Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du mercredi 26 janvier 2022 à 15h00
Ratification de l'ordonnance relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

Le groupe Agir ensemble se réjouit que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur ce projet de loi qui vise à sécuriser les droits des chauffeurs VTC et des livreurs à deux roues recourant aux plateformes numériques pour exercer leur activité.

Comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, ces travailleurs représentent plusieurs milliers d'emplois en France ; ils n'ont bien souvent d'indépendant que le nom, tant les conditions d'exercice de leur activité dépendent des règles édictées par les plateformes numériques pour lesquelles ils travaillent. Ils ne choisissent en effet ni le client, ni le prix, ni les conditions d'exécution de la prestation, et sont passibles, en cas de manquement aux obligations fixées par la plateforme, de sanctions pouvant aller jusqu'à la désactivation de leur compte. Ce déséquilibre des pouvoirs est amplifié par la faiblesse du dialogue social et le fait que ces travailleurs ne jouissent pas des droits et protections liés au salariat.

J'ai bien noté la position de notre collègue M. Potier, qui souhaite que ces travailleurs soient reconnus d'office comme salariés. Quant à nous, nous pensons qu'il faut garder à l'esprit que la plupart d'entre eux sont attachés à leur statut d'indépendant, et ne souhaitent pas une requalification de leur contrat commercial en contrat de travail ; ils ne veulent pas des contraintes liées aux relations hiérarchiques et tiennent à conserver la liberté de choisir leur emploi du temps. Certaines plateformes, dès lors qu'elles ont souhaité salarier les travailleurs, ont d'ailleurs rencontré des difficultés de recrutement.

S'il nous faut respecter la volonté d'indépendance exprimée par les travailleurs des plateformes, il est en revanche absolument nécessaire de leur permettre de construire des droits collectifs. Et le dialogue social est la bonne méthode, voire la seule voie pour y parvenir.

L'essor de ces nouvelles formes de travail, qui reposent sur le recours à un algorithme, appelle donc une adaptation de notre législation pour garantir un dialogue social équilibré entre les parties prenantes. Les premiers jalons ont été posés en 2016 par la loi El Khomri qui crée une responsabilité sociale des plateformes à l'égard de leurs travailleurs et autorise la constitution d'organisations syndicales.

Nous avons poursuivi dans cette dynamique en 2019, avec la loi LOM – d'orientation des mobilités. Grâce à celle-ci, la responsabilité sociale des plateformes a été consolidée et notre majorité a introduit de nouveaux droits spécifiques aux secteurs des VTC et de la livraison, en faveur d'une plus grande autonomie des travailleurs concernés.

Enfin, les premières briques d'un espace de négociation entre plateformes et travailleurs indépendants ont été posées par l'ordonnance du 21 avril 2021, qui a été prise en application de l'article 48 de la LOM et que nous sommes aujourd'hui appelés à ratifier. Fruit d'un travail de concertation avec les partenaires sociaux, elle crée une nouvelle autorité, l'ARPE, et prévoit l'organisation d'un scrutin national permettant aux travailleurs de ces plateformes de désigner leurs représentants. Le projet de loi nous invite à aller encore plus loin dans la structuration du dialogue social en habilitant le Gouvernement à compléter, par voie d'ordonnance, les règles du jeu de la négociation, les missions de l'autorité de régulation et les modalités selon lesquelles les accords de secteur peuvent être élargis à l'ensemble des plateformes.

Parce qu'il est urgent de donner corps à ce cadre de négociation, un amendement, défendu en première lecture par notre collègue Agnès Firmin Le Bodo, a ramené de dix-huit à douze mois le délai accordé au Gouvernement pour publier l'ordonnance. Le groupe Agir ensemble se réjouit que l'accord trouvé en CMP aille encore plus loin en ramenant ce délai à neuf mois. De même, nous nous réjouissons que le texte de la CMP conserve certaines précisions utilement introduites au Sénat, concernant notamment les thèmes et la périodicité de la négociation.

Parce qu'il ne peut y avoir de travailleurs de seconde zone et parce que l'économie des plateformes ne peut s'affranchir des droits sociaux, le groupe Agir ensemble votera avec conviction en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire, tout en gardant à l'esprit que ce texte n'est pas la fin de l'histoire et qu'un cadre commun sera probablement élaboré un jour au niveau de l'Union européenne.

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