Intervention de Christelle Dubos

Réunion du mardi 20 février 2018 à 17h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristelle Dubos :

Les marchands de sommeil sont un fléau qui continue de gangrener notre pays, malgré les nombreuses avancées permises par la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « ALUR ». Au début du mois, un marchand de sommeil a été condamné à Paris pour « mise à disposition d'hébergement contraire à la dignité humaine » – il détenait pas moins de 60 logements ! En septembre dernier, l'Établissement public foncier d'Île-de-France recensait environ 180 000 logements privés « potentiellement indignes », soit près de 5 % des résidences principales du secteur privé. Et l'Île-de-France est loin d'être la seule région concernée.

Les villes se trouvent en première ligne devant ces problèmes dont la détection est complexifiée par la diversité des situations : il y a des propriétaires indélicats ou négligents, peu attentifs aux critères de décence, mais aussi de véritables marchands de sommeil professionnels, qui sévissent dans diverses copropriétés, et l'on observe un report du phénomène vers des espaces pavillonnaires insalubres, du fait des avancées réalisées dans l'habitat collectif.

Malgré l'existence de sanctions pénales, allant jusqu'à 150 000 euros d'amende et cinq ans d'emprisonnement, moins de cent propriétaires sont condamnés chaque année. De même, les sanctions administratives prononcées concernent 3 000 logements insalubres par an, alors que l'on en compterait plus de 200 000 en France.

Cette situation d'impunité, intolérable, est bien identifiée par le Gouvernement : la lutte contre ceux que le secrétaire d'État Julien Denormandie qualifie de « trafiquants de misère » est une priorité affichée de l'avant-projet de loi ELAN, qui a été présenté en décembre dernier.

Son chapitre relatif à la « lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil » comporte un arsenal de solutions pérennes, visant à atteindre trois objectifs : conforter et simplifier la mise en place d'une autorité unique exerçant l'ensemble des polices spéciales de lutte contre l'habitat indigne, au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ; simplifier les nombreuses procédures existant dans ce domaine et permettre le traitement des situations d'urgence, en donnant au maire la possibilité de récupérer auprès du propriétaire les frais engagés ; renforcer les sanctions contre les marchands de sommeil, en instituant une présomption de revenus issus de la mise à disposition de logements indignes, à l'image de ce qui existe notamment en matière de trafic de drogue et de contrefaçon. Ce renversement de la charge de la preuve permettra au fisc et au juge de présumer que les prévenus ont perçu de l'argent de leur activité illégale et de les sanctionner – aujourd'hui, les marchands de sommeil parviennent trop souvent à paraître insolvables. Nous pourrons ainsi garantir l'effectivité des sanctions existantes.

De plus, le Gouvernement entend renforcer le volet de la détection, en aidant les collectivités à se doter de services dédiés. Elles pourraient recevoir le montant des astreintes payées par les marchands de sommeil – elles sont aujourd'hui versées à l'ANAH.

Comme le reste du projet de loi, ces dispositions s'inscrivent dans une longue démarche de concertation : la lutte contre les marchands de sommeil a fait l'objet de débats, ces trois derniers mois, dans le cadre de la conférence de consensus avec le Gouvernement, nos collègues du Sénat et l'ensemble des acteurs du logement. Il en est notamment ressorti une volonté commune d'orienter prioritairement l'action vers les copropriétés dégradées.

Compte tenu de ces différents éléments, le groupe La République en Marche reconnaît, certes, la vertu de cette proposition de loi visant à lutter contre les marchands de sommeil : elle poursuit des objectifs que nous partageons et contribue à un débat nécessaire ; celui-ci a toutefois vocation à se poursuivre dans le cadre du projet de loi ELAN, selon une méthode de concertation qui est sans doute plus adaptée à la complexité du sujet.

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