Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du mercredi 20 décembre 2017 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le ministre, ce projet de loi a, de prime abord, les meilleures intentions. La conjonction des mots « État », « service », « société » et « confiance » est a priori positive. Toutefois, chacun ici sait que la bonne loi est aussi et fondamentalement un art d'exécution.

Le premier constat que formule le groupe Nouvelle Gauche porte sur la méthode utilisée, c'est-à-dire sur l'engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée. Alors que nous ne cessons de valoriser la place et le rôle du Parlement, le choix de cette procédure me laisse dubitative, car il ne permettra pas de prendre le temps nécessaire pour examiner ce texte. Et je n'évoque même pas ici les habilitations demandées au Parlement pour que le Gouvernement se substitue à lui et adopte certaines dispositions.

Le deuxième constat a trait à l'étude d'impact qui apparaît, à bien des égards, insuffisante. Le Conseil d'État a pointé le caractère lacunaire de celle-ci sur plusieurs dispositions phares, comme l'instauration d'un droit à l'erreur, l'opposabilité des textes de l'administration, la généralisation des rescrits. L'étude fait aussi un peu l'impasse sur le bilan de l'existant pour en tirer des leçons pour l'avenir et, chose étonnante, une approche comparée avec les autres pays européens est rarement présente dans l'étude.

Troisième constat : dans tout changement radical d'une relation, il faut une appropriation, d'une part par les agents et collaborateurs de l'administration, d'autre part par les usagers. Ce texte évoque d'ailleurs à juste titre une nouvelle culture de l'administration, mais le mot « formation » par exemple ne figure qu'une seule fois sur les 300 pages que constituent l'étude d'impact et le projet de loi, et aucune indication n'est donnée sur les moyens en montant ou en pourcentage qui devraient représenter cet effort nécessaire.

Concernant les usagers, France Stratégie, organisme officiel, faisait le constat, dans un rapport de 2016, que nos services publics connaissaient et connaissent une crise de légitimité. Il pointait deux éléments significatifs. Premièrement, dans un contexte de modernisation des administrations qui implique la dématérialisation des démarches, il considère que la distance entre les administrations et les citoyens s'accroît avec le risque de disparition du rôle d'intermédiaire, de facilitateur qu'assure l'agent pour les populations les plus fragiles. Deuxièmement, les agents des services publics s'épuisent à essayer justement de surmonter le désordre des institutions, la multiplicité des acteurs, l'accumulation des niveaux de responsabilité. Sur ce dernier point, le projet dit très peu de chose ou rien.

Ma première question porte sur les moyens. Quelle évaluation précise a été faite des moyens que l'ensemble des administrations devront ou pourront déployer en termes de formation et d'accompagnement des agents et des collaborateurs des services publics ? Avez-vous estimé et valorisé les moyens budgétaires utiles ? Ceux-ci seront-ils bien identifiés et fléchés ? C'est bien de dire que cela se fera à moyens constants, mais c'est mieux d'apporter les éléments objectivés.

Ma deuxième question est relative aux collectivités territoriales. Comment seront-elles associées à la mise en oeuvre d'une réforme qui les touche ou qui serait incomplète sans que certaines informations qu'elles détiennent ne puissent être fournies aux usagers ? Je pense notamment à l'obligation d'informations exhaustives sur les normes régissant une activité économique ou sociale ou pour lesquelles les collectivités territoriales ont établi des règles locales ou décliné des règles générales.

Ma dernière question est relative à qui fait quoi. Le rapport de France Stratégie note que sans la participation à la coproduction des services publics, l'agent public et l'usager qui se font face sont confinés dans un rôle souvent d'exécutants, de prescriptions conçues en dehors d'eux, ce qui offre un terrain propice à l'agressivité.

Comment l'usager saura-t-il qui, dans une organisation complexe comme l'est notre système institutionnel, établit la doctrine administrative claire et sans équivoque et qui présuppose le droit de prévaloir ? Comment les usagers et les agents publics seront-ils associés de façon régulière et consultés sur la définition de cette doctrine ? Autrement dit, monsieur le ministre, quelle est votre propre doctrine en matière de démocratie administrative ? Je vous remercie par avance de vos réponses.

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