Intervention de Élodie Jacquier-Laforge

Réunion du mardi 3 avril 2018 à 21h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlodie Jacquier-Laforge :

Les deux dernières lois sur le droit d'asile et l'immigration sont relativement récentes puisqu'elles ont été adoptées en 2015 et 2016 avec le double objectif d'apporter des réponses concrètes au défi posé à notre pays : accueillir dignement les réfugiés et favoriser leur intégration tout en combattant l'immigration illégale.

De fait, la pression migratoire en Europe et en France est d'une ampleur sans précédent depuis 2015, cela a été rappelé à plusieurs reprises, et de nombreuses mesures ont été prises dans l'urgence, afin justement de pallier les urgences. Mais des ajustements restent à faire, c'est pourquoi ce projet de loi est nécessaire. Si les entrées illégales ont diminué au cours de l'année 2016, plusieurs zones sont sous tension : les Alpes-Maritimes, le Calaisis, Paris et sa région. Nos délais d'examen des demandes d'asile sont encore trop longs. La mise en oeuvre des retours contraints des étrangers ne justifiant d'aucun droit au séjour en France demeure insuffisante.

Nous partageons les trois objectifs de ce texte : accélérer le traitement des demandes d'asile en réduisant le délai à six mois et améliorer les conditions d'accueil ; renforcer les moyens d'action pour lutter contre l'immigration irrégulière ; améliorer les conditions d'intégration et d'accueil des étrangers en situation régulière.

Nous avons tous constaté, dans nos circonscriptions comme lors des auditions, que ce texte soulève de nombreuses inquiétudes de la part des associations et des acteurs de terrain. En effet, depuis 1980, seize lois majeures ont modifié les conditions d'entrée, de séjour et d'asile sur notre territoire – environ un texte tous les deux ans… Nous avons beaucoup légiféré, j'oserai dire trop, et le bilan de ce qui fonctionne et des manquements aurait dû être fait plus souvent. Je pense que c'est l'une des raisons des incompréhensions et parfois du rejet que peut susciter ce projet de loi.

Notre politique migratoire évolue au gré de la géopolitique mondiale, comme l'a notamment rappelé la présidente de la commission des Affaires étrangères, mais aussi, c'est indéniable, au gré des changements politiques au niveau national. Les règles et les procédures applicables sont complexes et manquent de lisibilité. Il est primordial de les simplifier. Dans un souci de clarification, de pédagogie et d'efficacité, un bilan plus approfondi des politiques migratoires passées devrait être fait, ce que nous proposerons dans un amendement.

Mes collègues du groupe du Mouvement démocrate et apparentés et moi soutenons ce texte et son esprit. Nous souhaitons y apporter plusieurs modifications qui nous semblent susceptibles d'améliorer son équilibre. Notre objectif étant commun, nous parviendrons à nous mettre d'accord. J'ai bien noté, monsieur le ministre d'État, votre ouverture vers d'éventuelles amodiations, notamment sur la question de la rétention.

J'en viens à la partie relative à l'intégration. J'ai cru comprendre que M. Éric Ciotti considérait cette politique d'intégration insuffisante. Je pense effectivement que l'on peut mieux faire dans ce domaine, c'est pourquoi nous défendrons un amendement pour renommer le titre III en insistant sur les dispositifs destinés aux étrangers en situation régulière.

J'aimerais également vous entendre, monsieur le ministre d'État, sur les mineurs isolés étrangers : 15 000 enfants migrants sont arrivés en France en 2017 ; ils étaient seulement 8 000 en 2016. Sur le terrain, ils sont confrontés à un sentiment de défiance, notamment les adolescents suspectés d'être majeurs. Il existe de fortes disparités de prise en charge d'un département à l'autre. Au hasard du lieu où ils arrivent, ils se retrouvent protégés ou dans la rue ! Une coordination nationale est nécessaire, d'autant que les départements manquent de moyens et d'accompagnement.

Souvent livrés à eux-mêmes, ces enfants sont nombreux à tomber aux mains de réseaux criminels. C'est une réalité dont il faut parler : Amnesty International estime que 10 000 mineurs non accompagnés ont disparu en Europe. En janvier 2016, Europol a alerté sur cette situation. Nous avons déposé des amendements qui visent à protéger les mineurs de façon générale.

Sur le volet intégration, nous soutiendrons les propositions d'Aurélien Taché, notamment pour l'accès à l'emploi et à la formation, et nous déposerons des amendements en ce sens.

Nous souhaitons également revenir sur le délit de « solidarité », le délai de recours devant la CNDA, la notification par tous moyens des convocations, les critères de classement en procédure accélérée ou encore le choix de la langue. Et je souhaite, monsieur le ministre d'État, que l'esprit d'ouverture que vous avez manifesté englobe ces différents thèmes.

Cela peut sembler beaucoup, mais ce sont pour nous des ajustements de bon sens. Je ne doute pas que nos travaux aboutiront à un texte qui permettra à la France de gérer sa politique relative à l'asile, à l'immigration et à l'intégration de façon à la fois efficace et humaine.

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