Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du lundi 11 octobre 2021 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Avant de commencer mon propos, je voudrais, monsieur le ministre délégué, vous adresser un message de la part de nos collègues calédoniens qui souhaitent vous alerter sur la situation en Nouvelle-Calédonie. Ce territoire, qui avait jusqu'alors été épargné par la crise sanitaire, est aujourd'hui durement touché : la barre des 200 décès vient malheureusement d'y être franchie. Mes deux collègues Philippe Dunoyer et Philippe Gomès tiennent à saluer l'envoi de renforts issus de la réserve sanitaire pour prêter main-forte au personnel local, mais la Nouvelle-Calédonie sollicitera tout de même certainement des aides directes de l'État pour faire face à la situation. Les entreprises calédoniennes semblant être durement touchées, elles demanderont peut-être un assouplissement des conditions de remboursement des PGE dont elles ont bénéficié. Voilà le message qu'ils voulaient vous transmettre ; ils voulaient vous remercier mais ils espèrent aussi – cela ne devrait pas présenter de difficulté – que l'accompagnement par l'État se poursuivra. Merci d'avance.

À lire l'exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2022, nous pourrions croire que tout va bien, que les finances s'assainissent et que la crise est derrière nous. Pourtant, ce PLF, le dernier de la législature, nous amène à l'heure du bilan.

C'est une période délicate, entre la fin du « quoi qu'il en coûte », qui a pris la forme d'un soutien massif aux entreprises et aux salariés, et la relance soutenue de l'économie, portée par l'investissement. Le fait que nous nous retrouvions durant cette période de transition doit nous amener à faire des choix forts, afin de répondre à l'urgence mais aussi pour préparer l'avenir. Or j'en fais le constat amer : le texte à tiroirs qui nous est présenté ignore fondamentalement cette nécessité.

À quelques mois de l'élection présidentielle et des élections législatives, ce PLF prend naturellement une tonalité politique. Il clôt certes la période du « quoi qu'il en coûte », sans pour autant rompre avec un niveau élevé de dépense publique. Si nous prenons un peu de hauteur, nous remarquons que le PLF pour 2020 a été celui de l'urgence et le PLF pour 2021 celui de la relance ; malheureusement, monsieur le ministre, le PLF pour 2022 n'est ni celui de l'investissement ni celui de la normalisation : c'est un PLF de la dépense publique.

La dépense publique devrait en effet représenter 56,4 % du PIB en 2022, ce qui l'amène à un niveau supérieur de 8 points à la moyenne de la zone euro. Les dépenses dites « ordinaires » continuent d'augmenter nettement. Le taux de croissance de la dépense publique en volume, hors crédits d'impôts, soutien et relance, devrait en effet s'élever à 0,8 % l'année prochaine ; en valeur, la hausse sera de 2,3 %, ce qui correspond à 32 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Ce qui met en péril notre avenir, ce sont donc bien nos dépenses structurelles et notre incapacité à sortir de la suradministration qui nous caractérise.

Je regrette que cette partition budgétaire soit marquée par de nombreuses fausses notes. Il n'est pas aisé pour un chef d'orchestre de définir le tempo, surtout quand il manque quelques notes à ses partitions.

Votre budget est une symphonie inachevée. Après une semaine de travail en commission des finances, et au moment de démarrer nos travaux dans l'hémicycle, nous n'avons toujours aucune donnée sur votre plan d'investissement – France 2030 – ni sur le revenu d'engagement pour les jeunes. Nous évoquons au bas mot 30 à 32 milliards d'euros.

De deux choses l'une : soit vous n'êtes pas en mesure de nous présenter vos projets, et c'est dramatique ; soit vous avez volontairement exclu des données de votre budget, et c'est une offense faite au Parlement, aux Françaises et aux Français.

Nous ne sommes pas dupes : en plus d'exprimer un mépris flagrant à l'égard du Parlement, cette technique ingénieuse permet de contourner l'avis du Conseil d'État en déposant des amendements de dernière minute aux montants considérables sans disposer d'une étude d'impact, tout en évitant l'effondrement des chiffres conjoncturels. Ce calibrage complexe est assez simple, il consiste à allier à des mesures électoralistes ponctuelles des mesures pérennes et structurelles. Vous défendez le principe de la stabilité fiscale pour donner de la visibilité aux ménages et aux entreprises, alors qu'il est déjà difficile de mesurer l'harmonie de ce budget.

Hier matin, rentrant chez moi après une commémoration en circonscription, j'ai entendu M. Castaner, président du groupe majoritaire, au Grand Jury RTL-Le Monde. Il trouvait tout à fait normal que ce soit le Président de la République qui ait préparé, décidé et annoncé le grand plan d'investissement, et que le Parlement n'y soit pas associé. C'est choquant, notre rôle est de travailler sur de tels sujets et c'est aussi une chance pour la majorité. C'est en nous réunissant tous autour d'une table que nous parviendrons à un résultat. Il s'agit d'un signe de mépris du Parlement, qui accrédite surtout l'idée que les parlementaires ne servent à rien et alimente le populisme. Vu les temps que nous vivons, si nous continuons dans cette voie, nous aurons tous à le payer. Il n'est pas nouveau que des amendements importants soient déposés par le Gouvernement, mais ce n'est pas parce que les autres le faisaient qu'il faut le faire !

Si nous suivons le tempo des annonces du président-candidat, les chiffres seront peut-être encore une fois caducs. Et si le scénario macroéconomique venait à être modifié, pour prendre en compte ces mesures, une nouvelle saisine du Haut Conseil des finances publiques par le Gouvernement serait nécessaire, ce qui entraînerait une sacrée cacophonie. Pour la première fois pendant cette législature, le Haut Conseil a regretté « des conditions de saisine qui ne lui permettent pas de rendre un avis pleinement éclairé sur les prévisions de finances publiques pour 2022 à l'intention du Parlement et des citoyens, en application de son mandat. » Il s'est donc déclaré incapable d'évaluer la plausibilité du déficit public annoncé pour 2022. Malgré cette poursuite de la dépense, le déficit et la dette publique commenceraient très légèrement leur baisse. Le déficit se replierait à 4,8 % du PIB après un pic à 8,4 % en 2021. La dette reviendrait à 114 % du PIB en 2022 après avoir atteint 115,6 % en 2021.

Évidemment, la France va stabiliser ses émissions de dette pour se financer. L'Agence France Trésor, chargée de placer la dette de l'État sur le marché, prévoit de nouveau d'émettre 260 milliards d'euros d'obligations à moyen et long terme en 2022, comme en 2021. Cette opération, en complément d'une émission de dette à court terme de 5 milliards et d'un retrait de 22 milliards sur le compte du Trésor public, lui permettra de satisfaire son besoin de financement de 292,7 milliards d'euros l'année prochaine.

Par ailleurs, nous saluons la création du programme budgétaire 369 Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19, mais une question subsiste : comment rembourser la dette liée à la covid ? Après deux ans de creusement de la dette en raison de l'ouverture des vannes budgétaires pour soutenir l'économie face au coronavirus, vous vous engagez à amortir la dette de l'État liée à la crise – estimée à 165 milliards d'euros – sur vingt ans, jusqu'en 2042, en affectant chaque année environ 6 % du surplus de recettes dégagé par rapport à 2020. En 2022, ce montant sera de 1,9 milliard d'euros, en espérant qu'une hausse d'impôts ne soit pas l'unique solution à terme. Au-delà, la dette publique française dépassera donc les 3 milliards d'euros en 2022. À ce rythme, nous y serons encore dans plus de cent ans !

Dans ce contexte budgétaire, comment ne pas évoquer la hausse inexorable des prix de l'énergie ? Que ce soit pour se déplacer, se chauffer ou simplement pour la vie quotidienne, le coût de l'énergie occupe une place prépondérante dans le budget des ménages. Les mesures annoncées par le Gouvernement, si elles sont appréciables, ne semblent pas avoir pris la mesure du phénomène. Il ne s'agit pas de repousser le problème après les élections présidentielles mais d'engager des réformes indispensables. Au nom de mon groupe UDI et indépendants, j'ai indiqué lors des questions au Gouvernement la semaine dernière que nous proposons une solution de bon sens : supprimer la TVA sur les taxes locales ou baisser de 20 % à 5,5 % la TVA sur les petites taxes énergétiques. Monsieur le ministre, je renouvelle ma question : pourquoi ne supprimez-vous pas de manière permanente la TVA appliquée à la fiscalité écologique ? Ce n'est qu'une taxe sur la taxe.

Gouverner c'est prévoir, mais c'est surtout anticiper et préparer l'avenir. Nous pensons également que les 2 milliards d'euros que va percevoir l'État français de la part d'EDF offrent une occasion unique. Pourquoi ne pas en affecter 50 % à la rénovation énergétique des bâtiments et à des mesures d'économie d'énergie, principalement pour les classes moyennes, qui sont les oubliées de vos propositions ? J'ai bien entendu les réponses du rapporteur général indiquant que tout ceci est le fait d'une directive européenne et que nous n'y pouvons rien. Une fois de plus, si ce Parlement ne sert à rien, nous avons un vrai problème. La directive européenne peut être remise en débat, la France sera en bonne position à partir de janvier pour le faire. Les hausses d'énergie sont une vraie question ; je viens d'un département où il fait froid l'hiver et quand il fait moins dix ou moins quinze degrés, l'énergie n'est pas accessoire. Quand les familles ont 700 ou 800 euros de facture de gaz en plus et que, malheureusement, elles sont hors des critères pour bénéficier du chèque énergie, il y a un vrai problème. Nous devons le partager, car nous ne sommes qu'au début de la hausse du coût de l'énergie. Il faudra prévoir des mesures pérennes, c'est ce que nous faisons plutôt que de proposer simplement de repousser des choses après l'élection présidentielle.

À l'occasion de ce dernier budget de la législature, nous souhaitons rappeler notre attachement à la réalisation des réformes structurelles. Depuis quatre ans, notre groupe s'est toujours inscrit dans une attitude constructive. Hélas, la majorité s'est caractérisée par son manque d'ouverture, nous le regrettons. Quand il s'agit de travailler pour l'avenir des Français et de la France, il n'y a pas de groupes qui s'opposent, mais la nécessité de s'enrichir des propositions des uns et des autres. C'est dans cette volonté que nous démarrons ces discussions budgétaires.

Nous espérons qu'au terme de cette crise sanitaire sans précédent, notre pays retrouvera le chemin de la croissance. Nous sommes persuadés qu'il est indispensable d'inscrire nos politiques publiques dans des réformes de fond. La bureaucratie écrase l'esprit d'entreprendre de nos petites et moyennes entreprises, mais aussi nos collectivités et notre système de santé. Puisque nous sommes en train – c'est heureux – de sortir de cette terrible crise du covid-19 qui a ébranlé notre système hospitalier, je citerai un chiffre : notre budget par habitant pour l'hôpital est à peu près le même que celui de l'Allemagne, mais alors que les frais administratifs y atteignent 25 %, ils sont de 34 % en France.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.