Intervention de Guillaume Kasbarian

Réunion du mercredi 13 décembre 2017 à 17h00
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Kasbarian, rapporteur :

Je vous remercie de votre présence pour répondre aux questions de la représentation nationale.

Tout d'abord, qu'est-ce qu'une entreprise stratégique ? La question peut paraître triviale, mais elle est en réalité beaucoup plus complexe que l'on croit. Nous avons eu des réponses très différentes à chaque audition. Si l'on demandait aux députés ici présents d'établir une liste des entreprises stratégiques, nous n'aurions pas deux fois la même copie. Et si on les mettait toutes bout à bout, on obtiendrait probablement l'ensemble des entreprises du CAC 40, de l'énergie à l'agroalimentaire en passant par la santé, l'industrie lourde, les transports, l'eau ou encore la défense. Or, si tout est stratégique, rien ne l'est. Définir des entreprises stratégiques impose de faire des choix. D'où ma question : qu'est-ce qu'une entreprise stratégique ? La définition évolue-t-elle dans le temps ? Est-elle aujourd'hui la même qu'il y a quelques années ?

J'en viens au plan B et à votre métaphore du médecin. Je ne suis pas convaincu qu'il y ait dans cette salle des médecins altruistes d'un côté et, de l'autre, des croque-morts égoïstes. Le monde, qu'il soit ancien ou nouveau, n'est pas forcément binaire. Il y a ici des députés qui veulent unanimement soutenir notre industrie, qui en sont fiers, qui ont de beaux succès dans leur circonscription, avec aussi des investisseurs étrangers, et qui souhaitent protéger la souveraineté, le savoir-faire et les compétences de notre industrie.

Quel « Plan B » le médecin peut-il proposer ? Dans certains cas, ne s'agit-il pas d'acharnement thérapeutique ? Vous avez dit qu'à l'époque, vous étiez seul à soutenir votre position, contre la volonté de tous ; l'ensemble même du management de l'entreprise était défavorable à votre proposition. Dans ces conditions, que peut faire le politique ? Quelles sont les options une fois que l'on a dit que l'on ne voulait pas d'un investisseur étranger ? Qui finance ? Qui remplit le carnet de commandes ?

Ma troisième question porte sur le principe même des investissements étrangers en France. Tout comme le président de notre commission, je suis attentif aux prises de parole publiques, aux communiqués et aux postures médiatiques des uns et des autres. Pour certains, le rachat d'Alstom par GE ne convenait pas parce qu'il s'agissait d'une entreprise américaine ; un « territoire lointain », comme vous avez dit. Mais s'il s'était agi de Siemens, entreprise allemande, ça allait ! Aujourd'hui, quand Alstom est racheté par Siemens, ça ne va plus. De même, le rachat des Chantiers de Saint-Nazaire par STX n'est pas satisfaisant parce que ce sont des Coréens – la Corée, un autre « territoire lointain » !. Puis quand des Italiens se présentent, on considère que, finalement, les Coréens, c'était mieux.

Ma question est un peu provocatrice : ces paroles publiques, ces postures médiatiques, ne masquent-elles pas parfois un vrai problème de principe à l'égard de l'investissement étranger en France ? Ne dissimule-t-on pas ainsi les nombreux investissements de Français à l'étranger, dont on parle peu mais qui sont très nombreux, et les investissements d'étrangers en France – provenant de « territoires lointains » ou de notre voisinage immédiat – qui ne posent souvent aucun problème, pour la préservation des emplois, des savoir-faire, des compétences et de la souveraineté nationale ?

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