Intervention de Nathalie Loiseau

Réunion du jeudi 25 janvier 2018 à 14h40
Mission d'information sur le suivi des négociations liées au brexit et l'avenir des relations de l'union européenne et de la france avec le royaume-uni

Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

Lorsque j'ai pris mes fonctions, il m'était difficile d'imaginer que l'ensemble de la question irlandaise pourrait être traité dès la première phase. Force est de constater que ce n'était pas le cas. Le document joint de décembre sur l'Irlande est fort ambigu : ce qui se passera en mars 2019 est lié à la situation politique intérieure britannique. Une solution pour l'ensemble de l'île d'Irlande aurait pu être envisagée – solution que Theresa May avait d'ailleurs acceptée avant de devoir la rejeter parce que le Parti unioniste démocrate (DUP) ne la soutenait pas et qu'elle perdait sa majorité.

Les choses peuvent évoluer d'ici à mars 2019 mais comme on n'en sait rien, on a rédigé le document joint en des termes non conclusifs. Admettons qu'on n'arrive ni à une solution où le Royaume-Uni resterait dans l'union douanière ni à la solution initialement rejetée par le DUP, et qu'on accepte une particularité de l'île d'Irlande qui irait encore plus loin que ce qui découle des accords du Vendredi Saint. Au-delà, on en arriverait à des gros mots, c'est-à-dire qu'on en reviendrait à la notion de frontières. Comme le disait un de mes interlocuteurs me décrivant le début des discussions sur l'Irlande, c'est du Magritte puisqu'on vous dit : « ceci n'est pas une frontière » … Cela étant, cela signifiera qu'il y aura des contrôles physiques entre l'Irlande du Nord et l'Irlande du Sud. On peut sans doute faire la liste des secteurs dans lesquels les contrôles physiques seraient tellement problématiques qu'il faudra trouver des solutions créatives. Il reste qu'il est difficile d'imaginer, par exemple, que les règles vétérinaires diffèrent entre les deux parties de l'île alors que les cheptels y circulent en permanence. Il est évidemment beaucoup trop tôt pour dire quelle solution sera retenue. Nous sommes en outre dans une situation particulière puisqu'il n'y a pas de gouvernement en Irlande du Nord et qu'il est donc particulièrement difficile de mettre les choses à plat. Les Vingt-six ont été très solidaires de la République d'Irlande pour laquelle la question est existentielle mais il est hors de question de porter atteinte à l'intégrité du marché intérieur en acceptant une solution irlandaise bancale.

Le vote du Parlement britannique pose question mais le vote de l'ensemble des parlements nationaux, s'agissant de la relation future, en pose une autre. C'est la loi de la démocratie et on doit la chérir mais rien ne dit que l'accord auquel parviendront les négociateurs sera entériné de part et d'autre de la Manche. Si nous parvenons à un accord mutuellement satisfaisant, nous pouvons néanmoins espérer que l'ampleur de la tâche et la difficulté des sujets abordés donneront aux uns et aux autres envie de passer à la suite et de lever ce climat d'incertitude.

Madame la présidente Thillaye, on doit tout faire pour maintenir l'unité des Vingt-sept car c'est dans notre intérêt. Nous avons ainsi mis au point un processus aux termes duquel un mandat et des directives de négociation ont été donnés à un négociateur unique. C'est en ce moment que les Vingt-sept entre eux mettent en avant leurs préoccupations et leurs intérêts. Le jour où le mandat sera entre les mains de Michel Barnier, il faudra à nouveau une décision du Conseil pour modifier ce mandat. Bien sûr, il y a des perceptions différentes. Ainsi, les pays ayant des relations commerciales prédominantes avec le Royaume-Uni sont pressés d'arriver à un nouvel accord. D'autres pays ont un secteur financier moins développé que le nôtre.

À cet égard, madame Grégoire, la Première ministre britannique plaide pour l'inclusion des services financiers dans l'accord commercial; nous, pour l'exclusion et Michel Barnier va dans notre sens. Le manque de visibilité est en effet handicapant pour les investisseurs mais vous avez raison, nous devons aussi tirer avantage du Brexit. Certains nous accusent d'être durs en négociation parce que nous voulons en tirer des bénéfices. Bien sûr et je viens fièrement le dire devant la représentation nationale ! Nous n'allons quand même pas nous en excuser.

Nous travaillons très activement à l'attractivité de la place financière de Paris, dans la perspective du Brexit, et au-delà. Beaucoup est fait en matière de fiscalité du capital mais aussi pour attirer des talents. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : ceux qui n'iraient pas à Paris iraient à Francfort. Il faut donc se montrer plus attractif qu'elle. Cela signifie mettre l'accent sur nos atouts car l'attractivité est un tout, à Paris et dans les territoires. Ainsi, culturellement parlant, vivre à Paris présente de nombreux avantages. Notre système éducatif est également un atout. Nous sommes champions du monde de l'autocritique à l'égard de ce système mais il est attractif et nous devons faire en sorte qu'il le soit davantage encore grâce au développement des classes et lycées internationaux. De ce point de vue, l'Île-de-France est parfaitement au rendez-vous ; les décisions prises actuellement renforcent notre crédibilité. Nous devons également travailler à la simplification des démarches administratives pour les étrangers et leurs conjoints. Nous avons aussi comme atout notre système de santé. Là encore, arrêtons de nous auto-flageller et comparons les systèmes de santé britannique et français. Nous avons enfin travaillé d'arrache-pied – et la chance est venue couronner nos efforts – pour la relocalisation à Paris de l'Autorité bancaire européenne. C'est le signal que dans le secteur des services financiers, sur le continent, c'est à Paris que cela se passe.

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