Intervention de Gaëlle Vigouroux

Réunion du jeudi 14 décembre 2017 à 9h40
Commission des affaires économiques

Gaëlle Vigouroux, collectif Stop Linky :

Je porte aujourd'hui la parole du collectif Stop Linky de Crozon, Châteaulin, Porzay, et Pleyben, composé à ce jour de 340 membres, sur un territoire qui compte encore 27 % de refus, malgré la désinformation, le harcèlement, et les poses forcées, qui se poursuivent depuis deux ans. Je ne représente pas ici l'ensemble des collectifs. Je suis, par ailleurs, comme vous l'avez souligné, élue à la Région, dans le groupe majoritaire, et vice-présidente du Parc régional d'Armorique. Je n'ai pas d'appartenance partisane, mais suis consciente de notre obligation commune de protéger le vivant, et de consommer moins d'électricité.

Nous souhaitons, en préambule, dénoncer la violence des propos tenus ici même, lors de précédentes tables rondes, par le docteur Accoyer, envers les personnes électro-hypersensibles (EHS), violence qui n'a malheureusement pas encouragé les nombreux collectifs de l'Hexagone à avoir confiance dans le travail réalisé. Il est temps qu'en France le syndrome d'électro-hypersensibilité soit reconnu, comme en Belgique, où le Sénat envisage de le faire. Reconnaître l'EHS, c'est reconnaître la pollution électromagnétique croissante dans notre environnement, aujourd'hui aggravée par tous les dispositifs de compteurs et réseaux communicants, dont le Linky. Reconnaître l'EHS, c'est se trouver dans l'obligation de revoir les normes, non plus sous l'angle des seuls effets thermiques, mais aussi des effets biologiques d'une exposition quasi permanente, certes faible, mais sur toute une vie. C'est le supplice de la goutte d'eau : les plus fragiles ou fragilisés d'entre nous subissent déjà, et subiront à plus long terme, des effets délétères, impulsés par les champs électromagnétiques (CEM). En effet, l'un des problèmes du système Linky réside, comme vous l'avez souligné, dans le fait que même lorsqu'on refuse la pose d'un compteur, on reçoit nécessairement des courants porteurs en ligne, que l'on y soit sensible ou pas. Cette décision, prise par l'État, est problématique : plus on est exposé et plus on risque de déclencher une sensibilité au CEM. Pour ceux qui le sont déjà, les effets s'aggravent.

La résolution 1815 du Parlement européen, du 27 mai 2011, demande aux États de baisser le seuil d'exposition aux basses fréquences à 0,6 volt par mètre. Or, la norme française continue de culminer à 87 volts par mètre, sans être interrogée. À cette hauteur, nous pensons que cette norme protège la mise sur le marché des technologies, pas la santé des citoyens. Nous avons lu avec attention le rapport de l'Anses. Pourquoi évoque-t-il la possibilité d'installer des filtres pour éviter le CPL, si cette exposition est sans danger ? L'Anses recommande, par ailleurs, de réaliser des études pilotes de bonne qualité, permettant d'évaluer les niveaux d'exposition, et, si possible, leur éventuel impact sur la santé, ainsi que le bien-être, pour en diffuser les résultats, préalablement au déploiement massif de nouvelles technologies, susceptibles d'augmenter l'exposition humaine aux CEM. Allez-vous suivre la préconisation de l'Anses, et celle de l'Europe, en décrétant enfin un moratoire sur le déploiement ? À cela s'ajoute le fait que l'évolution du dispositif Linky prévoit une source supplémentaire de pollution électromagnétique, avec l'émetteur radio Linky (ERL), qui arrivera normalement chez nous en 2018.

La fronde citoyenne ne s'arrêtera pas. La bataille d'experts est inutile. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à être touchés, ou à connaître une personne électro-hypersensible dans leur entourage, à s'informer, à refuser, et à porter plainte, puisque l'on en est rendu à de telles extrémités, face à l'absence de réponse d'Enedis et de l'État. Il s'opère une prise de conscience irrémédiable, et salvatrice. S'ils ne parviennent pas à faire tomber les antennes, dont certains souffrent, ils refusent en masse le Linky, qui a l'outrecuidance de les rendre malade, et de s'imposer chez eux. Enedis et EDF sont tenus, par la loi, de distribuer une électricité inoffensive. Or, l'opérateur n'a pas fourni de certificat d'innocuité, et n'informe pas des niveaux réels d'exposition aux compteurs, ainsi qu'aux concentrateurs, posés n'importe où, dans les lotissements, parfois à hauteur d'enfant, ou même directement sur des murs de maison, sans le signaler. Le Centre de recherche et d'information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques (CRIIREM) est intervenu, ici-même, pour qu'une étude soit menée, avec un protocole adapté, sur les effets biologiques non chauffants, non ionisants, et que les cumuls ambiants soient pris en compte. L'OMS a, quant à elle, classé les CEM, dont le CPL 2B, dans les cancérigènes probables. Le CSTB confirme la présence de CPL dans l'habitation. Une étude d'un doctorant de Télécom Bretagne montre, par ailleurs, que ces derniers multiplient le rayonnement dans le réseau d'habitation. ERDF, dans son expérimentation lyonnaise, a, en outre, mis en évidence un rayonnement plus important que celui annoncé dans sa communication. Enfin, Enedis teste aujourd'hui à Toulouse, sur mille personnes, le projet SOGRID, sans encore aborder le volet santé. L'Anses questionne : c'est normal.

Depuis deux ans, Enedis répète aux citoyens, et aux élus, que le CPL n'entre pas dans les maisons, et que les CEM de Linky ne sont pas plus dangereux que des cornichons. Or, je pense que si l'on mangeait des cornichons de façon quasi permanente, notre estomac pourrait en pâtir. Il en va de même pour les ondes. Les médecins alertent devant l'augmentation des cancers liés à l'environnement, dont les CEM. Certains pays appliquent le principe de précaution depuis 1958. C'est le cas, par exemple, de l'ex URSS, qui reconnaît les effets biologiques des CEM. En France, les docteurs Dominique Belpomme et Pascale Choukroun, du centre hospitalier universitaire de Brest, ont produit des rapports circonstanciés, et accessibles à tous. Si vous les aviez invités, ils vous auraient expliqué leur démarche, et les résultats de leurs travaux.

Nous avons enquêté sur tous les aspects liés au système Linky : problèmes de santé, incendies, et téléviseurs qui implosent. Les retours sont énormes, et se multiplient de jour en jour, à mesure que le compteur se déploie.

Concernant la question des données, nous avons également mené des études sur la rentabilité, le coût pour le consommateur, les piratages possibles, les responsabilités pénales, et le droit public : rien n'est rassurant dans ce dossier, et rien ne nous forcera à accepter le Linky, qui soulève par ailleurs, en filigrane, la question des « villes intelligentes », promues aujourd'hui par les industriels, mais sans aucune consultation des habitants. La prise de conscience est en marche. Ces projets rencontreront, soyez-en sûrs, l'opposition des citoyens.

Il resterait beaucoup à dire, mais le temps imparti est terminé.

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