Intervention de Jean-Philippe Girard

Réunion du jeudi 29 mars 2018 à 14h20
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Jean-Philippe Girard :

Nous sortons de négociations commerciales. Vous avez dû entendre mes interventions sur les négociations de 2018 qui se sont très mal passées. Des États généraux ont été mis en place pour recréer de la valeur au niveau de l'agriculture, éleveurs et producteurs, redonner du sens et changer d'état d'esprit. Or, rien n'y fait. Cela fait cinq ans que tous les mois de septembre je suis optimiste quant au changement d'attitude et cela fait cinq ans que cela se passe mal, et de plus en plus mal !

Une loi est en préparation, elle est bienvenue. J'ai même demandé que l'on renforce les sanctions. Vous avez entendu parler du SRP, de l'encadrement des promotions…Tout cela a pour unique objectif une juste et meilleure rémunération de l'agriculteur, sans oublier la multitude de TPE et PME dans le secteur alimentaire qui souffrent du manque d'oxygène. Le MEDEF a réalisé une comparaison des marges industrielles françaises qui se sont restaurées, voire sont en progression, à l'exception de la filière alimentaire dont les marges sont encore en diminution alors que les entreprises exportent.

Dans moins d'un mois, j'assumerai des responsabilités sur un contrat stratégique de filières. Nous accompagnons plus facilement des entreprises et des exploitations en bonne santé qu'en mauvaise ou en moyenne santé. Dès qu'une entreprise est cotée 4, 4+ ou 5 par la Banque de France, c'est plus compliqué. Il faut donc trouver des solutions, par la garantie, par exemple. Vous avez évoqué l'importance des régions. Si, demain, Bpifrance abonde à 50 % et les régions entre 20 % et 30 %, l'appréhension du risque ne sera pas la même. Il nous faut donc engager ce travail en dynamique avec les banques qui sont très présentes sur le territoire et qui viennent en accompagnement. Mais, aujourd'hui, le secteur agricole et alimentaire est peu attractif, parce que les sociétés sont peu rentables et résilientes. Si elles ont traversé la crise de 2008, elles ont des difficultés à réinvestir, voire elles craignent de réinvestir car elles ont peur de l'avenir. Si nous ne les engageons pas dans un projet à moyen ou à long terme, à trois ou cinq ans, elles ne réinvestiront pas et mourront.

Je suis né dans le Jura. Il y a trente ans, un agriculteur pouvait vivre avec cinquante vaches et cinquante hectares. On ne vivait pas très bien, mais on vivait de sa production. Aujourd'hui, il faut cinq à six fois plus, pour vivre dignement de son exploitation, il faut entre 250 et 300 hectares et entre 250 et 300 têtes de bétail. Le 11 octobre dernier à Rungis, Emmanuel Macron a évoqué cet aspect des choses.

Mais nous ne pouvons écarter tous les agriculteurs qui ne répondent pas à ce modèle. Il faut donc lancer progressivement un plan d'accompagnement, un plan de transformation et de modernisation. De nombreux agriculteurs ont aujourd'hui changé d'angle, ils se sont lancés dans des circuits courts. Des initiatives multiples et intéressantes sont possibles. Tout ce qui se passe est bien et bienvenu. Les décisions prises dans les cantines, dans les restaurations collectives donnent un peu d'oxygène, offrent des perspectives d'avenir à ce secteur qui en a besoin.

On parle de la fierté agricole, de la fierté de métier. Pour autant, la situation ne s'est pas améliorée, au contraire, elle s'est détériorée. Il faut réinjecter de l'argent imaginer un fonds d'accompagnement, un fonds de reconversion et notamment trouver des clés et surtout accompagner ceux qui vont évoluer, car on ne peut éternellement se plaindre. De nombreuses personnes s'engagent dans de belles initiatives, mais connaissent des difficultés à les financer.

En Côte-d'Or, nous avons lancé un projet intitulé « Futur 21 », 21 pour l'indicatif du département et pour le XXIe siècle. Nous nous sommes interrogés sur l'agriculteur et l'agriculture de demain dans un département comme la Côte-d'Or. Nous avons travaillé avec de jeunes agriculteurs, éleveurs et producteurs. Les idées qu'ils ont pour se transformer eux-mêmes, car ils sont conscients qu'ils ne pourront pas durer s'ils ne changent pas, sont extrêmement intéressantes. Le crowdfunding est l'exemple de leur mobilité. Aujourd'hui, des investisseurs prennent le chemin de la ferme à la faveur d'un micro-crédit et ils y retournent en tant que consommateurs pour acheter des produits. Cela crée un lien social extrêmement fort et évitera à terme la désertification.

Ce secteur se situe à un moment clé. Après cette audition, je rencontrerai le président Philippe Varin pour mettre en place le conseil stratégique de filière. Notre filière n'est pas celle de l'aéronautique, de l'automobile, du numérique, elle est celle de l'agriculture et de l'alimentation, qui est formée de 500 000 agriculteurs et de 17 000 entreprises. L'une produit en une heure ce que l'autre produit en un an. Cela pour vous dire les différences de taille des différentes entreprises, mais pas un seul n'est à écarter. Ils ont leur rôle social et sociétal. Nous allons y travailler et nous allons vous solliciter, car nous allons présenter un plan d'accompagnement et de financement du secteur par région, par bassin, par métier.

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