Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du jeudi 15 février 2018 à 15h00
Reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner ce projet de loi de ratification de deux ordonnances, visant à transposer deux directives européennes : l'une relative à la profession de physicien médical, l'autre à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

Ces ordonnances ont été prises à la suite d'une habilitation contenue dans la loi Touraine, dite de « modernisation de notre système de santé ». Elles datent de 2013 et visent à harmoniser l'accès aux professions dans le domaine de la santé sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Ces directives mettent en place trois dispositifs nouveaux : la carte professionnelle européenne, le mécanisme d'alerte et l'accès partiel.

C'est aujourd'hui la troisième fois que nous nous réunissons dans cet hémicycle pour débattre de ce projet de loi de ratification. Le 19 juillet 2017, nous l'étudiions pour la première fois après un examen en commission des affaires sociales. Le groupe Les Républicains avait alors voté contre le texte, principalement en raison de l'introduction, en droit français, de la possibilité d'un accès partiel aux professions réglementées.

Malgré nos réticences, la majorité avait décidé de voter ce texte en l'état. Le Sénat l'a modifié, et la commission mixte paritaire, réunie le 5 décembre dernier, a abouti à un échec. Nous avons donc réexaminé le texte au cours de ce même mois de décembre, sans que les positions des différents groupes de notre assemblée évoluent. Le Sénat est lui aussi resté sur ses positions. Il nous appartient maintenant, en lecture définitive, d'avoir le dernier mot et d'adopter ce texte. Ce vote définitif me conduit à vous le dire d'emblée, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues : nos positions n'ont pas changé.

L'article 1er ratifie l'ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical. Cette transposition ne nous pose aucun problème, aussi a-t-elle été, d'emblée, adoptée conforme par nos deux assemblées.

Mais il n'en va pas de même pour l'article 2, qui ratifie l'ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. En effet, cet article de transposition de la directive autorise l'accès partiel aux professions réglementées par les ressortissants des autres États membres de l'Union européenne dont le diplôme obtenu dans l'État d'origine ne trouverait pas de correspondance dans l'État d'accueil. Concrètement, un diplômé européen ne détenant pas le niveau requis pour exercer pleinement une profession de santé en France pourra s'installer sur notre territoire pour n'exercer que la partie de son activité pour laquelle il est qualifié.

Nous estimons et maintenons que cette mesure mettrait à mal la sécurité des patients. En effet, rien n'est prévu s'agissant du contrôle des professionnels qui, une fois installés, bénéficieraient de cet accès partiel. Comment avoir l'assurance que le praticien concerné n'exerce que les activités pour lesquelles il a obtenu l'accès ? Comment être sûr que le patient est bien informé que le praticien ne dispose pas du diplôme français ou, du moins, d'un diplôme qui lui est équivalent ?

Nous relayons également les inquiétudes des praticiens qui, exerçant sur notre territoire, craignent, à juste titre nous semble-t-il, que le système d'accès partiel n'aboutisse à la création de sous-professions peu lisibles pour le patient, au risque d'aggraver le sentiment de défiance à l'égard des soignants, déjà présent chez une partie de nos concitoyens. Cette position est d'ailleurs largement partagée par tous les ordres professionnels.

Alors oui, madame la secrétaire d'État, nous comprenons qu'il y a urgence pour le Gouvernement français. Les délais de transposition de la directive européenne sont dépassés depuis maintenant plus de deux ans. Nous sommes conscients que la Commission européenne a saisi la Cour de justice de l'Union européenne sur le manquement de la France – et de plusieurs autres pays, d'ailleurs – dans la transposition de cette directive. Nous sommes tout aussi conscients que la Commission demande le paiement, par notre pays, d'une astreinte journalière de 53 000 euros. Mais si nous sommes conscients de tout cela, nous savons aussi que, même en l'absence de transposition, la directive est suffisamment claire et précise pour nous être imposée. Et nous continuons de nous inquiéter de ce qui nous semble être une « surtransposition », s'agissant de la méthodologie d'attribution de l'accès partiel pour les professionnels issus des autres États membres.

Il faut quand même le relever avant de nous prononcer définitivement sur ce texte : la directive permet un refus de l'accès partiel si cela est « justifié par des raisons impérieuses d'intérêt général ». Nous estimons, nous, que la santé et la sécurité de nos concitoyens relèvent de l'intérêt général. À ce titre, le système de contrôle a priori choisi par l'Allemagne aurait été un choix plus judicieux, pour la transposition, que le régime d'autorisation encadré qui nous est soumis aujourd'hui.

En conclusion, nous pensons que la France doit rester ferme sur les sujets touchant à la santé de nos concitoyens. Un grand niveau d'exigence est demandé aux praticiens français, et cette exigence nous paraît tout à fait normale. Il n'est donc pas concevable d'ouvrir une brèche dans laquelle tous les professionnels issus d'autres États membres, dont le niveau d'exigence peut être bien plus faible, pourraient s'engouffrer, avec le risque que cela comporte pour nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera contre ce projet de loi de ratification, et il maintient sa demande de renégociation de la directive.

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