Intervention de Colette Neuville

Réunion du jeudi 29 mars 2018 à 14h20
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Colette Neuville :

Je ne peux vous répondre de manière aussi précise que je le souhaiterais car la réponse nécessiterait quelques études comparatives entre les compétences respectives de la Security Exchange Commission et de l'AMF.

L'Autorité des marchés financiers exerce une compétence assez étendue mais néanmoins au droit boursier. Dès que l'on sort du droit boursier pour répondre à des questions relevant du droit des sociétés, on doit s'adresser aux tribunaux. Dans de nombreuses affaires dont je me suis occupée, une étape se déroule devant l'AMF. La procédure y est moins formaliste et chronophage que devant la justice. Arrivé au point où l'on invoque des droits qui relèvent du droit des sociétés et non des règlements de l'AMF, on se présente devant les tribunaux, sachant que la procédure peut durer dix voire quinze ans.

Au titre de la protection des minoritaires, je fais prévaloir la prévention plutôt que la réparation. La réparation de préjudices est totalement illusoire. Il en va de même aux États-Unis avec les class actions ou actions judiciaires collectives. Y compris lorsque la class action aboutit à des sanctions très lourdes, elle n'est jamais à la mesure du préjudice. La mesure est lourde pour celui qui paie, mais extrêmement légère, voire négligeable pour chacune des personnes dédommagées.

La vraie protection des minoritaires ainsi que leur participation au développement des entreprises ne passent pas par des formations destinées à se préparer à des batailles rangées entre dirigeants et minoritaires ou entre majoritaires et minoritaires. Aboutir à un litige de réparation reste un constat d'échec. Si je le fais, c'est dans un objectif de prévention, pour que cela serve d'exemple et empêche d'autres cas similaires d'advenir dans une société. Le rôle des actionnaires minoritaires consiste bien davantage à participer pleinement à la vie de la société, à se tenir informés, ce qui n'est pas toujours le cas, et à jouer le rôle de partenaires et de contre-pouvoir, indispensable à l'efficacité. Qu'il soit politique ou d'une société, un exécutif qui fonctionne sans contre-pouvoir, un jour ou l'autre, commet des erreurs ou des abus. Des contre-pouvoirs sont donc nécessaires ; pour autant, ils ne doivent pas se manifester par une obstruction ou une opposition systématique, mais, au contraire, se traduire par un partenariat musclé, compétent et attentif. C'est ainsi que je perçois le rôle des actionnaires minoritaires.

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