Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mardi 5 décembre 2017 à 16h35
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Je remercie les deux rapporteures pour le travail accompli : il participe de la vision que mon ministère peut avoir de l'application d'une loi relativement récente.

Vous avez constaté que le Gouvernement n'a pas remis au Parlement les rapports prévus par les articles 45, 17, 50, 101 et 86 de la loi. D'abord, cela constitue bien la preuve que le fait de demander un trop grand nombre de rapports dans une loi pose des problèmes. Ensuite, et surtout, nous serons prochainement en mesure de vous présenter un rapport global, puisque le rapport de l'IGAS et de l'IGA, remis en octobre 2017, doit être complété par un rapport de la DGCS et de la CNSA, ainsi que par l'appréciation de l'Assemblée des départements de France. Ces trois volets nous permettront de présenter à la représentation nationale un rapport consolidé complet au début de l'année 2018, soit deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, ce qui semble un délai raisonnable en la matière.

En six mois, 94 % des décrets ont été pris. Des délais aussi courts constituent presque une prouesse pour un si grand nombre de décrets. Il en manque deux, qui sont à la main du ministère du budget. Nous allons le relancer afin que l'application puisse être complète.

En ce qui concerne la réforme de la tarification des services à domicile, l'ensemble des acteurs du secteur est venu me rencontrer avant l'été. Ils m'ont fait part de leur très grande difficulté à agir sur le terrain, en raison de leurs tarifs et de la difficulté à trouver des personnels qui souhaitent s'engager. Ils ont de gros problèmes de recrutement et d'attractivité de la profession. J'ai mis en place un groupe de travail au mois de juin 2017 qui se fonde sur le rapport du sénateur Georges Labazée. Il nous fera deux types de propositions : une sur les modes de tarification – faut-il passer par une revalorisation horaire, ou d'autres compensations financières ? – et d'autres visant à restructurer ce secteur, qui compte de nombreux acteurs aux périmètres qui se chevauchent parfois.

Une mission a été lancée sur les aidants, qui sont évidemment très importants. La question posée est celle de la saturation de l'APA pour dégager un certain nombre d'aides. Lever la condition de la saturation du plan d'aide est une piste intéressante que nous devons étudier. Il faut en évaluer l'impact financier, qui sera à la charge des départements. Un travail préalable de modélisation et de concertation est donc nécessaire.

L'accueil familial est une piste à explorer, je ne m'interdis pas de réfléchir à l'augmentation des accueils familiaux, mais nous devons nous assurer de la qualité et de la sécurité de la pratique de ces familles d'accueil. Vous posiez la question de l'âge, mais ce n'est probablement pas l'unique limite. La bientraitance est fondamentale dans les EHPAD. Confier des personnes âgées dépendantes, et donc extrêmement vulnérables, à des familles d'accueil nous imposerait un certain nombre de garanties et de contrôle. Cela nécessite une organisation, et implique forcément un coût allant au-delà de la simple prestation d'accueil.

La conférence des financeurs est également un outil extrêmement utile, puisque c'est le seul qui permette de rassembler tous les acteurs et de financer les actions de prévention. La stratégie nationale de santé que je souhaite promouvoir comprend la volonté ferme de réduire la perte d'autonomie. Cela passe par des actions de prévention, d'équipement des logements, d'adaptation des villes... Du fait de l'intérêt de cette conférence des financeurs, nous nous engageons à en renouveler les crédits, ainsi que le prévoit le PLFSS pour 2018. Et nous continuerons au-delà de cette échéance, car la logique de l'action gouvernementale est de promouvoir la prévention avant tout. Je rappelle que la CNSA a financé la conférence des financeurs à hauteur de 102 millions d'euros en 2016, et 140 millions en 2017.

L'ANAH finance en effet ses propres actions, tout en étant elle-même actrice. Cela impose probablement une amélioration de la coordination ; nous pouvons certainement travailler avec cette agence.

S'agissant des projets triennaux pour les associations, rien ne s'oppose, dans le décret, à des financements sur trois ans. En fait, le décret et tout le budget de l'État répondent à la même logique : les financements ne peuvent pas aller au-delà de cinq ans. Mais une association peut être financée sur plusieurs années.

J'entends les appels à une logique de parcours, et à un pilotage interministériel. Je rappelle que la CNSA est la maison commune de l'autonomie. Elle permet de regrouper l'ensemble des acteurs et d'animer les structures locales. C'est une structure d'appui aux territoires, et il me semblerait dommage d'en créer une nouvelle. Mais peut-être faudrait-il réfléchir à la manière d'équiper la Caisse pour qu'elle joue un rôle plus interministériel, avec la capacité d'animer d'autres ministères : logement, transport et cohésion des territoires.

Je préfère proposer à la CNSA une feuille de route comprenant un volet dédié à l'exercice interministériel plutôt que créer une nouvelle délégation. Je crains que la juxtaposition d'un délégué interministériel et de la CNSA, avec une présidente et un directeur général, n'ajoute des couches à notre mille-feuille administratif.

Enfin, la question du financement global de la perte d'autonomie réclame encore beaucoup de travail. Ce sont 5 millions de personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans qui seront concernées à l'horizon 2050, un tiers des personnes de plus de 60 ans en 2030. C'est un sujet sociétal majeur. Faut-il passer par une cinquième branche ou d'autres modes de financement assurantiel ? Je n'ai pas encore la réponse. Je crains que notre société n'ait pas aujourd'hui la capacité de financer une cinquième branche quand je vois notre difficulté à financer les quatre autres. C'est la raison pour laquelle je mise autant sur la prévention dans tous les secteurs : perte d'autonomie, mais également santé, de façon à réduire les coûts sociétaux de ces différentes branches. C'est pour moi un enjeu pour 2050.

Nous avons lancé plusieurs missions autour du modèle d'accompagnement des personnes âgées : une au Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) et une autre au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM). J'attends les conclusions de ces travaux avant d'aller plus loin sur cette question financière.

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