Intervention de Gérard Collomb

Réunion du mardi 3 avril 2018 à 21h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur :

M. Lagarde a dit vouloir juger sur l'équilibre. Jugez donc sur l'équilibre, mesdames et messieurs les députés. Nous voulons une loi équilibrée. Nous voyons tous les aspects des problèmes. Nous voyons l'aspect humain, nous voyons quelles sont les difficultés des migrants, nous voyons quelles conséquences peuvent s'ensuivre pour le fonctionnement d'une société, et nous cherchons le juste équilibre. Je ne prétends à rien. Je dis que ce projet de loi, fruit d'un long travail, nous semble présenter les conditions d'un tel équilibre et que vous pourrez donc l'adopter.

Mme Élodie Jacquier-Laforge a raison de relever que nous avons déjà beaucoup légiféré, mais avons-nous vraiment légiféré comme il fallait ? Je n'en suis pas sûr. Lorsque je considère l'évolution du nombre d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) et des éloignements par rapport à celle du nombre de demandes d'asile, je me dis que nous n'avons peut-être pas adopté, dans le passé, la bonne méthode. Beaucoup de personnes, dites-vous madame la députée, critiquent cette loi. En effet, beaucoup pensent que, dans notre pays, l'accueil doit être inconditionnel. Pour ma part, je pense que c'est une erreur. Je leur laisse leurs convictions, mais ce serait une erreur profonde d'instaurer un tel accueil inconditionnel : demain, notre pays connaîtrait de grandes difficultés.

J'essaie de discuter avec tous. Dans les services qui s'occupent de ces problèmes d'asile et d'immigration, il y a des gens absolument formidables. Ceux qui sont au service des étrangers, dans les préfectures, sont des gens formidables. Ceux qui travaillent à l'OFII sont des gens exceptionnels ; on a beaucoup médit sur eux mais on les connaît mal. Allez discuter avec eux, et vous verrez quelle conscience ils ont de la personne humaine, vous saurez combien ils font leur travail avec coeur et passion, en essayant d'apporter une réponse à la souffrance humaine, mais, chaque fois, en faisant preuve de responsabilité.

Quant aux associations, vous n'entendrez peut-être pas tout à fait le même discours dans les départements qu'au niveau national : elles travaillent souvent en lien étroit avec les préfectures et l'ensemble des services. Si elles pensent leur action nécessaire, elles estiment que l'action de l'État est aussi absolument essentielle.

Si ce texte ne traite pas des mineurs non accompagnés, c'est parce que le Premier ministre est en discussion avec les présidents de département qui, précisément, n'ont pas souhaité que ce soit le cas. Je vous accorde que le problème est fondamental. Si le nombre de mineurs non accompagnés passe en quelques années de 4 000 à 18 000, je ne crois pas que ce soit un mouvement spontané. Et si nous ne traitons pas le problème dans ce texte, nos services y travaillent en profondeur : ils cherchent à remonter les réseaux de passeurs et à arrêter leurs opérateurs. Je vous rappelle, par ailleurs, que nous ne connaissons pas le nombre exact de mineurs non accompagnés. Aujourd'hui, une personne considérée majeure dans un département peut se rendre dans un autre pour s'y faire reconnaître mineure. Il nous faudrait donc une vue globale du problème ; c'est ce que nous proposerons aux présidents des départements. Ce que nous pressentons, c'est qu'au-delà des mineurs reconnus, ce ne sont pas 18 000 personnes mais bien plus qui se disent mineurs non accompagnés dans notre pays. Cette question, essentielle au cours des prochaines années, met en péril les finances de nombreux départements. Je pense que les discussions entre le Premier ministre et l'Assemblée des départements de France (ADF) aboutiront à l'expression d'une volonté commune et à un schéma d'ensemble qui permette de prendre en compte ce problème.

Pardonnez-moi, madame Karamanli, de ne pas partager votre diagnostic. Finalement, vous vous opposez frontalement, sur tous les points, au projet du Gouvernement. Je ne pense cependant pas que mes prédécesseurs, s'ils étaient présents parmi nous, seraient entièrement de votre avis. Ils ont été confrontés aux mêmes problèmes que moi ; ils ont connu les mêmes difficultés. Je ne prétends pas que les problèmes d'immigration irrégulière se résolvent de manière facile. Il faut effectivement faire preuve de beaucoup de responsabilité. Croyez-moi, c'est dans un souci de responsabilité que je propose un certain nombre des mesures que vous avez dénoncées. Oui, le projet de loi est conforme au droit européen. Beaucoup ont cité le Conseil d'État mais ce dernier a estimé que les dispositions du projet de loi étaient conformes – vous avez oublié de le mentionner – à la Constitution et aux droits fondamentaux protégés par l'Europe.

Oui, nous avons suivi la ligne du droit. C'est d'ailleurs parfois ce que l'on nous reproche. Oui, nous faisons une place au juge administratif et au juge des libertés et de la détention au sein des procédures, pour offrir des garanties, parce que nous voulons demeurer un État de droit même en faisant preuve de fermeté. Chacun est jugé individuellement. Quand l'OFPRA se prononce, ce n'est pas sur une somme de dossiers, c'est sur le cas d'une personne en se fondant sur l'ensemble des données qui la concernent. C'est une garantie fondamentale qu'offre notre pays.

Que vous dire, madame Obono ?

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