Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du mercredi 27 octobre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

La mission Immigration, asile et intégration voit ses crédits augmenter de 3 % et atteindre 1,9 milliard d'euros, dont deux tiers sont dédiés à la prise en charge des demandeurs d'asile. Les principaux objectifs annoncés par le Gouvernement concernent le programme 303 Immigration et asile, soit l'essentiel du budget de la mission, et sont l'amélioration des délais de traitement et celle des conditions matérielles d'accueil pour les demandeurs d'asile. Si nous partageons pleinement ces objectifs, nous considérons que le budget proposé ne permettra malheureusement pas de les atteindre.

En juillet 2017, le Président de la République avait fait la promesse de donner un toit à tous les demandeurs d'asile dès la fin de cette même année. Alors que nous approchons de la fin du quinquennat, nous sommes très loin de cet objectif et les demandeurs d'asile constituent une part significative des sans-abri de notre pays. Seulement 59 % d'entre eux devraient être hébergés en 2021. Ce chiffre, bien qu'en hausse par rapport aux années précédentes, reste évidemment trop faible. Rappelons que la dernière loi de finances prévoyait d'héberger 65 % des demandeurs d'asile en 2021.

Dès lors, les députés du groupe Libertés et territoires sont très surpris de la cible ambitieuse fixée pour 2023 de 90 % des demandeurs d'asile hébergés. Comment, madame la ministre déléguée, comptez-vous atteindre ce résultat ? Il devrait être d'autant plus difficile à atteindre que le nombre de places d'hébergement augmente bien trop lentement par rapport aux besoins. Seules 800 places d'hébergement supplémentaires ont été créées au titre du plan de relance. Le Gouvernement annonce la création de 4 900 places supplémentaires d'ici au deuxième semestre 2022, mais il a décidé de subordonner ces créations à une évolution des dépenses liées à l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) n'excédant pas les prévisions.

Il est ainsi précisé, dans l'annexe au projet de loi de finances pour 2022 consacrée au budget de la mission : « Ces crédits incluent une provision de 20 millions d'euros en crédits de paiement pour couvrir un éventuel dépassement de l'ADA au-delà de 467 millions d'euros. S'il était avéré à la fin du premier semestre 2022 que ce dépassement ne devait pas se réaliser, cette provision serait utilisée pour la création de 4 900 nouvelles places d'hébergement : 3 400 places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile et 1 500 places en centres d'accueil et d'examen des situations (CAES). » Il est très étonnant, voire inacceptable, que le Gouvernement choisisse de subordonner la nécessaire création de places supplémentaires d'hébergement au fait que le coût global de l'ADA n'excédera pas les prévisions – qui ne seront évidemment pas vérifiées. Il est donc acté qu'il manquera encore davantage de places. La situation d'un pays comme l'Afghanistan suffit à elle seule à le confirmer.

Il est bien évidemment nécessaire de raccourcir les délais de traitement des demandes d'asile, actuellement trop longs. Cette réduction doit passer par une hausse des moyens et non par une déshumanisation des jugements. Les avocats qui défendent les demandeurs d'asile se sont mis en grève début octobre et ont protesté devant la Cour nationale du droit d'asile. Ils dénoncent la dégradation inacceptable de la justice rendue par la CNDA, comme s'en est fait l'écho dans cet hémicycle mon collègue Sébastien Nadot, qui préside la commission d'enquête sur les migrations, constituée à l'initiative du groupe Libertés et territoires. La CNDA recourt de plus en plus souvent au rejet des demandes d'asile par ordonnance, sans même auditionner le demandeur d'asile, afin d'économiser du temps. Ce n'est pas notre conception du droit d'asile en France et nous proposerons, dans une autre mission budgétaire, un amendement visant à augmenter les moyens de la CNDA. Les moyens des préfectures devraient également être confortés dans ce domaine, comme l'a rappelé hier notre collègue Jennifer De Temmerman lors des questions au Gouvernement.

L'annexe au projet de loi de finances pour 2022 consacrée au budget de la mission "Immigration, asile et intégration" insiste sur le développement des centres de rétention administrative et sur l'ouverture de nouvelles places. Cette politique d'enfermement ne résout rien. Les durées de rétentions s'allongent et des problèmes de sécurité existent dans ces centres. Un incendie a récemment eu lieu au CRA d'Hendaye. L'année dernière, seulement 12 % des personnes retenues dans des centres de rétention administrative ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Il est nécessaire, par ailleurs, de consacrer davantage d'attention et de moyens à la prise en charge sanitaire et sociale des personnes enfermées dans les CRA, mais aussi de développer des solutions alternatives à ces centres.

Un mot, enfin, sur la récente décision du ministère de l'intérieur de durcir l'octroi de visas pour les ressortissants des pays du Maghreb. La solution choisie est-elle la plus adaptée pour régler les conditions de retour au pays de ressortissants en situation irrégulière ? Elle risque, au contraire, de pénaliser injustement un grand nombre de leurs citoyens, parfaitement légitimes à venir étudier dans notre pays, à y apporter leurs compétences ou à le visiter.

En définitive, le groupe Libertés et territoires votera contre les crédits de la mission "Immigration, asile et intégration" , qui ne permettront pas d'atteindre l'objectif de dignité de l'accueil des migrants sur notre sol, dans le respect des impératifs humanitaires dont nous sommes tous dépositaires.

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