Intervention de Fiona Lazaar

Réunion du mardi 27 mars 2018 à 17h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFiona Lazaar, rapporteure :

La commission des affaires sociales est appelée à se prononcer, pour avis, sur le titre III du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif, déposé le 21 février dernier. Alors que le titre I de ce projet de loi réunit les dispositions relatives au droit d'asile, et le titre II celles relatives à la lutte contre l'immigration irrégulière, ce titre III rassemble les mesures visant à améliorer les conditions d'intégration et d'accueil des étrangers en situation régulière.

Notre commission a un rôle à jouer pour éclairer le texte sur ce troisième volet, l'insertion sociale et professionnelle étant à mes yeux la clef d'une intégration réussie. Je sais, par ailleurs, que notre commission est particulièrement attentive à la protection des personnes les plus vulnérables : cela doit être l'un de nos points de vigilance lors de l'examen de ce texte. C'est dans cette perspective que j'ai abordé nos travaux.

Mon intervention rappellera dans un premier temps les principales dispositions portées par le titre III, pour se concentrer ensuite sur quelques thèmes qui ont pu émerger de mes auditions et déplacements sur le terrain.

Le titre III se compose de quatorze articles, qui visent à transposer des directives européennes, à modifier les conditions d'attribution de certains titres de séjour – notamment pour mieux prendre en compte les violences conjugales – et à ajuster la prise en charge sanitaire des étrangers effectuée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

La transposition de directives européennes concerne les articles 20 à 22, ainsi que l'article 29.

Les trois premiers articles visent à adapter le droit en vigueur à la directive relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers, à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair.

Il s'agit notamment d'apporter divers aménagements au dispositif du « passeport talent » issu de la loi du 7 mars 2016. Il s'agit aussi de faciliter l'installation des étudiants et des chercheurs et leur accès à l'emploi ou de prévoir la délivrance de titres pour les jeunes au pair venus en France.

L'article 29, quant à lui, complète la transposition de la directive établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d'un transfert temporaire intragroupe.

Le texte procède en outre à diverses évolutions relatives à certains titres de séjour.

L'article 23 s'inscrit dans une logique de simplification des démarches administratives et permet à tout étranger demandeur d'asile de solliciter parallèlement son admission au séjour sur un autre motif.

Les articles 32 et 33 visent à renforcer le droit au séjour des personnes victimes de violences. Le premier prévoit la remise de plein droit de la carte de résident à l'étranger auquel une carte de séjour temporaire a été délivrée, lorsque celui-ci obtient la condamnation définitive de l'auteur des violences dont il a été victime.

L'article 33 vise, pour sa part, à renforcer le droit au séjour des personnes étrangères victimes de violences familiales, en l'alignant sur le régime existant des personnes victimes de violence conjugale ou de mariages forcés.

Le texte modifie également deux dispositifs impliquant les personnels médicaux de l'OFII.

À travers l'article 26, il procède notamment au report de la limite d'âge des médecins actuellement en poste, car l'établissement rencontre un problème de recrutement des personnels de santé nécessaires à l'exercice de ces missions.

L'article 31 prévoit une dérogation au secret médical afin de faciliter le suivi, par les médecins de l'OFII, de l'état de santé de l'étranger. Il est ainsi prévu de pouvoir disposer auprès des professionnels de santé qui les détiennent, des informations portant sur l'état de santé de la personne étrangère concernée, sous réserve de son consentement.

Je souhaiterais, suite à cette revue des articles, évoquer avec vous quelques enjeux qui me semblent particulièrement importants, comme ont pu le confirmer les échanges que j'ai eus avec les différents acteurs de la politique d'immigration et d'intégration en France.

Le premier point, c'est que, pour être efficace, notre politique d'immigration doit nécessairement s'appuyer sur le volet de l'intégration. Je souhaite, à travers le dépôt d'amendements, conforter cette dimension et abonde notamment à ce titre dans le sens des propositions faites par notre collègue Aurélien Taché sur la nécessité de renforcer l'apprentissage du français.

Un deuxième enjeu fondamental que j'ai pu constater, lors des auditions mais aussi au cours de mes travaux sur l'insertion des jeunes dans le cadre de la concertation pour la future stratégie nationale de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, est celui des ruptures de parcours des mineurs non accompagnés, confiés à l'aide sociale à l'enfance.

Beaucoup d'interlocuteurs, y compris au niveau des entreprises, m'ont fait part de leur désarroi lorsque des mineurs en formation professionnelle, en apprentissage, doivent mettre fin à leur parcours professionnel pour des questions administratives, ou bien se voient notifier une mesure d'éloignement à l'atteinte de la majorité. J'ai déposé des amendements à cet effet.

Lors de mes auditions et de mes rencontres, j'ai par ailleurs été particulièrement sensibilisée à la question de l'accès à l'emploi des demandeurs d'asile, qui est une condition fondamentale de leur bonne intégration, comme a pu le souligner, dans son rapport, notre collègue Aurélien Taché. Or aujourd'hui, force est de constater que de nombreux obstacles d'accès au marché du travail demeurent réels. Si le projet de loi prévoit la simplification du mécanisme d'autorisation de travail, il ne s'attaque pas directement aux conditions d'accès.

Ainsi, un délai de 9 mois est opposable, et la France fait partie des pays d'Europe qui présentent le plus long délai durant lequel un demandeur d'asile n'a pas le droit de travailler, avec la Hongrie et la Slovénie. En Allemagne, a contrario, ce délai est par exemple de trois mois.

Je voudrais également attirer votre attention sur la question des violences conjugales. Le projet de loi apporte au sein du titre III des garanties et protections supplémentaires, et notamment celle de délivrer de plein droit une carte de résident à une personne victime de violences conjugales après condamnation définitive de l'auteur. Ces violences, rappelons-le, peuvent être de diverses natures : psychologiques, physiques, sexuelles ou économiques. Les dispositions contenues dans le texte constituent une avancée que je tiens à saluer. Des amendements ont été déposés au sujet des violences conjugales : cet enjeu étant essentiel, ils doivent appeler la pleine attention de la représentation nationale.

Enfin, j'aimerais attirer votre attention sur d'autres défis qu'il m'apparaît nécessaire de relever, même s'ils dépassent le champ de notre réunion d'aujourd'hui : la question des mineurs placés en rétention, ainsi que ce que l'on surnomme communément le « délit de solidarité », qui sont à mes yeux des sujets importants.

Mon rapport aborde ces deux enjeux, mais le champ de la saisine de la commission ne permet pas de les aborder par le biais d'amendements. À titre personnel, j'entends porter ces questions devant la commission des lois, comme certains de mes collègues.

En dehors même du champ du présent texte, j'attire votre attention sur la nécessité de continuer à travailler, en amont, avec les pays d'origine et de transit des migrations. Cette coopération et coordination entre tous les acteurs est essentielle, au niveau à la fois de la sécurité et du développement. Je renvoie à cet égard aux travaux de la commission des affaires étrangères, qui s'est également saisie sur le texte.

Avant de vous écouter et de procéder à l'examen des articles et amendements, je tiens à vous faire part d'une appréciation personnelle. Le sujet qui nous occupe aujourd'hui est sensible, d'abord parce qu'il recouvre des réalités qui peuvent être difficiles, mais aussi parce qu'il est traditionnellement source de clivages politiques.

L'objectif de ce texte, c'est de conjuguer un impératif d'efficacité avec un impératif d'humanité. Après mes échanges avec les associations, les services de l'État, les migrants eux-mêmes, ou les entreprises je veux vous dire qu'en effet, beaucoup de choses doivent être améliorées de manière opérationnelle sur le terrain, et que l'ambition qui nous anime est celle de voter un texte équilibré et efficace.

Il nous revient maintenant à nous, représentation nationale, de l'examiner avec toute 1'exigence et le sérieux que requiert ce sujet. Les enjeux le demandent et j'ai la conviction que l'apport de notre commission peut être extrêmement utile au texte sur les aspects d'accueil et d'intégration.

Je vous remercie et suis à votre disposition, mes chers collègues, pour répondre à vos questions.

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