Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du mardi 3 avril 2018 à 21h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Je veux exprimer le regret de retrouver, dans un même texte, des dispositions concernant le droit d'asile, sur lequel je vais revenir longuement, et d'autres sur la maîtrise de l'immigration. Certes, ne pas maîtriser le droit d'asile, c'est ne plus maîtriser l'immigration. Mais, à l'évidence, ce n'est pas par le seul biais du droit d'asile que l'on doit aborder la question migratoire. À l'instar de Mme de Sarnez, nous souhaiterions que l'on organise chaque année un débat sur la politique migratoire de notre pays, sur sa politique de coopération et de co-développement. Cela permettrait aux Français de se forger une idée globale de la maîtrise des flux migratoires, qui seront sans doute un des enjeux les plus importants auxquels notre pays, notre continent et l'ensemble du monde auront à faire face au cours des décennies à venir.

Pour autant, le Groupe UDI, Agir et Indépendants partage le constat qui a amené le Gouvernement à présenter ce projet de loi sur le droit d'asile et les dynamiques migratoires – venues pervertir ce droit d'asile depuis quelques années – qui nous obligent à prendre des mesures spécifiques, tout en veillant au respect de nos valeurs et de notre tradition historique d'accueil des demandeurs d'asile.

Nous voulons à notre tour réaffirmer que tout individu qui, à travers le monde, est menacé dans son intégrité pour ses opinions, pour son appartenance à un groupe ethnique ou simplement du fait des violences dont il pourrait faire l'objet – par exemple les femmes victimes de violences de nature sexuelle – a le droit d'être protégé et accueilli par la France. Ce principe proclamé, on doit admettre que toute personne qui ne se trouve pas dans cette situation ne peut pas être acceptée au titre du droit d'asile. Le droit de dire « oui » pour protéger les personnes qui sont en danger a un corollaire : le devoir et la capacité de dire « non » lorsque ce n'est pas le cas. Il ne faut pas laisser se pervertir le droit d'asile. Ce qui peut être présenté à nos concitoyens comme un devoir ne doit pas être un outil dont les uns ou les autres abuseraient pour entrer dans notre pays.

Avant de se prononcer sur ce texte, monsieur le ministre d'État, dont vous êtes prêt, avez-vous dit, à amodier un certain nombre de dispositions, notre groupe soulèvera plusieurs points et défendra des amendements en commission comme en séance publique.

Nous proposerons, entre autres, de réduire le délai au terme duquel un demandeur d'asile, en attente d'une réponse, peut être autorisé à travailler. La rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales a parlé de six mois. En ce qui nous concerne, nous partons du principe qu'à partir du moment où quelqu'un est sur notre territoire et qu'il fait une demande d'asile, il doit être autorisé temporairement à travailler : si sa demande d'asile est acceptée in fine, on aura anticipé sa capacité d'intégration ; si elle ne l'est pas, rien n'empêchera de mettre fin à sa présence sur notre territoire.

Nous souhaitons également faciliter l'acquisition de la nationalité française pour les étrangers qui résident dans notre pays depuis plus de dix ans. Aujourd'hui, celui qui réside dans notre pays depuis plus de dix ans, qui est intégré et dont on n'a pas à remettre en cause la présence sur le territoire national – puisque le titre de dix ans est renouvelable sans conditions – doit attendre beaucoup trop longtemps lorsqu'il demande la nationalité française.

Nous solliciterons par ailleurs la création d'un visa particulier pour ceux qui ont des attaches suffisantes avec notre pays, qui justifient pour des raisons familiales, parfois pour des raisons professionnelles, des séjours courts mais réguliers. Ils n'auraient plus, à chaque fois, à demander l'autorisation de rentrer sur notre territoire pour voir leurs petits-enfants ou leur famille alors même que la garantie de retour existe. Quand bien même on considérerait que cette garantie de retour pourrait poser problème, on sait qu'il suffit de rentrer une fois avec un visa unique pour pouvoir se maintenir sur notre territoire et que ce n'est pas la délivrance de visas à entrées multiples qui favoriserait une immigration non souhaitée et non choisie par la France.

Nous vous proposerons de tenir compte, avant de statuer sur une demande d'asile, des éventuelles condamnations ou des informations des services de renseignement de pays tiers de confiance, pour placer sous surveillance électronique certains étrangers assignés à résidence dans l'attente de leur éloignement afin qu'ils ne disparaissent pas. Nous vous suggérerons aussi de renforcer les sanctions en cas de non-respect des obligations telles que la présentation périodique aux services de police ou la remise du passeport. C'est ce qui est prévu dans votre texte. Encore faut-il que le non-respect de ces obligations ait des conséquences.

Vous l'aurez compris, il s'agit pour nous de rechercher un équilibre entre notre devoir d'accueillir ceux qui ont besoin et droit à notre protection, et notre responsabilité de reconduire effectivement les étrangers qui n'auraient pas obtenu ce droit. Cet exercice sera évidemment difficile, entre ceux qui veulent courir derrière les mesures les plus extrêmes – sans parler des projets de l'extrême droite qui dénient nos valeurs – et ceux qui invoquent tous les prétextes pour que jamais rien n'empêche la régularisation de ceux qui ont violé nos lois, tant et si bien qu'à leurs yeux, aucune règle ne saurait exister ou être appliquée.

Oui, l'exercice est difficile, mais il est nécessaire pour respecter nos valeurs de protection des opprimés, nos intérêts et notre droit qui commandent de n'accueillir, en dehors du droit d'asile, que ceux dont la France a besoin et qu'elle est capable de recevoir dignement.

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