Intervention de Valérie Beauvais

Séance en hémicycle du lundi 9 avril 2018 à 16h00
Nouveau pacte ferroviaire — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Beauvais :

Sur la forme, le groupe Les Républicains avait imaginé une véritable discussion en commission, qui aurait nourri les projets et ainsi contribué à un vrai débat parlementaire en séance publique. C'est pourquoi nous demandons le renvoi du texte en commission pour un nouvel examen.

Les Républicains considèrent que ce nouvel examen doit nous permettre, dans le respect des principes du débat parlementaire, d'enrichir et de compléter ce texte sur les aspects suivants : le recours aux ordonnances ; la dette de la SNCF, sujet central ; les lignes les moins fréquentées du réseau.

La procédure des ordonnances se justifie d'autant moins qu'il s'agit à la fois d'une mission de service public devant être assurée pour nos concitoyens et d'une vision stratégique de l'État, fondamentale pour l'équilibre des territoires. Comment justifiez-vous, madame la ministre, la concision de ce texte, si ce n'est pas la volonté de contourner le débat parlementaire ? Le groupe Les Républicains considère que le transport ferroviaire mérite mieux que huit articles, dont l'objet n'est autre que de donner des orientations et d'ouvrir des chapitres. En procédant d'abord par les ordonnances, ensuite par le dépôt d'amendements décidés au gré des négociations avec les syndicats, le Gouvernement fait preuve de légèreté, prenant en otage la population bloquée par des grèves massives, braquant les syndicats et méprisant les élus de la nation.

Enfin, la représentation nationale n'aura connaissance du contenu des ordonnances que lorsque celles-ci seront rédigées. Vous mettez donc le dossier sur la table alors qu'il n'est pas encore écrit et que les questions essentielles liées au transport ferroviaire sont absentes. Mais alors, pourquoi ne pas avoir commencé par les négociations, avant de présenter un texte ?

La dette de la SNCF est un problème fondamental, je le répète : elle atteignait 42 milliards d'euros en 2016 et pourrait excéder 62 milliards d'euros en 2026. Doit-on assister à une telle dérive de manière impassible ? Nous ne le croyons pas. C'est pourquoi, madame la ministre, nous souhaitons obtenir de votre part des engagements et des éclaircissements à ce propos.

Il semblerait que le Gouvernement envisage de reprendre la dette de SNCF Réseau, à hauteur de 36 milliards d'euros sur 46 milliards, via une structure ad hoc, qui serait logée à l'intérieur de la SNCF, et non pas directement, de façon à ne pas grever les finances publiques. Avec mes collègues, nous regrettons que le Gouvernement reste très vague sur le montage de ce dispositif. Nous souhaitons une réponse claire au problème de la dette et, en particulier, connaître l'état du ratio d'endettement de SNCF réseau. Celui-ci avait été fixé, lors de la réforme ferroviaire de 2014, par l'adoption d'une règle d'or ; l'ancienne majorité l'a fait voler en éclat, majorité à laquelle appartenait alors un certain nombre de députés de la majorité actuelle…

Nous ne pouvons pas faire l'économie de ce débat car, si la dette pèse sur la SNCF, elle n'est pas entièrement imputable à l'entreprise. En 2017, SNCF Mobilités a bouclé un excellent exercice : son activité a progressé de 4,7 %, à 31,8 milliards d'euros, grâce à l'activité du TGV, qui a connu une hausse de son chiffre d'affaires de 8,7 %, ainsi qu'à une augmentation de son trafic de 10 %. De surcroît, le trafic des trains régionaux et Intercités a également connu un regain d'activité. À cela s'ajoutent des éléments exceptionnels générés par des crédits d'impôt dits « à faire valoir à l'avenir », portant le résultat net à 1,13 milliard d'euros.

Il y a donc des raisons d'espérer, comme l'indique Guillaume Pepy : « Le résultat net récurrent du groupe est le meilleur depuis de nombreuses années. Mais il est à relativiser : il représente 2 % du chiffre d'affaires, ce qui est dans le bas de la fourchette dans les entreprises de service public. Notre cash-flow reste par ailleurs trop faible et il ne faut pas oublier l'endettement structurel de la SNCF Réseau, qui continue de croître. » Mais, comme le président du directoire de la SNCF le précise également, la question de l'endettement structurant est plus que jamais prégnante et la SNCF en la matière n'est pas la seule responsable. L'État a aussi sa part de responsabilité et doit donc l'assumer.

Dès lors, madame la ministre, comment pouvez-vous justifier l'absence de prise en considération de cette question ? Est-ce de l'indifférence ? Je ne le crois pas. Est-ce un choix politique visant à mettre le sujet sous le tapis ? Je ne l'espère pas. Vous nous permettrez donc de nous interroger sur vos réelles intentions à ce propos.

Sur cette question de la dette, je conclurai par l'absence notable de précisions quant à la gouvernance future de la SNCF. Les seules certitudes que nous ayons sont celles qui portent sur l'impact négatif de la dette pesant sur les entités SNCF Mobilités et SNCF Réseau. Votre réponse au problème est de créer une société nationale à capitaux publics. Mais là encore, en l'absence d'éléments tangibles comment voulez-vous que nous adoptions et soutenions une telle proposition ?

Madame la ministre, à ce stade de la discussion, la création de cette nouvelle structure soulève plus d'interrogations qu'elle n'apporte de réponses. Que deviendra l'EPIC de tête SNCF ? Comment fonctionnera le dispositif de reprise de la dette à hauteur de 36 milliards d'euros ? Suivrez-vous l'exemple de l'Allemagne ? Ou, comme vous l'avez dit en commission « reprendre aujourd'hui la dette c'est être confronté, dans le futur, à une nouvelle dette » ? Pourtant si la concurrence est réelle et sérieuse, ce seront les sociétés concessionnaires qui devront assumer cette dette hypothétique et non l'État. En fonction de la structure juridique choisie, que deviendra le statut du cheminot pour les nouvelles embauches, et à partir de quand ? Quid du régime spécial des retraites ?

Ces interrogations sont à notre sens beaucoup trop nombreuses et font peser de trop lourdes incertitudes sur l'avenir de la SNCF en général. Comme plusieurs collègues l'ont dit, si nous avions eu ces débats en commission, je ne devrais pas, à cet instant, motiver une motion de renvoi en commission.

Enfin, les élus Les Républicains mais aussi plusieurs autres nos collègues dans cette assemblée, j'en suis certaine, ressentent des inquiétudes à propos de la pérennité des lignes les moins fréquentées du réseau. Avant de développer mon propos, je m'interroge déjà sur ce que peut signifier « lignes les moins fréquentées ». À partir de quel seuil doit-on considérer qu'une ligne est moins fréquentée ? Comment considérer qu'une ligne est moins fréquentée si elle ne dessert qu'un bourg d'équilibre ou une commune rurale dont le nombre d'habitants est limité ?

Admettez, madame la ministre, que la fréquentation des gares de Bazancourt, dans ma circonscription, de Fismes, dans la Marne, et de bien d'autres en France ne peut pas égaler celles des grandes métropoles. Pourtant, ce chapelet de dessertes, qui est le fruit de l'histoire de la SNCF et qui participe à l'aménagement du territoire, constitue une offre réelle de mobilité pour un nombre important de nos concitoyens. Vous voyez bien, madame la ministre, tout l'intérêt de respecter votre méthode de départ : d'abord la mobilité puis le transport ferroviaire au travers du capillaire. Faire le contraire, c'est comme si, pour construire une maison, on commençait les murs avant les fondations.

Ces lignes seront d'autant plus utiles et empruntées que la France entend être un modèle en matière de réduction des émissions de CO2. La réduction des déplacements individuels via la route sera au coeur des enjeux de la mobilité de demain. Si ces lignes sont supprimées, comment se déplaceront les personnes qui résident à proximité de ces gares et qui se rendent dans les agglomérations pour y travailler, pour y étudier ou pour aller à une manifestation culturelle ou sportive ? Si ces lignes sont transférées aux régions, celles-ci rencontrant de réelles difficultés budgétaires, elles seront dans l'incapacité de les maintenir. Là encore, vous ne répondez pas ou, plus exactement, vous répondez par une pirouette : dernièrement, en commission, vous nous avez expliqué que chacun devra prendre ses responsabilités.

La commission saisie au fond sur ce texte est chargée du développement durable, mais aussi de l'aménagement du territoire, dimension que vous semblez avoir oubliée. Une nouvelle fracture territoriale n'est évidemment pas souhaitable. Nous, élus Les Républicains, considérons que ces lignes doivent perdurer car elles seront demain des alternatives de mobilité pour certains de nos concitoyens qui ne les utilisent pas aujourd'hui.

Au lieu de les condamner, faisons-en sorte de les développer et de les adapter aux besoins à venir ! Il s'agit d'un vrai choix politique, d'une véritable politique d'aménagement du territoire.

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