Intervention de Grégoire Chertok

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Grégoire Chertok, associé gérant de la Banque Rothschild & Co :

Quel est notre point de vue sur le renforcement des dispositifs de contrôle ? David de Rothschild l'a clairement expliqué dans son propos liminaire : compte tenu de notre attachement à l'ancrage français de nos grands groupes, nous ne sommes absolument pas opposés à l'existence de cette réglementation, ni à son élargissement ou son adaptation, probablement nécessaires du fait de l'évolution du périmètre et des enjeux des secteurs stratégiques. Le monde et la technologie évoluent très vite ; l'arrivée massive des technologies numériques bouleverse complètement la donne sectorielle. Ces décrets peuvent être utiles.

Comme vous, nous constatons que certains de nos grands concurrents n'hésitent pas à les utiliser. Ainsi, encore récemment, l'administration Trump a opposé son veto à l'offre de Broadcom sur Qualcomm. Il n'y a donc pas de raison de ne pas se doter d'outils similaires.

Cependant, il nous semble que ces instruments ne constituent pas l'alpha et l'oméga de la politique à mener en la matière.

Pour les entreprises françaises, il est, en particulier, absolument nécessaire de privilégier des actionnaires de long terme. L'actionnariat salarié les rend moins volatiles et moins fragiles. Le capitalisme familial a les mêmes vertus. Nous connaissons de très beaux exemples de grandes entreprises françaises cotées qui sont ainsi à l'abri des aléas et de la volatilité des marchés où règne malheureusement souvent le diktat du cours terme. Il faut également citer les fonds souverains à la française, et le fléchage de l'assurance-vie, sans oublier les protections juridiques et statutaires, à l'instar de ce que l'on a appelé les « bons Breton » – ces protections juridiques sont intéressantes dans la panoplie de l'entreprise, mais cette dernière ne peut pas se reposer uniquement sur elles.

Il faut réfléchir à ces questions à la maille européenne. Il nous semble que la Commission européenne doit intégrer la notion de champion européen dans sa politique et ses analyses antitrust. La création de tels champions a été à plusieurs reprises empêchée par sa doctrine. Pourtant, dans un monde de plus en plus global, au sein duquel nos grands concurrents préparent les batailles commerciales à venir en favorisant l'émergence de géants, en particulier en Asie, nos champions ne peuvent naître qu'à l'échelle de l'Europe.

J'apporte toutefois une nuance, car il ne faut pas céder aux excès du protectionnisme : la France a besoin d'investissements étrangers pour soutenir sa croissance, et le développement de ses emplois. Tout doit être affaire de nuance, de discernement et de jugement.

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