Intervention de Daniel Fasquelle

Réunion du mercredi 13 décembre 2017 à 17h00
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Dans ce dossier, je suis à la fois triste et en colère car, malheureusement, nous avions craint tout ce qui se passe aujourd'hui. Nous l'avions d'ailleurs annoncé lors de différentes auditions, dont certaines auxquelles vous aviez participé. Nous avions dénoncé un habillage, un beau paquet cadeau. Les entreprises de communication sollicitées alors ont très bien fait leur travail et ont dû gagner beaucoup d'argent pour vendre aux Français une histoire à dormir debout. On nous a fait croire qu'Alstom « Énergie » ne disparaissait pas, que c'était un formidable mariage avec GE. On voit ce qu'il en est aujourd'hui !

Vous avez parlé à plusieurs reprises de volonté politique. Elle a manqué hier – et vous n'êtes pas en cause – et elle manque aujourd'hui. Vous avez dessiné d'ailleurs quelques solutions s'agissant de ces coentreprises. Quand on parle de volonté politique, on parle aussi de responsabilité politique : une commission d'enquête à l'Assemblée nationale a aussi vocation à établir les responsabilités des uns des autres dans ce fiasco, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il y avait au départ une entreprise française en bonne santé, qui certes avait à imaginer son avenir avec des partenariats, mais il n'y avait aucune raison de la vendre en deux morceaux comme cela a été fait, un à GE et l'autre à Siemens. On savait très bien que, contrairement à ce qui nous avait été dit, Alstom Transport ne pourrait pas rester seul. On nous a raconté des histoires en expliquant qu'on allait sauver Alstom Transport en vendant la branche « Énergie » d'Alstom. Nous avions répondu que les choses ne se passeraient pas comme cela.

S'agissant des responsabilités politiques, que s'est-il passé ? Vous n'êtes pas en cause, je sais que vous vous êtes battu et nous vous avions soutenu à l'époque. D'ailleurs, contrairement à ce que l'on a pu dire, il y a eu parfois entre majorité et opposition du soutien et des points d'accord. Moi, je suis un gaulliste, j'ai toujours soutenu vos efforts en tant que ministre de l'industrie pour mettre en place une politique industrielle ou défendre un certain nombre de nos entreprises, dont Alstom. Il n'empêche qu'il y a eu des arbitrages, que vous avez perdus.

Qui a penché dans la balance à un moment pour vous faire perdre ces arbitrages ?

Celui qui est devenu ensuite ministre de l'économie, et qui a signé finalement l'arrêt de mort d'Alstom « Énergie » quelques mois après, était juste avant secrétaire général adjoint de l'Élysée et aurait dit au cours d'une réunion que la France n'était pas le Venezuela, contribuant à vous faire perdre cet arbitrage. Donc, quelle est la responsabilité de M. Macron, secrétaire général adjoint de l'Élysée puis ministre de l'économie, dans ce fiasco ? Je pense qu'il porte une part de responsabilité très importante. On constate d'ailleurs aujourd'hui que la volonté politique manque toujours pour défendre ce qui reste d'Alstom « Énergie ».

Deuxième question, quel était le poids des procédures aux États-Unis ? On sait que General Electric est coutumier du fait. Les entreprises étrangères déstabilisées à la suite de procédures deviennent des proies faciles pour les grands groupes américains. General Electric en était, je crois, à son cinquième rachat à la suite du même procédé. D'ailleurs, comme par hasard, au lendemain de la vente, l'affaire s'est réglée devant les tribunaux américains. C'est extrêmement révélateur de ce qui s'est passé. Ne faisons-nous pas preuve de naïveté ? Quelles sont vos propositions pour que demain, nous soyons moins naïfs et nous puissions mieux nous défendre contre ces procédures ? MyFerryLink, ex-SeaFrance, a été déstabilisé de la même façon à partir d'une action engagée devant la Competition and Markets Authority (CMA), l'autorité de la concurrence britannique. Répondant à une question au Gouvernement, M. Macron avait répondu qu'on ne pouvait rien faire. C'était faux, nous aurions parfaitement pu défendre MyFerryLink. ! Que peut-on faire demain pour mieux se défendre face à des pays qui n'hésitent pas à utiliser tous les moyens pour déstabiliser nos grandes entreprises afin de les racheter ensuite ?

Dernière question, vous avez beaucoup parlé de la politique industrielle française mais ne manque-t-il pas, surtout, une politique industrielle européenne ? En tant que ministre, avez-vous eu des contacts avec vos homologues en Europe ? Ne faut-il pas revoir la politique européenne de concurrence et permettre l'émergence de champions européens ? L'Europe ne joue-t-elle pas contre nous en nous empêchant de mettre en place une politique industrielle à l'échelle de l'Europe ?

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