Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 9h30
Reconnaissance comme maladies professionnelles des pathologies psychiques résultant de l'épuisement professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Dès lors, quel est leur coût pour la société ? Si nous ne disposons pas d'évaluations précises à ce sujet, l'estimation du coût de la sous-déclaration des pathologies psychiques à plusieurs centaines de millions d'euros fait consensus. Afin d'en donner l'ordre de grandeur, rappelons que la dépense annuelle de la branche accidents du travail-maladies professionnelles consacrée à l'indemnisation des affections psychiques s'élevait en 2016 à 230 millions d'euros au titre des accidents du travail, alors que celle consacrée à l'indemnisation des lombalgies s'élève à 1 milliard d'euros.

Nous connaissons les contraintes réglementaires empêchant la pleine reconnaissance comme maladies professionnelles des risques psychosociaux. Il existe deux obstacles majeurs, déjà évoqués par plusieurs de nos collègues. Le premier résulte de l'exclusion des affections psychiques – contrairement aux pathologies physiques – des tableaux de maladies professionnelles. Or cette inscription conditionne l'indemnisation par la branche accidents du travail-maladies professionnelles, dès lors qu'elle a fait l'objet d'un avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Par ailleurs, si la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi a introduit une procédure parallèle appelée « hors tableau » permettant de faire reconnaître ces pathologies comme maladies professionnelles, elle en réserve le bénéfice aux salariés démontrant un taux d'incapacité permanente de 25 %, ce qui s'avère quasiment impossible en pratique.

La présente proposition de loi constitue selon nous une solution intéressante permettant la reconnaissance de l'épuisement professionnel, en intégrant les pathologies psychiques qui en résultent au sein d'un tableau spécifique des maladies professionnelles. Au demeurant, les membres de notre groupe ont formulé plusieurs propositions semblables dans le cadre de l'examen du PLFSS 2018.

Si urgente soit-elle, une telle reconnaissance ne suffit pas à répondre à l'enjeu. Nous partageons avec nos collègues du groupe La France insoumise, que je remercie de leur proposition de loi, la conviction qu'il faut lui associer des mesures préventives. La mission d'information relative au syndrome d'épuisement professionnel a formulé de nombreuses propositions visant à améliorer les dispositifs de prévention qui semblent pertinentes, telles que le renforcement du rôle des médecins du travail et des instances représentatives du personnel, l'amélioration de la formation des managers et la création d'un statut de salarié protégé pour les infirmiers chargés de la surveillance de l'état de santé des salariés.

Malheureusement, ces perspectives sont vigoureusement contredites par les dispositions des ordonnances réformant le code du travail, notamment la suppression du CHSCT, qui constitue l'instance incontournable de prévention des risques professionnels dans l'entreprise, la suppression du compte pénibilité et l'allégement des obligations de reclassement incombant à l'employeur en cas d'inaptitude au travail.

Au lieu de responsabiliser les employeurs et de tirer les conséquences de l'obligation légale de résultat qui leur incombe en matière de risques professionnels, nous faisons le pari hasardeux de l'autorégulation. Dès lors, la santé au travail est la grande reléguée, ce que nous avons déploré à de nombreuses reprises lors des débats sur les ordonnances réformant le code du travail, car cela nous inquiète. L'affaire est trop grave !

Vous avez là, chers collègues de la majorité, une occasion de vous racheter partiellement, et nous celle de faire progresser la reconnaissance et la prise en charge des risques psychosociaux dus à la dégradation des conditions de travail. Si elle ne modifie pas complètement les rapports sociaux, cette proposition de loi permettra également de revaloriser le sens accordé au travail, qui doit être synonyme d'utilité sociale, de dignité humaine et d'émancipation. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine la soutiennent pleinement.

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