Intervention de Pierre-Marie Abadie

Réunion du jeudi 8 mars 2018 à 10h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Pierre-Marie Abadie, directeur de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) :

On parle ici déchets à faible activité, de type radifère, donc pas très dangereux, mais à vie longue. Les laisser en surface pose problème du fait, précisément de leur longévité. La demande faite à l'ANDRA depuis plusieurs années par le biais du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) est de travailler à la définition d'un concept permettant d'intégrer cette vie longue, mais proportionné à leur faible dangerosité : descendre ces déchets à 500 mètres sous terre serait excessif – ils ne sont pas très différents des dépôts miniers, ni de ceux que nous stockons d'ores et déjà sur nos sites, à leur vie longue près.

Nous avons dès lors travaillé sur des hypothèses de stockage à faible profondeur. En 2008, un appel à candidatures a été lancé mais les communes intéressées se sont finalement retirées. Après examen du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), il a été décidé d'examiner les sites déjà existants, si possible à proximité du site de Soulaines-Dhuys, afin de favoriser des synergies industrielles.

Le rapport que nous avons remis à l'ASN en 2015 a ainsi montré que la zone autour de Soulaines-Dhuys présentait des qualités, en particulier parce qu'on y retrouve de bonnes couches d'argile. Se posent néanmoins des questions comme celle de sa capacité à prendre en compte l'ensemble de cette population – plutôt fermée – de déchets ou celle des exigences à long terme liées à ces substances. On se retrouve à devoir répondre à une sorte d'injonction contradictoire : le PNGMDR fait le constat que ces déchets, pour lesquels on essaie de trouver une solution proportionnée, ne sont pas très dangereux ; il reste que si on les laisse à faible profondeur, on imagine bien qu'à l'horizon de 50 000 ans il peut se produire des intrusions, des érosions qui les remettraient en contact direct avec l'environnement. Quelle appréciation la société porte-t-elle donc sur les risques résiduels à cette échéance ? On sait qu'ils sont faibles, beaucoup plus faibles que les risques présentés par nombre de produits stockés dans à peu près toutes les installations d'entreposage de déchets industriels classiques et dont la durée de toxicité est infinie ; mais ce n'est pas l'approche habituellement retenue dans le secteur nucléaire.

Nous avons par conséquent continué nos explorations sur le site, afin d'avoir une meilleure connaissance de la géologie et, en liaison étroite avec les collectivités locales, nous avons mené une campagne en train de s'achever. Nous comptons d'autre part remettre, en 2019, un rapport portant précisément sur ces exigences de sûreté à long terme et sur la manière dont un concept, dans un environnement tel que celui de Soulaines-Dhuys, pourrait répondre à ces exigences et jusqu'à quel point. Il s'agit de nourrir un débat technique mais également, j'en suis convaincu, un débat sociétal. Nous devons en effet nous interroger, j'y insiste, sur la manière d'aborder ces risques à très long terme en fonction de ce que peut apporter dans l'immédiat un tel site.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.