Intervention de Vincent Ledoux

Séance en hémicycle du mercredi 21 février 2018 à 21h30
Débat sur la régulation des jeux d'argent et de hasard

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Ledoux :

Je tiens tout d'abord, au nom du groupe UDI, Agir et indépendants, que je représente ce soir, à saluer le remarquable travail de nos collègues Régis Juanico et Olga Givernet. Notre groupe valide leurs propositions, qui constituent une excellente base de travail. L'évaluation, mission du parlementaire sans doute insuffisamment mise en oeuvre, doit porter en premier lieu sur l'action publique intérieure et extérieure de l'État, mais elle doit aussi s'étendre à d'autres objets d'analyse tels que les jeux d'argent et de hasard.

Nombre des orateurs qui m'ont précédé ont rappelé que ces jeux n'étaient pas ordinaires, car de l'argent était en cause ; l'un d'entre eux a d'ailleurs fait référence à Washington et à Nietzsche. Le rapport d'information est d'autant plus intéressant que la généralisation des jeux en ligne interpelle le législateur à propos des pratiques et des périmètres, mais aussi de la protection des consommateurs. Ceux-ci doivent connaître leurs droits et être protégés – je pense aux publics les plus vulnérables que sont les jeunes et les personnes sujettes à des pathologies addictives.

Moins de huit ans après l'ouverture à la concurrence des paris hippiques et sportifs et l'autorisation du poker en ligne, il importait que le Parlement évalue, analyse, diagnostique et formule des propositions renouvelées et concrètes au regard de la mutation considérable du secteur, qui, avant le développement des technologies numériques, avait sans doute peu évolué depuis la création de la Loterie royale de France. À l'époque de la deuxième révolution industrielle, magnifiquement illustrée par la fresque de la salle des pas perdus de l'Assemblée, le législateur parvenait à accompagner les mutations technologiques, qui allaient à leur rythme. Ce moment est derrière nous : désormais, le législateur court après la technologie et doit faire son possible pour adapter les règles aux temps que nous vivons.

Le rapport d'information de nos deux collègues met tout d'abord en lumière les insuffisances de la régulation d'un secteur en pleine mutation technologique. Celui-ci rassemble deux réseaux, à la fois en parallèle et en interaction : le réseau de proximité dit « en dur », sous monopole du PMU et de La Française des jeux, et le réseau en ligne, celui des opérateurs agréés de paris hippiques ou sportifs sur internet et de poker en ligne. La coexistence de ces deux réseaux, avec une concurrence plus affirmée du réseau en ligne sur certains segments, et le foisonnement des acteurs institutionnels de la régulation des jeux rendent peu lisible la politique globale de l'État en la matière. Si nous voulons non pas forcément plus de régulation, mais une meilleure régulation, nous sentons bien qu'il nous faudra réaliser un important effort de simplification et de clarification pour rendre l'action publique plus efficace. Il nous faut assurément un pilotage politique plus intégré et mieux coordonné. C'est d'autant plus urgent que l'évolution technologique, je le répète, est très rapide.

La création d'un comité interministériel placé sous l'autorité du Premier ministre permettrait à l'État de conduire une politique des jeux complète et homogène. Il conviendrait de confier la régulation de l'ensemble des jeux d'argent et de hasard « en dur » à une seule autorité administrative indépendante, qui pourrait être l'ARJEL, l'Autorité de régulation des jeux en ligne. De même, il serait judicieux de confier à cette même autorité administrative la régulation d'autres jeux, notamment les jeux à réalité augmentée et ceux qui sont fondés sur la réalité virtuelle. J'avais moi-même déposé une proposition de loi en ce sens au moment où sortait Pokémon Go. L'ARJEL pourrait, à la demande du Parlement, formuler des propositions ou des recommandations permettant au législateur de légiférer en connaissance de cause.

Il conviendrait également, monsieur le ministre, de mener une réflexion globale sur le modèle de taxation du secteur, car, contrairement à la majorité de ses voisins de la zone euro qui ont régulé leur marché des jeux et paris en ligne, la France a assis sa fiscalité sur les mises et non sur le produit brut des jeux, lequel s'apparente pourtant au chiffre d'affaires des opérateurs. Ainsi, je le rappelle, ceux-ci se voient souvent taxés sur des pertes. Cette situation est aujourd'hui largement critiquée par l'ARJEL et par la Cour des comptes, gardienne des deniers publics, selon laquelle le statu quo en matière de fiscalité « irait non seulement à l'encontre de l'objectif [… ] inscrit dans la loi de 2010 mais se traduirait également de fait par une contraction de la base taxable, du fait de l'évasion des joueurs hors du marché français régulé et taxé ».

Dès lors, la taxation doit baisser ou être indexée d'une manière différente, par exemple sur le revenu brut, comme l'ont proposé les présidents successifs de l'ARJEL, et le taux de redistribution devrait être plafonné non plus à 85 %, mais aux alentours de 95 %, comme chez nos voisins britanniques. Mes chers collègues, à défaut d'une harmonisation fiscale au niveau européen, un alignement de notre modèle de taxation sur celui de nos voisins serait fortement souhaitable.

Pour terminer, je salue une fois de plus l'excellence des travaux menés par nos deux collègues.

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