Intervention de Brigitte Bourguignon

Réunion du lundi 11 octobre 2021 à 13h00
Commission des affaires sociales

Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie :

L'examen du PLFSS est toujours un moment important pour notre démocratie mais aussi pour la commission des affaires sociales que j'ai eu le plaisir et l'honneur de présider trois années.

L'année dernière, à la même période, nous posions ensemble les fondations d'une politique nationale en matière de perte d'autonomie, en créant et en finançant la cinquième branche de la sécurité sociale.

Cette année, nous parachevons la réforme en transformant radicalement l'offre destinée aux personnes âgées en perte d'autonomie.

La réforme n'a qu'un seul objectif : respecter le souhait des personnes âgées de rester à leur domicile. Soyons tous modestes, la priorité donnée au soutien à domicile n'est pas une idée nouvelle. Depuis quinze ans, les gouvernements successifs en ont affirmé la nécessité. Pourtant, nos concitoyens n'en voient pas toujours la traduction dans leur quotidien. Je cite souvent des chiffres troublants : en 2010, 61 % des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) vivaient à domicile, contre 59 % aujourd'hui. Ainsi, malgré les professions de foi successives, les lois adoptées par les majorités précédentes, et la volonté exprimée par les personnes âgées de rester à leur domicile, l'action publique n'a pas su atteindre un tel objectif.

Derrière la brutalité de ces chiffres, ce sont autant d'épreuves pour nos concitoyens car la perte d'autonomie regarde toute la société – nous avons été et nous serons tous concernés. Trop souvent, l'histoire est la même : une chute dans le logement, une hospitalisation, des interventions, un temps de rééducation, dans le meilleur des cas ; face à la vulnérabilité nouvelle, se pose alors la question du retour à la maison et du recours éventuel à des aides à domicile. Cela semble compliqué et la qualité de la prise en charge toujours un peu incertaine. On se résout à placer son parent dans un établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), on se fait une raison : « ce ne sera pas si mal, il sera entouré », mais on se répète, des années après parfois, qu'il aurait pu peut-être rester chez lui plus longtemps si des solutions adaptées avaient existé.

Nos concitoyens n'acceptent plus que le maintien à domicile ne soit pas une réalité. Il en résulte une défiance à l'égard de l'action publique et du rôle du politique. C'est la raison pour laquelle il fallait changer de paradigme, et le faire dans l'urgence car la crise sanitaire a été une épreuve sans précédent pour les acteurs de l'autonomie. Du fait de l'accélération de la transition démographique, nous serons confrontés dans les années à venir à un défi collectif colossal. À l'urgence des besoins, je préfère répondre rapidement et concrètement à travers un texte budgétaire plutôt que de reporter la responsabilité sur le prochain gouvernement et de laisser la défiance s'installer.

Pour élaborer la réforme, nous sommes partis du quotidien des Français et des Françaises face à la perte d'autonomie. J'ai confiance dans notre capacité à changer de modèle et à répondre aux aspirations de nos concitoyens parce que notre réforme s'inspire de leur vécu.

Les structures offrant des services à domicile sont fragiles sur le plan économique. Les tarifs horaires sont souvent en deçà du coût de revient des services. Nous ne pouvons accepter plus longtemps dans notre République les disparités dans les interventions à domicile. Si le département doit rester un acteur de proximité de la perte d'autonomie, l'État doit garantir un financement identique des interventions partout sur le territoire national. Le PLFSS prévoit donc un tarif national minimal de 22 euros par heure d'intervention à domicile. Ce tarif plancher permettra un meilleur financement des interventions ainsi qu'une meilleure qualité de service pour les personnes accompagnées mais aussi pour les salariés.

En agréant l'avenant 43 de la convention collective de la branche de l'aide à domicile, l'État s'est engagé à revaloriser les métiers de l'aide à domicile, qui sont essentiels pour que les personnes âgées puissent rester chez elle. Grâce au financement de 200 millions d'euros que vous avez voté l'année dernière, l'État accompagne les départements pour augmenter de 13 à 15 % les salaires des aides à domicile du secteur associatif, soit près de 210 000 personnes. Les autres professionnels du domicile doivent aussi bénéficier d'une revalorisation : la hausse du financement par le biais de l'instauration d'un tarif national permettra aux employeurs commerciaux d'en accorder une à leur tour à leurs salariés.

Nous voulons également aller plus loin en allouant un financement complémentaire à la contractualisation entre départements et services à domicile. Je tenais à coconstruire cette nouvelle dotation, dite dotation de qualité, avec vous, avec toutes les fédérations de l'aide à domicile ainsi qu'avec les conseils départementaux pour garantir l'efficacité des financements dans les territoires. Cette dotation ne saurait être un outil ou un montant figé dans la loi et décidé depuis Paris : elle devra répondre aux besoins spécifiques des territoires et des personnes âgées qui y résident ; elle devra remplir des objectifs en matière de service public – par exemple des horaires élargis, le week-end notamment ou le repérage et la lutte contre l'isolement social des personnes âgées ; elle devra également financer des actions en direction des professionnels des services à domicile – des temps de coordination, d'échange et de supervision pour augmenter la qualité de vie au travail. Après avoir pris le temps de la concertation, je déposerai en séance publique un amendement visant à créer et à abonder cette dotation complémentaire.

L'instauration d'un tarif national et d'une dotation complémentaire a donc pour but de consolider les services et d'améliorer les interventions à domicile. Parallèlement, nous devons garantir à nos concitoyens une plus grande simplicité du système et une meilleure coordination des interventions. Pour ce faire, nous comptons réunir au sein d'une même structure les activités d'aide, d'accompagnement et de soins dont étaient chargées jusqu'à maintenant plusieurs structures différentes – services d'aide et d'accompagnement à domicile, services de soins infirmiers à domicile, services polyvalents d'aide et de soins à domicile. La création d'un interlocuteur unique interviendra dès 2022 – une dotation à la coordination entre services sera octroyée à cet effet. En 2023, et au plus tard 2025, tous les services à domicile devront proposer aussi des soins, ou, a minima, signer une convention avec une structure de soins du territoire. Les services uniques, dits services autonomie, bénéficieront dès 2023 d'un financement de l'activité de soin fondé sur le niveau de dépendance de la personne qu'ils accompagnent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. La transformation profonde que propose la réforme répond au vécu de nos concitoyens.

Nous souhaitons aussi adapter les EHPAD pour leur permettre d'accueillir des personnes âgées dont la perte d'autonomie est de plus en plus avancée. À cette fin, il faut accompagner financièrement les établissements pour les soins spécifiques, notamment pour leur permettre de recruter des personnels spécialement formés, en particulier sur les enjeux liés à la maladie d'Alzheimer. Une enveloppe de 115 millions d'euros est donc prévue pour aider les établissements à faire face à ce défi.

Autre défi auquel ils sont confrontés : l'absentéisme des professionnels qui y travaillent. Certains prétendent que le recrutement de 100 000 professionnels permettrait de résoudre tous les problèmes des EHPAD, mais il ne sert à rien de financer des postes qui ne peuvent pas être pourvus. Les revalorisations prévues dans le cadre du Ségur de la santé pour lutter contre l'absentéisme, le plan métiers pour fidéliser les professionnels, ainsi que le financement de 10 000 postes supplémentaires : voilà comment nous répondons aux défis des EHPAD. Nous y répondons aussi en généralisant les astreintes d'infirmiers de nuit et en augmentant le temps de présence de médecins coordonnateurs dans tous les EHPAD – deux jours par semaine au moins. Nous y répondons, forts des acquis de la crise, en développant massivement les équipes mobiles d'hygiène et de gériatrie afin de renforcer la sécurité sanitaire en lien avec l'hôpital. Nous y répondons en leur confiant de nouvelles missions ; certains EHPAD deviendront des centres de ressources pour les professionnels de l'aide à domicile dans leur bassin de vie. Nous développons la capacité de projection à domicile des EHPAD pour éviter que les personnes âgées soient contraintes d'aller dans un établissement, tout en respectant les missions des services à domicile. L'accompagnement renforcé à domicile, que l'on appelle à tort « EHPAD hors les murs », sera aussi ouvert aux services à domicile. Enfin, nous répondons aux défis grâce aux investissements prévus par le Ségur et le plan de relance qui finance, à hauteur de 2,1 milliards d'euros, la rénovation, la modernisation et l'ouverture des EHPAD.

La réforme de l'autonomie que contient le PLFSS est ambitieuse : elle représente 400 millions de mesures nouvelles en 2022 et 1,3 milliard en 2025. Elle est responsable puisqu'elle est financée entièrement par les ressources que vous avez déjà allouées à la branche autonomie.

Je sais pouvoir compter sur votre enthousiasme dans l'examen du PLFSS qui est aussi le vôtre : nous nous sommes inspirés de nombreux travaux parlementaires et désormais nous passons à l'action.

Je remercie Olivier Dussopt pour sa contribution sur les crédits d'aide à la personne.

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