Intervention de Alain Juillet

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 17h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Alain Juillet, président de l'Académie de l'intelligence économique :

En France, on a souvent de très bonnes informations sur ce qui se passe mais l'information ne circule pas ou ne va pas au bon endroit. J'ai parlé des silos tout à l'heure, mais c'est aussi une question de circulation de l'information vers le haut. Quand j'étais aux affaires, comme on dit, j'étais en liaison hebdomadaire avec le directeur de cabinet du Premier ministre. La réunion, qui avait lieu dans son bureau, ne durait pas longtemps, mais cela permettait de prendre des décisions. La même chose existait à l'Élysée avec le conseiller économique. Ces contacts ont ensuite disparu. Depuis mon successeur, le contact avec le directeur de cabinet du Premier ministre n'existe plus, et le contact à l'Élysée s'est réduit de plus en plus au cours du temps. Résultat : l'information ne remonte pas vers ces gens qui ont la capacité de donner des instructions.

Dans l'affaire Alstom, quand Frédéric Pierucci est abandonné dans une prison américaine depuis six mois par M. Kron et que personne ne s'en occupe, y compris le consul général de France, je dis : attention, il va craquer, il va parler, et ce jour-là cela va nous revenir en boomerang. Qu'est-ce qui s'est passé ? Il a en effet craqué, on l'a viré de la société et on a dit à sa femme qu'il ne toucherait plus de salaire... Entre parenthèses, il est de nouveau en prison car on n'a pas négocié son habeas corpus et on l'a laissé repartir là-bas ! Je le dis haut et fort : c'est un scandale d'État. Pourquoi, quand un habeas corpus a été négocié pour Kron et les autres, cela n'a-t-il pas été fait en même temps pour ce malheureux qui était un exécutant ?

Tout ça pour vous dire qu'il y a un problème d'écoute. Pour que l'intelligence économique fonctionne, il faut que quelqu'un écoute ce qu'on dit. Il faut que, dans la structure, une personne soit là pour entendre. Comme toujours dans ces cas-là, sur les informations reçues, trois ou quatre sont bonnes et quatre ou cinq sont mauvaises. Peu importe, il faut que l'État soit prévenu et puisse dire aux entreprises : attention ! Il m'est arrivé d'aller voir un très grand groupe français pour dire à ses dirigeants que nous avions appris qu'à l'aéroport de New-York un de leurs actionnaires était en train de négocier la vente de l'entreprise. C'est une information qui vaut de l'or pour un président de groupe. Après cela, nous avions une liaison permanente.

Il faut que les fonctionnaires reçoivent les conditions d'un dialogue convenable avec les entreprises et l'État. Sans cela, cela ne peut fonctionner. C'est comme si un député ne pouvait discuter avec les électeurs : il aurait des problèmes tôt ou tard.

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