Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du lundi 6 décembre 2021 à 16h00
Différenciation décentralisation déconcentration et simplification de l'action publique locale — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Il n'en est pas question dans ce texte, mais je veux le redire ici : nous sommes bien sûr favorables à une renationalisation des politiques liées à l'aide sociale à l'enfance, de manière à assurer une protection digne et équitable de tous les enfants placés de notre pays.

Nous assumons la présence d'un État fort et d'une puissance publique régulatrice, sans lesquels il est laissé tout loisir au privé de décider pour nous, au détriment des enjeux écologiques et climatiques auxquels nous faisons face. C'est ce que vous faites dans ce texte en permettant, par exemple, le transfert des autoroutes non concédées et des routes nationales aux départements, aux métropoles et aux régions volontaires. Madame la ministre, nous ne sommes pas d'accord. La pleine maîtrise des infrastructures de transport national est une caractéristique d'une puissance publique garante de l'intérêt général et un outil central d'aménagement du territoire.

Avec ce texte, vous permettez à des acteurs privés ou publics de participer au financement de certains projets d'aménagement d'autoroutes non concédées, notamment les échangeurs. Pour le dire plus clairement à nos concitoyens, vous permettez à des entreprises comme Disneyland de construire un échangeur pour augmenter l'attractivité de son parc, ou comme Amazon de construire une route pour accéder à ses méga-entrepôts. Pour l'intérêt général et pour la lutte contre l'artificialisation des sols, on repassera. Madame la ministre, n'avez-vous rien appris du fiasco de la privatisation des autoroutes ? Ne tirez-vous aucune leçon quand, pour 1 euro payé au péage, 50 centimes servent à satisfaire l'avidité des actionnaires ? Aussi, nous exigeons de renationaliser les autoroutes et refusons tout nouveau transfert pour réinvestir massivement dans les infrastructures de transport dans le cadre de la bifurcation écologique.

Il en va de même s'agissant du logement. Votre texte ne prévoit aucune révision à la hausse des objectifs de la loi SRU ni aucune augmentation du nombre de logements sociaux construits, alors que 4 millions de personnes sont mal logées et que 12 millions ont froid dans leur logement ou ne parviennent pas à payer leurs factures.

Dois-je rappeler qu'un certain Emmanuel Macron affirmait en 2017 qu'il ne voulait plus voir, en 2018, aucun homme ni aucune femme dormir dans les rues ? En 2020, pourtant, dans l'indifférence générale, 587 personnes sont mortes dans la rue. Elles avaient en moyenne 48 ans.

Enfin, vous proposez la poursuite de l'expérimentation de l'encadrement des loyers. Que cela est insuffisant ! Un article paru hier dans Le Monde rappelle que 37 % des loyers sont considérés comme abusifs à Paris et que cette proportion atteint 43 % en Seine-Saint-Denis. Face à la spéculation rentière, 3,5 % des ménages détenant la moitié des appartements à louer, face à l'exploitation de la misère pour le profit de quelques-uns, cessons de prendre des gants ! Il est urgent de généraliser l'encadrement des loyers à l'ensemble du territoire, de réquisitionner les 3,1 millions de logements vacants et d'engager enfin un grand programme de rénovation thermique et de construction de logements sociaux.

Nous ne sommes pas des adversaires des collectivités territoriales, au contraire. La planification que nous appelons de nos vœux ne s'appliquera pas du sommet de l'État, depuis des bureaux à Paris, de manière unilatérale et en écrasant les différents échelons. La planification que nous souhaitons doit, par sa construction et par sa mise en œuvre, donner un rôle central aux collectivités et surtout à l'échelon de base de la démocratie, celui des communes. Le quatrième D qui manque à ce projet de loi est bien celui de la démocratie : la souveraineté populaire doit s'exprimer partout. Les objectifs de bifurcation écologique et solidaire seront décidés collectivement, puis, à chaque échelon, la manière d'atteindre ces objectifs sera discutée, laissant toute sa place à la liberté pour les mettre en œuvre. Bref, la planification est la démocratie du temps long.

En toutes circonstances, nous sommes de ceux qui souhaitent gouverner par les besoins. Voici ce que nous proposons au pays : réinventer notre futur à partir des besoins fondamentaux des gens, lesquels sont actuellement insatisfaits, pour notre honte, dans la cinquième puissance économique au monde : se loger dignement, manger à sa faim et sainement, disposer d'un droit garanti à l'eau et à l'assainissement, s'émanciper par l'école gratuite et laïque, avoir accès à un système de santé et à des services publics de qualité.

Collègues, vous l'aurez compris, ce texte technocratique ne répond pas aux urgences écologiques et sociales. Vous détruisez la République sociale en refusant de mener une politique d'égalité et de solidarité. Or détruire la République, c'est détruire le lien qui assure la cohésion entre nos concitoyens. « Je n'ai jamais séparé la République des idées de justice sociale, sans laquelle elle n'est qu'un mot », disait Jean Jaurès. Nous vous appelons donc à voter cette motion de rejet préalable.

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