Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du lundi 18 octobre 2021 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Article 18 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Comme chaque année, nous disposons d'un moment, sans doute trop court, pour débattre de notre participation financière au fonctionnement de l'Union européenne. Au-delà du montant du prélèvement – 26,4 milliards d'euros –, ce débat nous permet aussi et surtout d'aborder l'état de l'Union. En cette année, il prend une dimension particulière, à la veille de la présidence française du Conseil.

Nous abordons ce semestre avec un fossé entre les ambitions légitimes portées par la France pour faire avancer la construction européenne et les réticences exprimées par certains pays membres. Nous avons tous en tête le récent arrêt de la Cour constitutionnelle polonaise, inquiétant sinon plus. Face à la montée de l'euroscepticisme se posent les questions de la transition écologique, de l'autonomie stratégique, de la régulation des géants du numérique, de la prise en compte de la diversité des territoires.

L'année 2021 a été incertaine et exceptionnelle pour l'Europe, et le budget 2022 s'inscrit dans la même lignée. Ces incertitudes ne doivent pas nous conduire à un excès de prudence qui nuirait à la relance. En ce sens, le Parlement européen entend porter le budget de l'Union pour 2022 à près de 170 milliards. Je ne peux que saluer la volonté de nos collègues européens qui proposent de renforcer le projet de la Commission de 2,7 milliards, afin d'investir davantage dans Erasmus+, la recherche, l'action climatique et la santé. Je tiens en particulier à souligner l'effort déployé en faveur de la lutte contre le changement climatique : 30 % des fonds de l'Union y sont consacrés, soit le niveau le plus élevé jamais enregistré. Le plan de relance européen de 750 milliards doit contribuer pleinement à ces objectifs, même si son déploiement est trop lent.

En dépit de ces promesses, notre groupe alerte sur la lenteur des décaissements : un peu plus de 5 milliards d'euros pour la France en 2021 sur les 40 milliards promis, c'est trop peu, trop lent. Le Gouvernement a négocié avec la Commission pour accélérer ces versements. En toute hypothèse, il ne faudrait pas que la lenteur des procédures européennes nuise à la reprise française.

Par ailleurs, ce plan aurait pu nous conduire à repenser plus en profondeur le financement de l'Union, aujourd'hui peu satisfaisant. La contribution des États est devenue prépondérante, les trois quarts contre seulement un quart pour les ressources propres, et nous sommes dans une impasse.

Le groupe Liberté et territoires appelle donc à une réforme du mode de financement de l'Union. En 2021, la mise en place d'une nouvelle contribution sur les plastiques non recyclés a été un premier petit pas. Quid d'une taxation sur le numérique ? La France reste encore bien solitaire avec sa taxe GAFA.

Nous espérons que le Gouvernement saisira l'occasion de la présidence tournante pour accélérer les négociations sur ce sujet, même si nous ne minimisons pas les réticences qui existent en la matière. Nous sommes convaincus que jamais l'Union européenne ne trouvera un fonctionnement économique juste ni une vie sociale protégée de l'escalade actuelle tant que perdureront en son sein de véritables paradis fiscaux.

Par ailleurs, le groupe Libertés et territoires regrette de voir qu'en 2022, la France continue de contribuer pleinement au financement des différents rabais dont bénéficient certains États ; comme la majorité des groupes parlementaires, nous ne pouvons que rappeler notre opposition à ce système injuste. Le Brexit et la fin du « chèque britannique » auraient dû nous conduire à sortir définitivement d'un tel mécanisme ; sa persistance va à l'encontre de l'essence européenne.

Les négociations budgétaires ont permis de parvenir à des compromis, notamment concernant la PAC, même si nous attendons le contenu des plans stratégiques nationaux. Mais elles ont également été marquées par des échecs, en particulier s'agissant des crédits dédiés à la politique de défense. En 2022, évoquer l'ambition d'une défense européenne paraît difficilement crédible, et ce n'est pas la récente affaire de la vente de sous-marins à l'Australie qui démontrera le contraire.

Certes, le cadre européen 2021-2027 a marqué une progression inédite du budget consacré à la défense, mais les montants restent minuscules – 7,9 milliards d'euros seulement. Il nous faut renforcer cette dimension européenne pour que l'Union ne se retrouve pas dépassée, dans un monde dangereux et instable.

Au-delà des seules considérations budgétaires, notre groupe rappelle son attachement à la construction européenne. Le budget européen que nous voulons pour demain doit traduire notre engagement dans la construction d'une Europe forte, une Europe unie, une Europe des territoires, une Europe des citoyens, où chacun partage un socle commun de valeurs. Je dirai pour conclure que le chantier de l'indispensable adhésion citoyenne reste ouvert.

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