Intervention de Gérard Collomb

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Gérard Collomb, Ministre d'État, ministre de l'Intérieur :

Ou bien je serai efficace, ou bien je m'en irai si je me rends compte que je ne le suis pas.

Si j'ai accepté d'être ministre de l'intérieur plutôt que de continuer d'être maire de Lyon et président de sa métropole – une assez belle métropole, que je vous invite à visiter par ailleurs (Sourires), y compris pour y étudier les problèmes d'immigration, d'asile… –, ce n'est pas simplement par plaisir mais parce que je crois que nous nous trouvons face à un défi considérable et qu'il faut le relever.

Monsieur Masséglia, vous m'avez interrogé sur les associations. Quand on travaille concrètement avec elles sur le terrain, au niveau local, ce n'est pas forcément aussi compliqué qu'à Paris. Il y a le discours et la pratique. On arrive assez bien à s'entendre dans la pratique alors que le discours peut être un peu plus vif. D'ailleurs, on ne travaille qu'avec des associations. Dans le Pas-de-Calais, une association qui avait participé à l'évacuation de la jungle gère désormais les centres d'accueil et d'examen de situation (CAES), et ça marche. Pour que la jungle ne se reconstitue pas, nous avons installé des sanitaires mobiles et aussi des food trucks – c'est très à la mode – pour la distribution des repas, maintenant assurée par l'État.

Monsieur Maire, vous avez raison : il faut faire de la prévention à la source pour ne pas en arriver aux mesures d'éloignement prises en situation de crise. J'ai déjà parlé longuement des dispositifs prévus. Hier, j'ai rencontré M. Didier Leschi, le directeur général de l'OFII, et je lui ai demandé s'il pouvait élargir ses fonctions. Pour ma part, je n'ai rien contre le principe, mais nous sommes en train de vérifier si c'est possible sur le plan juridique. Quoi qu'il en soit, l'OFII compte des personnels très engagés qui accomplissent un travail tout à fait exceptionnel, je peux le dire à ceux qui ne voulaient pas qu'ils aillent dans les centres d'hébergement d'urgence. M. Leschi m'a cependant indiqué qu'il avait du mal à obtenir des personnes en contrat à durée indéterminée (CDI) et que ses effectifs étaient constitués d'un trop grand nombre de salariés en contrat à durée déterminée (CDD). Il faudra faire passer le message à M. Fratacci, mon directeur de cabinet, pour diriger vers l'OFII des gens de nos services.

Madame Krimi, vous avez aussi raison sur beaucoup de choses. Quand j'étais maire, dans le temps, je m'occupais de tout : du logement, de l'économie, de la culture et aussi un peu d'immigration mais cela se voyait moins. À présent, je suis un peu spécialisé. Plutôt que de vous focaliser sur moi, vous devez juger l'action globale du Gouvernement qui, je l'espère, s'occupe de logement, d'économie, de culture et de sport. Si vous segmentez, ça fait un peu monomaniaque. Au ministère de l'intérieur, nous avons ce genre de missions. Je serais très heureux de m'occuper de culture car j'adore ça. Quand j'étais maire de Lyon, 20 % du budget de la ville était consacré à la culture. À présent, je suis ministre de l'intérieur et je fais des trucs qui sont moins fun mais tout aussi nécessaires. Je vais donc prendre ma tâche à coeur.

Je suis prêt à rediscuter avec vous de la proposition de loi sur les « dublinés » qui a été adoptée récemment, mais je ne lâcherai rien sur les points qui me semblent fondamentaux. Si la future loi doit être un trompe-l'oeil, ce n'est pas la peine de la faire. Dans un an, je veux pouvoir vous dire que ça marche. Je donnerai dans le vrai et pas dans l'art du trompe-l'oeil, mais je suis prêt à prendre en compte certaines réflexions sur l'intégration.

Pour le coup, nous allons travailler de manière pluridisciplinaire et mettre l'accent sur ce que j'ai appelé les quartiers de reconquête républicaine, qui sont en très grande difficulté. Nous allons constituer une équipe très soudée, avec Jean-Michel Blanquer pour l'école et Muriel Pénicaud pour l'emploi. Nous avons aussi contacté des syndicats d'employeurs qui sont prêts à nous donner un coup de main pour créer des emplois et aider des gens à monter leur propre entreprise. Il s'agit de donner de l'espoir et un avenir aux gens plutôt que de les laisser s'enkyster dans des quartiers qui se dégradent de plus en plus. En observant l'évolution de certains quartiers depuis quinze ans, on ne peut pas se féliciter du travail collectif accompli. Si la même tendance se poursuit au cours des quinze prochaines années, nous allons au-devant de grandes difficultés.

Madame Genetet, il se trouve que j'ai passé six ans de ma vie à m'occuper d'Amérique latine, en ces temps compliqués où des guérillas affrontaient des régimes fascistes. J'essayais de faire naître une société démocratique. Je connais un peu l'Uruguay et je regrette qu'il n'y ait pas de consulat dans ce pays superbe dont les habitants sont charmants.

S'agissant du Liban, je crois que notre consulat de Beyrouth est assez engorgé en ce moment. À partir de ce lieu, nous nous sommes engagés à réinstaller 7 000 personnes mais en faisant preuve d'une certaine vigilance : dans le flot de migrants, il peut y avoir des gens moins bienveillants que la moyenne générale. Le processus peut demander du temps, mais c'est notre volonté.

Madame Clapot, nous prenons en compte chaque cas de manière individuelle et nous y apportons une réponse personnalisée. C'est ce qu'il y a de bien dans le système français. Pour la suite, nous n'avons pas une vision binaire. Cependant, si nous voulons accueillir bien, nous ne pouvons pas accueillir le monde entier. Si nous accueillons le monde entier, nous le ferons dans de très mauvaises conditions et cela se passera mal pour les uns et pour les autres. Nous avons une vision globale de notre rapport avec le monde.

Dans mes vies antérieures, j'ai beaucoup voyagé. Je connais le monde dans ses différentes composantes et régions. Ma vision du monde n'est pas du tout franco-française et nationale-populiste. Elle est assez réaliste sur les forces, les faiblesses et les politiques qu'il convient de mener.

Nous pratiquons déjà l'aide au retour volontaire. Celui qui revient ne doit pas perde la face. Toute la famille s'étant cotisée pour payer les passeurs, le retour est vécu comme un échec. C'est ce que nous voulons éviter, en suivant celles et ceux qui rentrent dans leur pays d'origine et en les aidant à s'y réinstaller. Cette année, nous avons accompagné le retour de 7 100 volontaires.

Il me semble avoir répondu à toutes vos questions. Je passerai demain à un autre sujet puisqu'une commission spéciale de l'Assemblée nationale m'interrogera sur la sûreté des centrales nucléaires, qui est en partie traitée au ministère de l'intérieur.

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