Intervention de Jérôme Nury

Réunion du mercredi 11 avril 2018 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Nury :

Monsieur le ministre, chers Collègues, le texte que nous commençons à examiner est clairement l'aboutissement des États généraux de l'alimentation. Cet exercice de concertation visant notamment à répondre à la terrible crise agricole qui frappe nos campagnes a été, il faut le dire, un moment positif, salué par toutes les branches, aussi bien agricole que de transformation et de distribution. Tous s'entendent sur l'état de souffrance de l'agriculture. Les EGA ont donné des pistes d'action en faveur de ce renouveau. Ils ont également suscité des attentes considérables dans la profession agricole, qu'il ne faut pas décevoir.

Le premier regret que nous pouvons avoir est que l'examen du texte a été reporté de plusieurs semaines. Ce retard est regrettable et préjudiciable au monde agricole. Il est d'autant plus incompréhensible que cet examen a été repoussé au profit de celui du texte sur la SNCF, certes également majeur pour la communication du Gouvernement mais qui n'avait pas le degré d'urgence que la crise agricole commande. Ce décalage n'est pas sans inquiéter une profession qui, au vu du calendrier parlementaire, peut craindre que le texte ne s'applique pas aux négociations commerciales pour 2019.

Sur le fond, trois points retiennent mon attention.

En ce qui concerne tout d'abord la contractualisation, les articles 1er à 8 du projet de loi, reprenant les propositions des ateliers 5 et 7 des EGA, apportent un certain nombre de réponses intéressantes en faveur de l'équilibre des relations commerciales. Leurs dispositions encadrent les contrats et inversent la construction du prix pour qu'elle parte du producteur vers le transformateur et vers le consommateur. Toutefois, il paraît nécessaire d'aller plus loin dans la protection du secteur agricole, d'abord en faisant preuve de mansuétude et de pragmatisme, et donc en se gardant de toute sanction exagérée vis-à-vis des producteurs. Nous devons aussi veiller à ce que la contractualisation soit juste à l'égard du producteur en obligeant à plus de transparence de la part de l'acheteur, mais aussi en s'appuyant sur des indicateurs publics de référence encadrant les relations commerciales.

Deuxième point, le projet s'inscrit dans la lutte contre la déflation des prix. Il prévoit, à juste titre, un contrôle des promotions, l'interdiction des prix abusivement bas et l'encadrement du seuil de revente à perte. En cela, le texte va logiquement vers cette reconstruction des prix tant attendue. Des propositions et des précisions pourraient toutefois être utiles afin de mieux encadrer en volume et en valeur les opérations promotionnelles concernant non seulement l'alimentation humaine mais aussi l'alimentation animale, et concernant également les marques distributeurs.

Troisième point, à ces efforts pour l'équilibre des relations commerciales, s'ajoute, exprimée par le titre II, la volonté d'une alimentation saine, de qualité et durable accessible pour tous, également reprise des EGA. Les membres du groupe Les Républicains partagent ces objectifs mais sont réservés quant à la pertinence de la contrainte ; nous préférons à cette notion celle d'incitation. S'agissant de la restauration collective, les objectifs affichés sont ambitieux. Toutefois, il serait souhaitable d'encourager les collectivités à s'engager dans la voie du bio et du local, des circuits courts et de la qualité plutôt que de recourir à la contrainte. S'agissant des produits phytopharmaceutiques, nous soutenons cette volonté de réduire leur consommation, et les mesures proposées sont positives. Toutefois, nous devons être vigilants. L'interdiction des promotions risque de conduire à un renchérissement des coûts des exploitants qui, on le sait, ne pourront, pour un certain nombre de pratiques, se passer de ces produits dans l'immédiat. C'est pourquoi nous pourrions, dans le respect de l'esprit du texte, envisager une mesure transitoire de bon sens, afin de ne pas augmenter les charges des agriculteurs. D'autre part, si le cumul des activités de vente et de conseil est interdit, il est important de bien distinguer l'activité de conseil sur le produit vendu, qui vise à informer sur l'utilisation, les précautions ou les dosages, et l'activité de conseil stratégique qui vise à la vente du produit. Des précisions seraient souhaitables, et le texte mériterait d'être clarifié.

Après l'adoption d'un certain nombre des 415 amendements examinés par la commission du développement durable, il semble que le texte ait perdu de ses objectifs premiers. Nous encourageons un retour à l'esprit des travaux des EGA. Il est nécessaire de ramener de l'équilibre et du pragmatisme. Nous sommes donc prêts à proposer un certain nombre d'amendements visant à améliorer le projet de loi sans le détourner de son objectif principal : permettre aux agriculteurs de mieux vivre de leur métier, avec une reconstruction du prix et un partage plus équilibré de la valeur.

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