Intervention de Olivier Véran

Réunion du lundi 11 octobre 2021 à 13h00
Commission des affaires sociales

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

L'examen d'un PLFSS est un moment particulier. Cela vaut d'autant plus pour celui que nous examinons, le dernier du quinquennat. Je salue à ce titre la « promotion 2017-2022 », que j'ai connue à la fois comme député et rapporteur général, et comme ministre. Elle compte des personnalités engagées au service de nos concitoyens, d'où qu'ils viennent et où qu'ils se trouvent, politiquement. J'ai été très heureux de participer à cette commission, et de poursuivre le travail comme ministre.

Malgré l'amélioration des conditions de circulation du virus, la situation sanitaire continue de marquer le PLFSS. Les mesures sanitaires ont eu un coût en 2021, avec plus de 3 millions de tests réalisés, avec les vaccinations, les hospitalisations et toutes les opérations d'« aller‑vers ». Un déficit durable d'environ 15 milliards d'euros est prévu, qui est non seulement la conséquence de la gestion de la crise sanitaire, pour protéger les Français, mais aussi le résultat des conséquences de la crise et des confinements. Il nous faudra définir collectivement une solution structurelle, qui devra faire jouer la solidarité entre les branches, notamment la branche vieillesse, et, pour la branche maladie, poursuivre ce qui a été engagé pendant le quinquennat, quoique ralenti par la crise – la prévention, le parcours de soins, la pertinence des soins. Le PLFSS 2022 le montre, nous ne reviendrons pas aux solutions du passé.

Ce PLFSS est donc celui de la sortie de crise. Il doit nous conduire non à tout figer mais, au contraire, à réagir. Pendant la crise, nous avons réagi avec le « quoi qu'il en coûte », le Ségur de la santé, le maintien des grands principes comme l'accès gratuit aux soins. C'est cela, la sécurité sociale.

La crise sanitaire a rendu d'autant plus flagrant le besoin de réinvestissement dans notre système de santé. Nous poursuivons avec beaucoup de détermination cette dynamique en faveur de la santé de nos citoyens et de ceux qui les soignent. Les efforts consentis dans le réarmement de notre système de santé, dans la revalorisation des salaires, des carrières des soignants ou dans les investissements dans le numérique étaient indispensables, et se poursuivront.

Le PLFSS 2022 traduit sans ambiguïté la poursuite de la réalisation des engagements du Ségur de la santé, pour bâtir un système de santé plus résilient. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) intègre 2,7 milliards d'euros de financements supplémentaires au titre du Ségur par rapport à 2021. Le total des dépenses inscrites en base pour le Ségur s'élève donc à 12,5 milliards. C'est du jamais-vu !

Sur ces 12,5 milliards, 10 milliards sont directement à destination de celles et ceux qui soignent, c'est-à-dire des 2,5 millions de salariés des établissements sanitaires, médico-sociaux, et des soignants dans les établissements sociaux. En 2022, plus de 2 milliards supplémentaires sont consacrés à ces revalorisations et aux mesures qui prolongent le Ségur, afin de promouvoir la transformation des métiers et la revalorisation des soignants. 1 milliard est consacré à la montée en charge des mesures du Ségur à l'hôpital ; 770 millions concernent des revalorisations dans le secteur médico-social, après l'extension du Ségur au médico-social, à la suite de la mission Laforcade ; 500 millions supplémentaires visent de nouvelles revalorisations auxquelles le Gouvernement entend procéder dès le 1er janvier 2022. Il s'agit notamment de revaloriser les salaires des agents de catégorie C dans la fonction publique hospitalière – les aides-soignants de l'hôpital, qui touchent les plus petits salaires, bénéficieront d'un geste supplémentaire –, des sages-femmes, des médecins contractuels et d'instaurer des primes pour reconnaître les fonctions managériales des chefs de service et des chefs de pôle.

Les mesures se traduiront par une revalorisation. Avec les dispositifs du PLFSS, les sages-femmes hospitalières toucheront 4 500 euros net de plus par an à l'hôpital, soit 360 euros net par mois. L'effort est sans précédent. Par ailleurs, les chefs de service toucheront 200 euros de plus ; les chefs de pôle, 400 euros et les présidents de conférence médicale d'établissement ou de commission médicale de groupement, 600 euros.

Les mesures s'ajoutent à l'ensemble des revalorisations, regroupées dans le fameux complément de traitement indiciaire (CTI) de 183 euros net par mois, ainsi qu'à la refonte des grilles salariales et à l'investissement collectif. Ce que vous êtes amenés à voter vient donc en plus de ce qui a été signé avec les partenaires sociaux dans le cadre du Ségur de la santé l'été dernier : le Gouvernement fait un geste supplémentaire par rapport à l'accord majoritaire.

S'agissant des investissements matériels, plus de 2 milliards d'euros seront consacrés au soutien national à l'investissement au sein de l'ONDAM. Au-delà du Ségur, le PLFSS marque un effort exceptionnel pour l'hôpital dit en régime de croisière. En 2022, l'ONDAM hospitalier, hors Ségur et hors crise, augmentera de 2,7 %. Le Président de la République s'était engagé durant sa campagne et avec les fédérations, à augmenter le budget hospitalier de 2,4 % par an : nous allons au-delà des engagements que nous avions pris.

C'est mon huitième PLFSS : pour la première fois, il n'y a pas d'économies cachées dans le budget hospitalier. Habituellement, 700 millions à 1,2 milliard sont prélevés sur telle ou telle ligne de crédits de l'hôpital. En plus de cette rupture historique, si les hôpitaux faisaient des économies, ils garderaient la totalité de leur bénéfice et l'État ne récupérerait rien. Cela signifie non pas que l'on renonce à des gains d'efficience – au contraire, le mécanisme les encourage – mais que l'on donne une respiration dans les finances hospitalières, après une crise qui a mis les hôpitaux à rude épreuve.

En 2022, plusieurs réformes du financement, dont nous avions parlé les années précédentes, entreront en application, qu'elles concernent la psychiatrie, les activités forfaitaires de médecine ou les hôpitaux de proximité.

L'accès aux soins, y compris les plus innovants sera facilité. On généralisera les premières expérimentations issues de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018, et on tirera les leçons de ce qui fonctionne. À titre d'exemple, l'expérimentation « Retrouve ton cap » promeut une approche globale de lutte contre l'obésité infantile.

L'accès aux soins visuels sera facilité, alors qu'il faut aujourd'hui six mois en moyenne pour renouveler des lunettes chez un ophtalmologiste. De nombreuses études ont montré que le recours accru aux orthoptistes pour obtenir des verres correcteurs était possible. Il permettra de lutter contre les déserts médicaux dans la filière ophtalmologique.

Le dispositif des haltes soins addiction prolongera l'expérimentation des salles de consommation à moindre risque. Il durera trois ans, avec des moyens augmentés, de manière à financer jusqu'à deux haltes supplémentaires par an. De beaux projets sont en cours de développement dans des régions confrontées à des difficultés importantes. La disposition tire le constat de la mission de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, selon laquelle une halte soins addiction réduit l'insécurité et l'insalubrité publiques, et renforce les capacités à accompagner des usagers de drogues, très éloignés de toute structure, dans un parcours de sevrage.

Le PLFSS vise également à généraliser la télésurveillance. Auparavant, les professionnels de santé n'étaient pas incités à suivre à distance les malades chroniques comme les insuffisants cardiaques, qui vivent avec des capteurs à domicile. À présent, ils seront rémunérés s'ils assurent le suivi de tels patients à distance, grâce au numérique.

D'autres mesures ont été annoncées par le Président de la République dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS). Plus de 1 milliard d'euros supplémentaire sera consacré au remboursement des produits de santé, avec une approche exigeante pour mieux financer l'innovation, sécuriser les approvisionnements du marché français, continuer de responsabiliser les laboratoires en opérant des baisses de prix sur des médicaments qui ont été rentabilisés depuis des années, et encourager la fabrication de médicaments en France, tout en en tenant compte dans leur prix. De telles mesures faisaient suite à des amendements du groupe Les Républicains.

Nous élargirons la liste en sus, avec 300 millions d'euros supplémentaires, pour faciliter l'accès précoce aux traitements les plus innovants pour les Français dans tout le territoire. En votant le PLFSS 2022, vous autoriserez aussi les pharmaciens hospitaliers à fabriquer des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur lorsque les laboratoires ne peuvent plus en fournir. Pendant la crise sanitaire, les hôpitaux sont parvenus à fabriquer des médicaments anesthésiques. Ils y seront autorisés hors crise, une fois le PLFSS voté.

Parmi les mesures figure également le remboursement intégral de la contraception jusqu'à 25 ans révolus, pour toutes les jeunes femmes. La contraception par préservatif a déjà fait l'objet d'un tel remboursement : les préservatifs masculins sont remboursables sur ordonnance, pour qui le demande. Nous mettons fin à une inégalité.

Une autre mesure à portée sociale forte a été prise, celle d'élargir la complémentaire santé solidaire à tous les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ancien minimum vieillesse. Le recours sera désormais automatique, ce qui supprimera le risque de non-recours aux droits en matière de complémentaire santé. La question revenait régulièrement dans les PLFSS précédents, de la part de la gauche. La disposition du PLFSS 2022 est imparable.

Enfin, un an après la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, le PLFSS comporte en faveur de l'autonomie des mesures fortes, que Mme Brigitte Bourguignon vous présentera.

Nous avons fait le choix d'un texte court – une quarantaine d'articles –, débarrassé des dispositions trop technos ou trop complexes qui caractérisent parfois la fin de la législature. Toutes les mesures sont positives pour les Français ainsi que pour notre économie et tirent les leçons de la crise sanitaire. J'espère donc que ce dernier PLFSS de la législature fera l'objet d'un consensus national le plus large possible, au sein de la représentation nationale pour commencer.

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