Intervention de Françoise Dumas

Réunion du mercredi 17 janvier 2018 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Dumas :

Générale, j'ai eu l'honneur de passer quelques jours à Gao et à Tessalit et de mesurer à quelle hauteur, vous le disiez, se situe le niveau de qualité des services rendus à nos militaires par le SSA. Je tenais à le souligner ici car le travail de vos personnels est considérable, d'autant plus qu'il s'effectue, je l'ai vu, dans des conditions précaires pour ne pas dire plus. Par ailleurs, le SSA contribue largement au troisième volet de l'opération Barkhane : « Agir pour les populations ». Il apporte donc une aide médicale gratuite aux populations locales, ce qui a un impact considérable puisque le SSA contribue ainsi à favoriser le dialogue avec les populations locales, à accroître l'acceptation de la présence de nos armées et aussi à lutter contre le terrorisme. C'est un élément important et je voulais savoir si vous aviez l'intention de renforcer cette action pertinente et stratégique.

Deuxièmement, la qualité des soins que les personnels du SSA apportent aux militaires participe aussi de l'attractivité des affectations à l'étranger pour les familles de militaires, qui y voient la garantie d'un accès aux soins de qualité. Serait-il possible de recourir aux internes civils en la matière ?

Médecin général Maryline Gygax Généro. De nouveau, je vous remercie pour ces questions variées et intéressantes. Je répondrai d'abord s'agissant de l'aspect opérationnel. Merci de souligner l'implication considérable de nos personnels aux côtés des forces armées, dans des conditions qui, comme vous l'avez dit, sont exigeantes physiquement, et souvent rustiques.

Vous avez évoqué l'aide médicale à la population (AMP), qui est historiquement un aspect important de l'appui au rayonnement de la France et des forces armées dans les pays dans lesquels nous sommes présents. C'est pour le SSA un aspect extrêmement spécifique, qui ne se conçoit que sous l'égide des armées : nous ne développons pas de nous-mêmes l'AMP mais nous suivons la politique que souhaitent mettre en place les forces. L'AMP constitue un vrai défi, tant sur le plan médical que sur le plan de l'organisation. Sur le plan médical d'abord, car pour nos jeunes praticiens, cette aide comporte des aspects techniques particuliers. Les soins pratiqués concernent essentiellement le domaine pédiatrique et gynécologique, ce qui suppose une formation spécifique. Or comme vous le savez, nous avons fermé notre dernière maternité il y a quelques années. Néanmoins, il me paraît important de souligner que nos anciens pédiatres, aujourd'hui insérés en milieu civil, participent toujours à la formation en pédiatrie à l'école du Val-de-Grâce avant la projection des personnels. Sur le plan de l'organisation ensuite, car nos praticiens peuvent réaliser jusqu'à 80 consultations en quelques heures. Les assurer nécessite un vrai savoir-faire. J'ajouterai que l'AMP revêt aussi un aspect éthique car nous nous adressons à des populations qui n'ont pas un accès régulier à des soins de qualité. Il nous faut dès lors adapter notre prise en charge à un suivi qui ne se fera pas dans la durée. Quoi qu'il en soit, l'AMP est un aspect très motivant pour nos personnels, comme j'ai pu d'ailleurs le constater lors de mon déplacement au Tchad dans le cadre de l'opération Barkhane pour le Nouvel an. J'ai échangé avec certains, et certaines, de nos personnels, qui sont passionnés par cet aspect.

Concernant l'Indre-et-Loire, ce n'est pas notre direction des ressources humaines mais notre direction de la médecine des forces qui va s'installer à Tours. Cette direction aura pour mission de mener à bien la transformation de la médecine des forces et de piloter la déclinaison de la politique du service au sein de cette composante. Je vous remercie par avance de l'accueil que vous comptez lui réserver. Cette direction comporte environ 120 personnes et jouera un rôle important puisque l'un des objectifs de « SSA 2020 » est un rééquilibrage vers la médecine des forces.

En effet, les effectifs de la médecine des forces doivent être renforcés. De manière générale, je dirais que selon les périodes de l'année – nous sommes renforcés par les diplômés sortant de l'école de santé des armées une fois l'an – il nous manque entre 50 et 100 médecins des forces sur 700 environ. D'où l'importance de cibler un recrutement au niveau des médecins généralistes.

La médecine des forces est profonde transformation. La réorganisation en 16 centres médicaux des armées de nouvelle génération (CMA-NG) au lieu de 55 CMA permet de regrouper les fonctions administratives tout en favorisant la disponibilité des personnels pour les soins, la prévention, les visites médicales d'aptitude et le soutien des activités à risque au niveau des antennes médicales. Celles-ci restent au nombre de 200 pour maintenir la proximité avec les forces. La disparition des directions régionales permet de simplifier la chaîne de rattachement à la direction de la médecine des forces. Enfin la création de structures compétentes pour les milieux spécifiques (terrestre, maritime, aéronautique) permet de mieux répondre aux besoins d'expertise « milieu » des armées.

J'en viens à présent au risque d'attentat NRBC sur le territoire national. Je vous l'ai dit, le SSA dispose d'une vraie expertise en la matière. Cette expertise de longue date est entretenue régulièrement par la pratique d'exercices périodiques et le maintien des équipements spécifiques au niveau des hôpitaux. Nous disposons également de structures d'accueil spécifiques destinées à la prise en charge de nos forces, que nous pourrions ouvrir à la population civile. Toutefois, nos hôpitaux étant en nombre très limité, notre objectif est plutôt de travailler en concertation avec le service public de santé. Notre conviction est qu'en travaillant ensemble au quotidien, nous serons plus efficaces au moment des crises. C'est pourquoi nous réalisons des exercices en commun avec les acteurs publics de la santé et avons réaffirmé que la recherche en la matière constituait un axe prioritaire de la recherche biomédicale de défense. Les travaux de recherche sont menés conjointement avec des unités civiles de recherche pour tout ce qu'il est possible de mettre en commun.

J'ajoute que la préparation aux crises, notamment NRBC, est renforcée par l'insertion de praticiens militaires comme officiers de liaison au sein des instances civiles de préparation de crise, notamment au niveau ministériel.

J'en viens à l'accueil des internes civils dans nos structures militaires. Nous en accueillons très régulièrement, notamment au sein des hôpitaux d'instruction des armées (HIA), mais également dans les centres médicaux des armées. Nous portons une attention particulière à la réforme des études médicales qui vise à instaurer une spécialisation croissante pour les praticiens français. Cette spécialisation nous oblige à développer une démarche pour conserver la polyvalence nécessaire à la prise en charge de tout type de blessé sur les théâtres d'opérations extérieures. Le SSA mène donc une réflexion à ce sujet, et l'accueil d'internes civils permet aussi de préparer le recrutement de contractuels au sein de nos structures, ou le recrutement de futurs réservistes. C'est pourquoi nous considérons qu'un tel accueil est extrêmement important.

Notre recherche biomédicale de défense est en pleine restructuration. Cette composante répond également à la démarche d'ouverture car il est essentiel pour le SSA de s'appuyer sur des structures civiles afin de pouvoir potentialiser notre action dans le domaine de la recherche et de l'innovation. Je suis très attachée à l'innovation qui est un facteur d'excellence, de visibilité nationale et internationale, mais également d'attractivité et de fidélisation. Nous faisons face à un vrai défi dans ce domaine. À titre d'exemple, nous créerons prochainement une direction de la formation, de la recherche et de l'innovation afin de faciliter et de fluidifier l'accès à l'innovation pour nos personnels. S'agissant du budget de la recherche, entre sept et dix millions d'euros y sont actuellement consacrés chaque année, permettant de financer le fonctionnement de cette composante et les équipements nécessaires.

Nous réfléchissons en permanence aux actions qu'accomplissent nos personnels sur les théâtres extérieurs. J'ai évoqué l'adaptation aux évolutions des modalités d'engagement opérationnel des armées : nous devons par exemple nous adapter à un certain morcellement des opérations et à une élongation des théâtres avec des territoires qui, comme c'est le cas de la bande sahélo-saharienne, représentent six fois la superficie de la France. Tout ceci doit nous amener, a fortiori dans un contexte de ressources humaines limitées, à revoir en permanence nos modalités d'action pour rester efficaces et permettre l'engagement des soldats. Je pense que nos infirmiers sont d'un niveau extrêmement élevé en ce qui concerne la prise en charge de nos militaires blessés. Le « binômage » avec le praticien est un enjeu majeur, c'est pourquoi je suis attentive à la formation initiale. Comme vous le savez, nous avons transféré l'école des paramédicaux des armées de Toulon sur le site de Lyon-Bron, à proximité de l'école de santé des armées, ce qui va permettre d'habituer nos personnels au travail en équipe praticien-infirmier dès la formation initiale. Les auxiliaires sanitaires sont également un point d'attention, de façon à pouvoir élever leur compétence au niveau nécessaire pour le sauvetage au combat. Pour les infirmiers, nous promouvons les pratiques avancées et nous nous intéressons aux délégations de tâches. Nous avons par exemple formé un manipulateur radio à l'échographie médicale, technique à laquelle nous recourons notamment pour effectuer le bilan initial des blessures. Il est donc intéressant de disposer de personnels paramédicaux sachant manier une sonde d'échographie afin de venir en appui du praticien dans des circonstances où chaque minute compte.

Au-delà des éléments que j'ai déjà pu évoquer, je pense que les apports sont réciproques entre le SSA et la médecine civile. Nous avons besoin de nous appuyer sur la puissance de recrutement de patients de celle-ci pour maintenir les compétences techniques de nos personnels. En retour, le SSA ne représente qu'1 % du service public de santé, mais il peut lui apporter la très grande spécificité de ses savoir-faire dans la préparation et la gestion des situations sanitaires exceptionnelles, ce à quoi nous nous employons de façon très constructive, surtout depuis les attentats de 2015. Il s'agit d'une préoccupation commune permanente.

Les passerelles avec la médecine civile via l'insertion de praticiens issus du civil au sein du SSA se construisent par le biais de la réserve opérationnelle et citoyenne qui est un élément majeur pour nous permettre de faire face à nos missions. Par ailleurs, nous recrutons des médecins civils, principalement au sein de nos hôpitaux. Ils constituent un apport essentiel compte tenu de nos effectifs limités, notamment dans des spécialités déficitaires ou des spécialités pointues que nous ne souhaitons pas développer au niveau militaire.

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