Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Réunion du mardi 5 décembre 2017 à 16h35
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo, rapporteure :

La richesse et l'ambition de la loi ASV ont rendu ce travail d'application incontournable dans un pays qui sera de plus en plus confronté au défi du vieillissement.

Le premier objet de nos travaux a consisté en un examen méthodique de la mise en application de la loi, comme le prévoit l'article 145-7 de notre règlement. Ce travail d'application a donc porté sur une loi qui, pour mémoire, se démarquait à la fois par son ampleur – soit 101 articles complétés par un rapport annexé –, et par son contenu – le texte ne laissait de côté aucun aspect de la politique d'autonomie.

Cet examen méthodique atteste de la publication presque intégrale des textes réglementaires prévus par la loi – l'ensemble de leurs références figurent dans le rapport. En la matière, deux données peuvent retenir notre attention.

Premièrement, 94 % des textes d'application sont désormais publiés. Les deux décrets attendus sont, d'une part, celui relatif au mandat de protection future, prévu à l'article 35, et, d'autre part, celui concernant la transmission par les administrations fiscales des informations relatives aux ressources des bénéficiaires de l'APA, prévu à l'article 43. Ce dernier décret est très attendu par les départements car il facilitera la mise à jour des revenus et le calcul du reste à charge en matière d'APA.

L'objectif affiché par le gouvernement précédent d'une publication de l'ensemble des textes réglementaires en 2016 a été en grande partie atteint. Les dispositions phares que sont la revalorisation de l'APA, la mise en place de la conférence des financeurs, la création d'un congé de proche aidant ou la refonte de la tarification des EHPAD ont ainsi vu leur application précisée dès 2016, à l'issue de multiples sessions de concertation.

Deuxièmement, aucun des cinq rapports du Gouvernement, qui auraient dû être remis au Parlement à ce jour, ne l'a été. Madame la ministre, ces rapports sont attendus par les parlementaires : ils ne sauraient être oubliés. Pour mémoire, il s'agit des rapports prévus à l'article 45, sur l'impact des seuils pour l'attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH) ; à l'article 17, sur le logement intergénérationnel ; à l'article 50, sur l'émission d'une monnaie complémentaire pour l'autonomie ; à l'article 101, sur l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), et à l'article 86, sur l'évaluation de la mise en oeuvre de la loi.

Une fois cet examen achevé, nous avons souhaité dépasser la simple analyse arithmétique des décrets pour dresser, dès aujourd'hui, le tableau des faits saillants et des conséquences d'une réforme qui a modifié en profondeur des pans entiers de notre politique de dépendance.

Nous nous sommes penchées, l'été dernier, sur la réforme de la tarification des EHPAD, afin de tirer les conséquences d'une réforme largement partagée dans son principe – celui de la convergence tarifaire –, mais ayant conduit à des transferts peu anticipés du public vers le privé. À cette occasion, nous avons formulé des propositions concrètes, transmises à la présidente de la commission et à la ministre. Ces propositions sont désormais sur la table et peuvent être débattues, par exemple à l'occasion de la mission d'information menée par nos collègues Mme Monique Iborra et Mme Caroline Fiat sur l'avenir des EHPAD.

Nous avons ensuite élargi nos travaux et propositions à l'ensemble du spectre de la loi ASV. Les travaux et les auditions ont tout d'abord fait émerger trois constats généraux.

Premier constat : les délais extrêmement resserrés ayant séparé la publication des textes de leur entrée en vigueur ont généré des difficultés concrètes de conception et d'appropriation de la réforme. Ces difficultés ont été significatives pour les départements, confortés dans leur chef de filât. Deux exemples majeurs peuvent être mentionnés : d'une part, alors que la réforme de l'APA à domicile devant entrer en vigueur le 1er mars 2016, le décret d'application a été publié le 26 février 2016, d'autre part, les décrets relatifs à la réforme de la tarification des EHPAD applicable pour l'exercice 2017 ont été publiés le 21 décembre 2016 !

Deuxième constat, qui découle directement du rôle prépondérant confié aux acteurs locaux : nous assistons à une application différenciée de la loi. Si des règles nationales uniformes ont été définies, leur mise en oeuvre a ensuite été inégale, tant du point de vue des délais que du contenu et de l'accompagnement. Un tableau contrasté peut en être tiré. Sur le terrain, nous constatons simultanément de bonnes pratiques qui inspirent, et des inégalités qui s'aggravent.

Troisième constat : les auditions ont fait émerger la véritable force de la loi ASV, qui réside dans son approche globale et intégrée, et dépasse les seuls volets sanitaires et médico-sociaux. Ainsi, une démarche sociale irrigue la totalité du texte et se traduit par des mesures fortes en matière de logement et de transports.

Au terme de cette vision d'ensemble de la loi, il apparaît que l'objectif posé par le législateur – la priorité donnée au maintien au domicile, favorisé par l'adaptation de la société au défi du vieillissement – reste d'actualité.

Nous avons ensuite souhaité nous intéresser à des enjeux spécifiques et, à notre sens, prioritaires de la politique de prise en charge de la perte d'autonomie. L'analyse de ces enjeux dans une démarche prospective est rendue indispensable par une loi qui constitue un point de départ, et en aucun cas un aboutissement. En engageant de si nombreux chantiers simultanément, la loi ASV a nécessité de multiples phases de transitions et d'accompagnement qui ont pu susciter des nouvelles pratiques aussi nombreuses que les acteurs les mettant en oeuvre. Il est désormais temps de les évaluer.

Parmi les enjeux prioritaires à analyser, notre attention s'est notamment portée sur l'avenir des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD). L'organisation d'une table ronde dédiée au sujet nous conduit à dresser un tableau contrasté du secteur. Fragilisés financièrement depuis plusieurs années, les SAAD ont bénéficié de plans d'appui et d'accompagnement successifs qui n'ont fait que colmater les brèches. Il ne s'agissait que d'expédients apportant une réponse partielle et, surtout, provisoire.

Les propositions sont pourtant sur la table, et nous pouvons également nous appuyer sur les nombreuses préconisations formulées par le rapport du Sénateur Georges Labazée, par la mission d'inspection des inspections générales des affaires sociales (IGAS) et de l'administration (IGA), ou par le groupe de travail mis en place par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS).

Il est donc urgent de définir un nouveau modèle économique pour les SAAD, passant, par exemple, par une réflexion sur les tarifs horaires moyens et leurs disparités selon les acteurs. Madame la ministre, la question n'est pas simple, mais pouvez-vous nous dire quelles réponses le Gouvernement entend apporter aux problèmes d'un secteur en crise qui est pourtant central pour le maintien à domicile ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.