang a un sens pour les jeunes : 30 % des donneurs sont âgés de moins de 30 ans. Ils viennent en masse donner leur sang, mais il nous faut savoir les fidéliser.

L'idée d'autoriser le don de sang à partir de 17 ans ne m'agrée pas, c'est exact. Ancien professeur, je suis convaincu de l'importance de parler du don de sang aux adolescents, mais les conditions imposées aux mineurs me semblent difficilement compatibles avec le fait que l'âge de la majorité sexuelle est fixé à 15 ans. Je vois mal une jeune fille ou un jeune homme devoir demander une autorisation parentale pour faire ce don, ce qui impliquerait éventuellement d'apprendre à l'un de ses parents l'existence de sa vie sexuelle. La discordance entre âge de la majorité civile et âge de la majorité sexuelle me fait penser qu'il est sûrement préférable de ne pas retenir cette mesure.

4 % seulement de la population en âge de donner son sang le font. Nous nous attachons donc à mieux accueillir les donneurs et à leur faire passer un moment agréable ; vous le constaterez quand vous irez dans un de nos centres, comme vous le faites régulièrement, j'en suis sûr.

Pour ce qui est de nos perspectives financières, je le redis : nous devons continuer d'être efficients, mais il nous sera impossible de rééquilibrer durablement l'Établissement sans augmentation des tarifs des produits que nous cédons.

Qu'ai-je vraiment réussi et qu'ai-je moins bien réussi ? Tous les matins, à mon réveil, je consulte la « météo du sang », autrement dit l'état des stocks. On s'habitue à ce qu'il y ait toujours des stocks, et l'on voit aujourd'hui qu'en de certaines périodes ils peuvent être insuffisants. On ne peut donc jamais être content, parce que le travail n'est jamais terminé... Je suis assez fier pour l'Établissement des efforts que nous avons faits et je vous remercie de vos aimables propos pour les équipes ; ils me donnent à penser que l'EFS est peut-être plus connu et plus reconnu institutionnellement qu'il ne l'était. Je parcours le pays, je me suis rendu jusqu'à Charleville-Mézières où j'ai été très bien accueilli, je trouve la relation entre l'Établissement et les élus très bonne et très forte et j'y suis très sensible. Nous avons commencé à réorganiser la relation avec les donneurs, point important de notre action. Il nous faudra beaucoup d'énergie et de détermination pour parvenir au rééquilibrage économique. Pour le professeur d'économie que j'étais initialement, parler de renforcer l'organisation de l'EFS, c'est aussi lui trouver un modèle économique ; l'état des finances publiques étant celui que l'on sait, il y faudra une force de conviction importante. Je vous remercie du soutien que vous apportez à l'Établissement.

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