Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du mercredi 14 février 2018 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Voilà un sujet qui devrait rassembler et qui pourtant « traîne sur la table » depuis plusieurs années, pour ne pas dire plusieurs législatures. De notre point de vue, le SNU ne vise pas à rétablir le service militaire – j'insiste sur ce point – ni même une forme de service national conçu comme proche de la défense – même si nous en débattons au sein de cette commission. Il s'agit d'un moment où chaque jeune Français, dans le parcours qui le conduit à l'âge adulte et à la citoyenneté, parcours dont on a trop cru qu'il pouvait se faire naturellement, apprend un certain nombre de choses et qui marque ce que les rapporteures ont appelé un « rite de passage ».

Il s'agit d'un moment consacré par le jeune à sa Nation. De ce point de vue, nous y sommes favorables depuis longtemps. Il faut créer pour les hommes comme pour les femmes, et là encore contrairement au service militaire classique qui a tant marqué les esprits des générations précédentes, un temps citoyen, un parcours civique marqué à la fois par la connaissance de son pays, de ses engagements, de ses valeurs fondamentales – encore faut-il espérer que l'école l'ait fait avant –, mais également par la capacité du jeune à apporter en retour quelque chose à son pays. L'éducation, la santé, la liberté, un certain nombre de valeurs et de services publics nous sont donnés parce que nous avons la chance d'être Français, et jamais, durant le parcours qui conduit à l'âge adulte, nous ne mettons en oeuvre les moyens collectifs susceptibles d'en faire prendre conscience à chacun des membres de la société.

De mon point de vue, si le travail des rapporteures a été utile, c'est qu'il permet d'avoir ce temps de réflexion collectif. Bien sûr, la décision reviendra in fine à l'exécutif, mais ce travail est un bon exemple du rôle de guide que le travail parlementaire peut jouer à la fois pour l'opinion publique et pour l'exécutif.

En réalité, il me semble que trois temps devraient être envisagés. Le premier est celui de l'école. Les rapporteures visent le collège, j'estime pour ma part qu'on pourrait ajouter le lycée. C'est un lieu où, en réalité, se trouve 80 % d'une classe d'âge et le seul endroit où j'estime que l'intervention d'anciens militaires pourrait être envisagée, s'agissant de tous les sujets relatifs à l'esprit de défense et à la capacité à comprendre les enjeux de notre pays. Tout le monde a pris conscience de cette difficulté, notamment la capacité de résilience de la société française, lors des événements dramatiques qui nous ont frappés au cours de ces dernières années.

Le deuxième temps est celui du recensement, que les rapporteures mentionnent. Je pense qu'il faut y ajouter un module de détection des difficultés d'insertion, ce que permettait le service militaire pour des personnes qui avaient échoué dans le système scolaire ou rencontraient d'autres difficultés d'insertion ou d'intégration. On est au-delà de 16 ans, la scolarité n'est plus obligatoire, mais cela signifie-t-il que la Nation française n'a plus de devoirs vis-à-vis de ceux à qui elle n'a pas apporté ce qu'elle leur devait ?

Le troisième temps – et je diffère un peu des propos qui ont été tenus – consisterait en un service « civique » obligatoire. Il s'agirait de rendre à la collectivité ce qu'elle nous a apporté. Il s'effectuerait sur un ou deux mois, avec éventuellement un premier mois obligatoire suivi d'un mois de prolongement de l'engagement, en une ou plusieurs fois – tout le monde ne pourrait pas l'effectuer au même moment, durant l'été par exemple. Cela permettrait de rendre un service aux différentes collectivités – associatives, hospitalières, d'État – afin de prendre conscience que tout ce dont nous avons la chance de bénéficier ne fonctionne pas tout seul, et qu'à travers tous ceux qui se dévouent au service public au sens large se trouve un corpus de valeurs qui nous est commun et qui fonde la Nation.

Tel est le triptyque envisagé : l'apprentissage de notre capacité de défense et de ses enjeux à l'école ; le recensement et la détection des difficultés d'insertion – s'agissant du caractère obligatoire, je me permets une parenthèse : il suffit de rendre inaccessibles un certain nombre de choses, comme le permis de conduire, si on n'a pas suivi les phases obligatoires ; enfin, un à deux mois de service lui aussi obligatoire. Doit-il s'effectuer dans la région de résidence ou en dehors ? Doit-il permettre la mixité et le brassage ? Il s'agit essentiellement d'une question de coût et de capacités matérielles d'accueil. Je pense d'ailleurs qu'il faudrait réfléchir au fait que les « besoins de brassage » ne sont sans doute pas les mêmes partout. Il faut tenir compte des niveaux sociologiques, des concentrations de difficultés, des ghettoïsations et du fait que des jeunes qui grandissent dans l'isolement ou dans une concentration excessive de difficultés sociales ont sans doute davantage besoin de « voir ailleurs » que ceux qui ont la chance de bénéficier d'une plus grande ouverture au monde.

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