Intervention de Olivier Marleix

Réunion du mercredi 17 janvier 2018 à 17h00
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, président :

Mes chers collègues, nous recevons cet après-midi M. Jean Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF, accompagné de M. Dominique Minière, directeur exécutif en charge du parc nucléaire et thermique d'EDF. M. Lévy a une très grande expérience en matière industrielle. Il a notamment eu des responsabilités au sein de l'entreprise Matra. Puis il a successivement dirigé les groupes Vivendi et Thalès, avant d'accéder à la présidence d'EDF en novembre 2014.

Au cours de sa carrière, M. Lévy a été directeur de cabinet d'un ministre en charge de l'industrie, à l'époque où il y en avait encore une… Cela lui permet de disposer d'une vision large et ancienne de l'industrie et des enjeux industriels sous toutes leurs facettes, y compris politiques.

Nos interrogations porteront surtout sur les rapports d'EDF avec ses principaux fournisseurs, notamment General Electric (GE). Elles font suite aux auditions des organisations syndicales d'Alstom – devenu GE –, puis des dirigeants de ces deux entreprises. Certaines questions s'adresseront probablement davantage à M. Minière, dont la carrière à EDF s'est principalement déroulée dans les domaines de la maintenance et de la production nucléaires, avec des responsabilités de direction dans les centrales de Golfech et Cattenom. Il a également supervisé le démarrage de la centrale chinoise de Daya Bay.

Je débuterai cette audition en vous posant une série de sept questions, couvrant assez largement le champ de nos interrogations. Le rapporteur et mes collègues les compléteront après avoir entendu vos réponses.

Sur la forme, en 2014, lors de la vente de la branche énergie d'Alstom à General Electric, le gouvernement avait annoncé la signature d'un contrat de pérennité entre la co-entreprise GE-Alstom (GEAST), EDF et Areva. Très concrètement comment EDF a-t-elle participé à la rédaction de ce contrat de pérennité ? Les administrateurs d'EDF ont-ils eu connaissance de ce contrat et des autres documents contractuels – accords d'actionnaires et contre-lettre de General Electric – intéressant les droits industriels d'EDF, au titre soit de la propriété intellectuelle, soit de l'analyse des risques encourus par le groupe EDF dans la nouvelle situation ?

Quel est par ailleurs votre lien avec General Electric et votre situation contractuelle à son égard, s'agissant de l'entretien courant et de la maintenance des centrales ? Quel chiffre d'affaires cela représente-t-il ? Quelle part représente GE parmi vos fournisseurs ?

Devant la commission d'enquête, les organisations syndicales nous ont fait part des inquiétudes d'EDF quant à la capacité de GE à satisfaire certaines commandes, en mentionnant même le risque – je les cite – d'une « perte de compétences industrielles » au sein de cette entreprise. Elles nous ont décrit des relations quotidiennes « moins fluides » et des discussions tarifaires plus tendues.

La direction de GE France s'est voulue beaucoup plus rassurante. Elle a considéré que les discussions en cours avec EDF se déroulaient normalement, conformément aux usages de la vie des affaires. Malgré tout, en mars 2016, un moment de « crise » a été marqué par un échange de correspondance entre vous, monsieur le président, et M. Steve Bolze, qui devait aboutir à de nouveaux accords entre EDF et GE au printemps 2016. Qu'en est-il aujourd'hui ? Nous souhaitons que vous nous rassuriez : n'êtes-vous pas un client trop captif de General Electric ?

La direction de GE France nous a aussi indiqué que, devant le comité stratégique de la filière nucléaire, dont la dernière réunion a eu lieu en février, EDF et Areva se seraient déclarés satisfaits de la gestion par GE des accords dans le domaine nucléaire. Je rappelle que ce comité stratégique réunit la direction générale des entreprises (DGE), GE, EDF et Areva, et est notamment chargé d'analyser le développement des compétences et le respect des accords. Confirmez-vous cette assertion ?

Au-delà de la maintenance et de l'entretien courant – qui posent quand même la question de l'approvisionnement et de la sûreté –, EDF est aussi un investisseur industriel majeur. La Cour des comptes évalue au minimum à 100 milliards d'euros les dépenses à engager pour mener à bien le grand carénage des centrales nucléaires d'ici à 2030. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que vous fassiez la même évaluation de ces dépenses… De plus, la maintenance et la remise à niveau des cinquante-huit réacteurs français vont exiger un important volume d'achats industriels. Pouvez-vous nous indiquer à combien se chiffrent les commandes passées aux industriels français et étrangers, en moyenne annuelle ? Quelle sera la place de General Electric dans cette opération de grand carénage ? Est-elle couverte par l'accord de pérennité ?

Au-delà du marché nucléaire intérieur, à la suite de l'effondrement d'Areva, EDF est le chef de file de la restructuration de la filière nucléaire française. Fin décembre, vous avez signé les accords définitifs de rachat de l'activité de réacteurs nucléaires d'Areva.

Avec cette opération, le groupe EDF se trouve encore plus fortement impliqué dans des activités industrielles de conception et de fourniture des grands équipements de la filière. Pouvez-vous nous dire comment se déroulent les projets en cours, en collaboration avec General Electric ? Qu'en est-il de la livraison des îlots conventionnels de Flamanville 3, de Taïshan 1 et 2 et du lot Alstom de Hinkley Point ?

Au-delà du terme des contrats en cours, comment envisagez-vous l'avenir de cette filière ? Le lien historique avec Alstom dans le secteur nucléaire sera-t-il maintenu ou envisagez-vous de nouveaux partenariats ?

En matière de développement, il est surprenant de constater que la société SPVPI, entité juridique ad hoc créée par l'État et gardienne des savoir-faire d'Alstom – notamment de la licence Arabelle – ne présente aucune activité commerciale, aucune dépense, aucune recette depuis sa création, alors que des discussions commerciales sont menées dans différents pays, acheteurs potentiels de cette technologie et de ses développements – en Chine, en Russie, en Afrique du Sud, en Finlande. Comment l'expliquez-vous et quelles sont, à votre connaissance, les activités opérationnelles de SPVPI ?

Je voudrais également évoquer l'avenir de GEAST. Il semblerait que l'administrateur représentant l'État, précédemment M. Benjamin Gallezot, n'a pas été remplacé depuis son départ au printemps 2017. Quel est actuellement votre interlocuteur du côté de l'État pour défendre les intérêts de d'EDF au sein de GEAST ?

Devant notre commission d'enquête, le président d'Alstom, M. Henri Poupart-Lafarge, a annoncé vouloir se désengager dans un avenir proche des trois co-entreprises créées avec General Electric, prenant le risque de faire disparaître tout actionnariat français. Certes, l'État a conservé une golden share au sein de la co-entreprise GEAST, mais cette protection vous paraît-elle suffisante ? Avez-vous fait part au gouvernement de vos réflexions à ce sujet, afin de maintenir un contrôle durable sur cette entité, de façon à ce que la France ne perde pas tout contrôle sur l'actionnariat de cette entreprise ? Serait-il envisageable qu'EDF participe directement au tour de table ?

Nous aimerions aussi vous entendre concernant l'activité hydraulique : elle est la deuxième source d'énergie dans notre pays et la première source renouvelable. La réduction des activités de General Electric sur le site de Grenoble, qui s'accompagne d'un plan social, n'est-elle pas un autre sujet d'inquiétude pour EDF ?

Selon les déclarations de la direction de GE devant notre commission d'enquête, ce pôle, jusqu'alors leader mondial de l'hydraulique, verra ses activités ramenées à la « petite hydro » et à l'ingénierie. La fermeture désormais annoncée de son atelier mécanique de fabrication ne posera-t-elle pas de problème pour la maintenance des grands barrages d'EDF, sans parler de la technologie des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) ?

Enfin, s'agissant de l'éolien offshore en France, confirmez-vous les déclarations des dirigeants de GE devant notre commission ? À ce jour, EDF n'aurait adressé aucune commande ni précommande à GE.

Je vous rappelle que les interventions devant les commissions d'enquête se font sous serment. Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

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