Intervention de Laurent Diez

Réunion du mercredi 20 décembre 2017 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance

Laurent Diez, secrétaire général du syndicat national des personnels techniques de l'enseignement supérieur (SNPTES) de la Fédération autonome de la fonction publique territoriale (FA-FP) :

À la provocation amicale de M. Vallaud au sujet de la fonction publique, je répondrai par une autre provocation amicale : la fonction publique a probablement le statut le plus moderne pour assurer toutes ses missions, à savoir un statut qui assure l'égalité, l'indépendance, l'impartialité, la laïcité…

Ce statut a su évoluer et continue de le faire. À l'intérieur même de ce statut, il faut certes dépoussiérer certaines choses et certaines voies pour que les agents qui sont à l'intérieur puissent jouir d'une meilleure reconnaissance. Cette reconnaissance de la valeur professionnelle de l'agent doit permettre une meilleure dynamique des carrières. Car le statut de la fonction publique est souvent battu en brèche par des dispositifs de barème dans lesquels il est difficile de se reconnaître.

Nous ne sommes ainsi guère attachés aux barèmes. Nous préférons la reconnaissance de la valeur professionnelle. Dans l'enseignement supérieur et la recherche, comme dans l'éducation nationale, ces dynamiques de carrière fonctionnent pour certaines catégories de personnel, quand bien même les possibilités de promotion, de changement de grade ou de changement de corps y sont peu nombreuses.

J'en viens au référent unique, notamment dans l'éducation nationale. Pour un usager, il est en effet difficile de trouver son chemin dans un rectorat. Effectivement, un référent unique permettrait à l'usager d'être bien aiguillé, en évitant le jeu de ping-pong entre différents bureaux qui se renvoient la balle. Ce serait donc une bonne entrée en matière pour que l'usager puisse, à la fin, se dire content et se déclarer confiant dans l'administration. Ce serait utile pour les parents d'élève.

Pour ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche, je voudrais revenir sur l'article 28 du projet de loi. L'enseignement supérieur et la recherche ont subi depuis 2005 trois lois : la loi d'orientation et de programmation sur la recherche et l'innovation en 2005 ; en 2007, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU ; en 2012, la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite loi ESR. Veut-on ajouter une quatrième couche ? À chaque nouvelle élection présidentielle et législative, on impose à l'enseignement supérieur une loi qui change les manières de se gouverner…

Il y a un moment où les personnels ne savent plus où ils en sont. On ne sait plus où on est, on ne sait plus ce qu'on fait et on ne sait plus pour quoi on travaille. Or une loi relative à la réussite des étudiants est en cours d'examen. N'est-il pas plus important de réussir sa mise en oeuvre que de savoir quelles sont les prérogatives d'un président d'université au sein de son établissement, issu ou non d'un regroupement ?

Il vaut mieux réussir la réussite des étudiants, qui est ce pour quoi nous devons travailler. C'est là notre travail.

Nous avons tout de même réussi à instaurer, en quelques années, une démocratie universitaire. Il y a des élus, qui élisent un président, qui préside. Il n'est arrivé qu'une seule fois, je crois, qu'un président n'ait pas la majorité pour faire voter un budget : sur quatre-vingt-dix établissements, c'est peu ! Les universités fonctionnent : pourquoi changer encore ?

Il y aurait, nous dit-on, trop de monde dans les conseils d'administration. Certaines universités voudraient réduire le nombre de membres – Paris-Saclay souhaite passer de trente-six à vingt-huit. Mais les élus seraient alors en minorité par rapport aux membres nommés. Vous êtes vous-mêmes des élus, vous avez parfois été élus locaux. Que penseriez-vous d'un conseil municipal où des membres extérieurs, nommés, voteraient pour le maire ? Où serait la démocratie ? Nous ne pouvons pas accepter que nos établissements ne soient plus dirigés par ceux qui y travaillent, personnels et usagers, puisque les étudiants sont représentés. Ni les personnels ni les usagers n'ont jamais empêché une université de fonctionner, et les élus ne doivent pas être mis de côté.

Certes, les universités fonctionnent parfois mal. En particulier, la loi n'a pas pris en considération la situation des universités franciliennes, ce que nous avions signalé à l'époque. Les regroupements franciliens sont absolument illisibles, avec des arrivées, des départs, des regroupements et des délitements…

Nous ne sommes opposés ni aux fusions d'établissements, ni aux regroupements. Le SNPTES est la première organisation syndicale, en nombre de sièges, dans les universités. Nous prenons nos responsabilités et nous avons déjà accompagné des fusions ou des regroupements d'établissements. Mais il faut être honnête : ces changements sont très anxiogènes, notamment parce qu'ils impliquent des regroupements de services. S'il ne propose que des mutualisations à marche forcée, dans le seul but de faire des économies, le projet est mort-né : les gens ne se sentent pas concernés.

L'expérimentation, c'est la base de la recherche ! Nous n'y sommes donc pas opposés. Mais il faut aussi dresser des bilans, ce qui n'est jamais fait.

Aujourd'hui, regardons calmement la situation : il n'est pas nécessaire de faciliter la direction des établissements. Ce dont nous avons besoin, ce sont de vrais projets de regroupements. La loi pour l'enseignement supérieur et la recherche n'impose pas la création de communautés d'universités et établissements (COMUE) ; elle prévoit la possibilité pour les universités de s'associer, sans création d'établissement supplémentaire. Il faut en effet souligner que les COMUE ne prennent pas la place des autres structures : elles ajoutent simplement une couche au mille-feuilles. Elles ne simplifient pas le système, bien au contraire. Il est inutile de le complexifier encore, ce que risquent de faire les ordonnances prévues par le projet.

Ces présidents d'université, qui se veulent tout-puissants, aimeraient se soustraire aux règles même de l'État et de la fonction publique. Je vous renvoie au projet d'université de Lyon : c'est le président qui a tout pouvoir sur le personnel. C'est le statut de la fonction publique qui disparaît. Si l'État instaure le protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) ou augmente le point d'indice, l'université de Lyon sera-t-elle encore concernée ? Nous restons, nous, attachés à une fonction publique égalitaire et nationale.

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