Intervention de Mycle Schneider

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 15h45
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Mycle Schneider :

Absolument pas. On a utilisé le retraitement comme argument supplémentaire pour considérer comme absurde d'investir dans des systèmes de stockage sur site si c'était pour transporter les combustibles à La Hague, mais vous pouvez théoriquement sortir les combustibles d'un stockage à sec pour les mettre dans un bain d'acide et procéder à leur retraitement.

Cependant, la question de l'avenir du retraitement doit désormais être posée car cette activité entraîne toute une série de problèmes. Le retraitement a été décidé dans les années 1950 pour des raisons militaires. Ensuite, on a commencé à faire du retraitement dit civil ou mixte en 1966 à La Hague, pour une génération de réacteurs de type Superphénix qui n'ont jamais vraiment vu le jour. Le Superphénix comme surgénérateur fut un désastre technique et financier et son démantèlement coûte des milliards alors qu'il a très peu servi. Avec le groupe de Princeton, nous avons fait un bilan mondial de la situation du retraitement, qui établit que ce dernier ne se justifie plus aujourd'hui. Il avait été justifié pour produire une substance, le plutonium, censée remplacer l'uranium mais, aujourd'hui, le prix de l'uranium est tellement bas que les sociétés qui le vendent ont du mal à vivre.

Il n'y a donc aucune incitation à utiliser le plutonium. Depuis 1995, d'ailleurs, le plutonium et l'uranium retraités ont une valeur zéro dans le bilan d'EDF. On nous dit que c'est une matière première très énergétique – ce qui est vrai – sauf que l'utiliser coûte si cher que sa valeur comptable est nulle. De fait, sur le marché international, la valeur du plutonium est négative : il faut payer l'acquéreur – je ne parle pas d'Al-Qaida (Sourires) – pour qu'il vous en débarrasse. Ainsi, les Pays-Bas ont payé EDF pour que l'entreprise leur prenne du plutonium.

Aujourd'hui, les installations de La Hague étant en fin de vie, est-il vraiment raisonnable d'investir 700 millions d'euros dans de nouveaux évaporateurs, sachant que ce n'est pas la seule chose qu'il faille remplacer ? Est-ce raisonnable alors que le seul client de La Hague est EDF ? Il n'y a plus de client étranger, alors qu'au début ces installations avaient été financées à environ 40 % par des compagnies électriques étrangères. Il faut choisir. L'exploitant EDF aurait-il des problèmes financiers ? A-t-on les moyens de faire des économies tout en augmentant le niveau de sûreté et de sécurité de façon très importante ? Cette option doit enfin être discutée – elle aurait déjà dû l'être – en laissant la réponse ouverte car on prétend consulter les gens tout en sachant qu'on va continuer à faire ce qu'on veut de toute façon. J'espère vraiment que cette commission d'enquête est le début d'un changement fondamental de gouvernance dans ce domaine.

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