Intervention de Pierre Mathiot

Réunion du mardi 20 février 2018 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pierre Mathiot, professeur des universités :

Les représentants des associations de professeurs de philosophie que j'ai reçus n'étaient pas d'accord entre eux sur le point de savoir quand commencer à enseigner la philosophie : certains voudraient qu'elle le soit dès la maternelle alors que les autres ne l'envisagent que pour la classe de terminale.

Dans le même ordre d'idées, si l'on renforce le volume horaire de l'enseignement de la philosophie, le vivier de professeurs sera insuffisant. Les professeurs de philosophie nous répondront que nous n'avons qu'à en recruter plus mais je ne suis pas complètement convaincu qu'au sein des facultés ni même dans les classes préparatoires il y ait suffisamment d'étudiants présentant les garanties nécessaires pour passer les concours.

Monsieur Kerlogot, vous avez pu constater que la terminologie « Majeure », « Mineure » n'a pas été complètement retenue par le ministre – j'aurais aimé, pourtant, cela m'aurait permis d'entrer un peu dans l'histoire…

Pour ce qui est de la singularité territoriale, l'idée que j'ai exprimée dans le rapport, reprise par le ministre tout à l'heure, est la possibilité pour des établissements, voire pour des réseaux d'établissements, de proposer un bloc de spécialités, de manière à avoir assez d'élèves car certaines spécialités peuvent en effet nous paraître intéressantes sur le papier mais on ne pourra les enseigner en cas d'effectifs insuffisants. Deux établissements, par exemple, peuvent proposer ensemble des disciplines avec le nombre nécessaire d'élèves.

En ce qui concerne l'épreuve facultative de breton, basque, alsacien, picard ou – bien sûr – corse, seuls les points au-dessus de dix sur vingt comptent, comme c'est le cas pour l'option de sport, de latin ou de grec. Dans le nouveau système, les élèves seront évalués au cours du cursus dans le cadre du contrôle continu, qui compte pour 40 % de la note globale.

Pour le reste, tout ce qui existe n'a pas vocation à disparaître et, bien entendu, les élèves pourront encore passer, pour peu que le ministre le confirme, le baccalauréat pour partie en breton ou en basque.

De mémoire, les élèves ont le choix, parmi les épreuves facultatives, entre cinquante-six langues sans en avoir suivi l'enseignement au lycée. C'est horriblement compliqué à organiser. Je pense à l'exemple un peu caricatural du berbère qu'on passe à l'écrit alors que c'est une langue orale. Nous avons beaucoup de mal à trouver les enseignants pour l'examen et de surcroît la plupart des épreuves facultatives concernant ces cinquante-six langues sont passées par moins de cent candidats. Pour le ministère de l'éducation nationale, ce sont un peu, si j'ose dire, les bordures qui provoquent l'embolie du centre. Reste, j'y insiste, qu'à ma connaissance, il n'est pas question de remettre tout cela en cause, en partie pour des raisons diplomatiques : la suppression, parmi les épreuves facultatives, de l'ourdou, du peul, de l'hindi… provoquerait des réactions.

M. Claireaux m'a interrogé sur l'éventuelle chute du taux de réussite qu'entraînerait la réforme. Il est à peu près avéré qu'il y aura une chute du taux de mentions au baccalauréat, qui est actuellement de 52 %. Une part non négligeable de ces mentions est en effet obtenue grâce aux points au-dessus de dix des épreuves facultatives. J'ajoute que près de 250 bacheliers obtiennent leur baccalauréat avec une note qui dépasse vingt sur vingt et on peut même, techniquement, aller jusqu'à vingt-et-un et demi, ce qui est en soi une performance warholienne ! Or, désormais, c'est la note complète qui sera prise en compte et, je l'ai dit, dans le cadre des 40 % de contrôle continu. Pour ce qui est du taux de réussite au baccalauréat, mon but n'est pas qu'il y ait moins de bacheliers mais de meilleurs bacheliers. Comme l'a déclaré le ministre, la moyenne générale obtenue au baccalauréat devra correspondre de manière un peu plus précise au niveau effectif de l'élève. D'après nos projections, le taux de réussite sera le même que le taux actuel.

Je ne répondrai pas à la question de M. Reiss sur les bourses au mérite car si je connais l'évolution de cette politique, je ne sais pas ce qui est prévu.

J'en viens à l'intervention de M. Testé. L'association des candidats libres m'a interrogé. Là aussi, comme les langues régionales, il s'agit des bordures à ne pas négliger. On compte de nombreux candidats libres à l'étranger – et n'oublions pas que le baccalauréat est un élément de notre diplomatie éducative. Si le système en vigueur implique que les élèves passent l'examen à la fin de l'année scolaire, il va pour l'avenir falloir inventer un système prenant en compte le contrôle continu. Une réflexion sur le sujet est engagée par la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale.

Vous m'avez ensuite interrogé sur le fait de savoir pourquoi le bulletin scolaire ne représentait pas plus de 10 % de la note générale. Si vous avez lu mon rapport, vous avez pu constater que j'ai hésité : plus on prend en compte les bulletins scolaires, plus on prête le flanc à une critique justifiée, celle de la remise en cause du caractère national du baccalauréat. Le ministre a retenu ma proposition : le contrôle continu compte pour 30 % de la note finale, le bulletin scolaire pour 10 % et les autres épreuves pour les 60 % restant. La proportion de 10 % pour le bulletin est bonne en ce qu'elle va nous permettre, en quelques années, de produire des évaluations docimologiques sur les effets de cet aspect de la réforme, notamment sur les établissements.

Le choix des spécialités est important. À la fin de la classe de seconde, l'élève va devoir choisir trois disciplines de quatre heures chacune. Si j'ai bien compris votre question, il s'agit de savoir si l'élève fera ce qu'il veut ou bien s'il reviendra au conseil de classe de choisir ces spécialités. Je pense que nous recommanderons au conseil de classe de donner un avis qui ne sera pas impératif. Le conseil sera ainsi fondé à signifier à un élève qui aura de très mauvaises notes en maths, physiques et SVT que choisir ces matières en seconde n'est pas forcément pour lui la meilleure solution.

En ce qui concerne le baccalauréat technologique, le ministre a bien souligné tout à l'heure qu'il avait fait le choix de la stabilité. Au début de ma mission, je pensais qu'il fallait fusionner quelque peu les séries au nom de leur égale dignité. Néanmoins, de nombreuses auditions nous ont montré que les baccalauréats technologiques, en règle générale, sauf un ou deux, avaient trouvé leur rythme, leur public et aussi leur méthode pédagogique – la pédagogie inductive – et qu'il ne fallait par conséquent pas trop les modifier. Reste que nous allons tâcher de faire en sorte que l'architecture du nouveau baccalauréat s'applique aux baccalauréats technologiques. Pour ce qui est du grand oral, l'idée est de préserver ce qu'on appelle dans ces filières l'oral sur projet – qui m'a d'ailleurs un peu inspiré dans la définition du grand oral. En somme, puisque les professeurs de ces établissements font passer cet oral de façon responsable et intéressante, il est inutile de vouloir le bouleverser.

Mme Dubois et M. Roussel m'ont interrogé sur la nécessité de former les élèves à l'expression orale. M. Roussel craint que l'oral ne soit un marqueur social : aucune étude ne montre qu'un oral de fin de cursus le serait davantage qu'une dissertation de philosophie. Au nom de quoi l'oral serait-il plus un marqueur social qu'une épreuve de dissertation qui souvent valorise la culture générale ? En revanche, il est bien entendu que l'oral doit être préparé, certes sur le fond mais aussi sur la forme. J'ai déjà été contacté par des associations qui, au sein de l'enseignement supérieur, organisent des concours d'éloquence et qui sont prêtes à se lancer dans la préparation des lycéens pour leur grand oral. Ce pourrait être d'autant plus intéressant qu'un lien serait ainsi établi entre le lycée et l'enseignement supérieur. En outre, les élèves auront passé leurs deux épreuves de spécialité après les vacances de Pâques et il leur restera deux épreuves à passer : la philosophie et le grand oral. L'idée est de laisser les proviseurs et les professeurs s'organiser et éventuellement consacrer plus de temps, à partir du mois de mai jusqu'à la fin du mois de juin, pour préparer plus spécifiquement le grand oral et notamment sur la forme. Je suis convaincu que c'est de nature à « booster » les clubs de théâtre et les associations qui valorisent ce type de compétences.

Dans le même ordre d'idées, vous avez souligné que la pratique orale des langues mériterait d'être développée. Certes, quand vous avez une classe de trente-cinq élèves, il n'est pas facile de donner la parole à tout le monde. Certaines classes sont néanmoins dédoublées et ce dispositif devrait être maintenu. Notre hypothèse, au ministre et à moi-même, est que le grand oral final va structurer l'amont : les professeurs tireront les conséquences du fait que le grand oral représente 10 % de la note globale du baccalauréat et vont s'y mettre parce qu'ils sont là pour aider leurs élèves à obtenir le baccalauréat ; les journalistes, quant à eux, au lieu de se saisir des sujets de l'épreuve de philosophie, vont aller interroger les élèves à la sortie du grand oral. Je suis convaincu que les professeurs vont avancer, ce qui suppose toutefois qu'on leur propose à eux-mêmes des formations à l'oral.

Cher Régis Juanico, je pensais que vous alliez me dire que j'étais spécialiste d'EPS en tant qu'ancien sportif de haut niveau – comme vous. C'est le statu quo qui se dessine concernant cette discipline, à savoir deux heures par semaine avec le maintien de l'évaluation de l'EPS en contrôle en cours de formation (CCF). Les représentants des associations disciplinaires que nous avons reçus ont marqué leur attachement à ce dispositif quand bien même il serait contraignant. Le ministre a donc décidé de son maintien et l'EPS sera, je le répète, comptabilisée dans le contrôle continu. J'avais fait une proposition qui n'a pas été retenue mais que je vous livre néanmoins parce que je la trouve intéressante : proposer en « Mineure », en classe de première, un enseignement d'EPS qui pourrait être une sorte de préparation aux STAPS et qui pourrait soit inciter les élèves à suivre cette filière, soit au contraire les en dissuader ; ce dispositif aurait renforcé la qualité de leur orientation puisque le choix de ce cursus, on le sait, repose parfois sur une mauvaise information et produit des échecs aux effets quelque peu délétères.

Je n'ai pas de réponse à donner, à ce stade, à la question sur les parcours d'excellence. Je sais toutefois que les filières de STAPS se sont mises à accompagner des élèves en classe de troisième sur la base d'un projet qui, donc, intègre le sport

Monsieur Freschi, l'idée est que l'heure et demie consacrée à l'orientation ne sera pas sanctuarisée dans le sens où ce temps sera dévolu non seulement aux professeurs du lycée mais également ouvert aux psyEN et aux mondes professionnels. J'emploie le pluriel dans mon rapport car j'englobe le monde de l'entreprise mais aussi le monde associatif, les fonctions publiques – il sera très bien qu'un président de tribunal, un professeur d'université… vienne raconter son métier. Il ne faut cependant pas que ce module devienne une auberge espagnole. Vous connaissez sans doute l'association Entreprendre pour apprendre.

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