Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mercredi 19 juillet 2017 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Mesdames, messieurs les députés, laissez-moi tout d'abord vous dire le plaisir et l'honneur qui sont les miens de vous présenter en quelques mots les grandes orientations de la feuille route qui m'a été confiée.

Tout d'abord, je tiens à souligner que notre tradition d'excellence dans l'enseignement supérieur comme dans la recherche est internationalement reconnue. Notre système d'enseignement supérieur est extrêmement efficace. Nos diplômés n'éprouvent aucune difficulté pour partir travailler à l'étranger – ce qui a son revers. Nous sommes entre la cinquième et la septième place dans les classements mondiaux pour la qualité de notre recherche. Notre opérateur national, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), est l'organisme qui rassemble le plus de publications au niveau international.

Je suis très fière que ce ministère soit de plein exercice et qu'il associe l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation.

Je commencerai par évoquer l'enseignement supérieur et la réussite de nos étudiants.

Notre système d'enseignement supérieur fonctionne bien, à une – regrettable –exception près qui est celle de l'accès au cycle de licence à l'université. Je pense en particulier aux problèmes liés au tirage au sort et à l'admission post-bac (APB), dont j'ai découvert l'ampleur lors de ma prise de fonctions – je dis « l'ampleur » car le tirage au sort existe depuis la mise en place du système APB en 2002.

Autre grand sujet de préoccupation : le fait que 60 % des étudiants entamant une licence échouent à obtenir leur diplôme. C'est un gâchis humain, social et financier. La première chose à laquelle je me suis attelée est le lancement d'une grande concertation pour repenser totalement l'accès à l'enseignement supérieur et le premier cycle universitaire. Nous poursuivons l'objectif de mettre en place un système qui accompagnera la réussite de l'ensemble des étudiants car sans accompagnement, leur échec est quasiment certain. Lancée cette semaine, la concertation s'achèvera dans trois mois et permettra d'apporter des modifications rapidement pour que la rentrée 2018 se fasse sans tirage au sort.

Repenser la formation dans l'enseignement supérieur, c'est aussi changer l'idée selon laquelle lorsqu'on n'a pas obtenu son diplôme de plus haut grade à vingt-trois ou vingt-cinq ans, on a raté sa vie. Il s'agit de mettre en place un système d'enseignement supérieur dans lequel chacun peut revenir tout au long de sa vie. C'est une dimension qui me tient particulièrement à coeur. Certains étudiants, on le sait, déplorent à l'issue de leurs études de ne pas trouver d'emploi à la hauteur de leurs qualifications.

Nous voulons également accompagner l'ensemble des bacheliers. Les bacheliers des filières professionnelles n'ont actuellement pas d'autre choix, sauf dans quelques régions où une expérimentation est menée, que de se diriger vers une licence générale non sélective alors qu'ils trouveraient davantage leur place pour réussir dans des formations courtes plus professionnalisantes.

Ce sont autant de sujets que nous devons aborder sans tabou.

Je souhaiterais également que l'engagement étudiant soit mieux valorisé. Nous devons reconnaître cette formidable chance que nous avons de compter près d'1,6 million de jeunes qui ont envie de s'engager. Nous pourrons compter sur des outils déjà existants comme le service civique ou les contrats aidés. Il faut aider les étudiants à mettre en valeur cet à-côté de leur vie académique qui va contribuer à faire d'eux des citoyens à part entière.

Pour que tout cela fonctionne, il faut développer les passerelles entre les différentes formations, qu'il s'agisse des formations bac-3bac+3, des écoles ou des universités. Les étudiants doivent pouvoir circuler de manière fluide entre les différentes structures d'enseignement supérieur.

Il sera par ailleurs nécessaire de revenir sur les regroupements instaurés par la loi de 2013. Ils ne reposent que sur trois formes : les fusions, les associations valant rattachement ou bien les communautés d'universités et d'établissements, lesquelles placent l'ensemble des structures souhaitant se rassembler autour d'un projet commun, sous un régime de type universitaire, formule qui n'est pas adaptée à tous les établissements d'enseignement supérieur. Il s'agit de mettre en valeur le projet plutôt que la « boîte » qui le contient. Dans cette perspective, vous aurez à voter, dans le futur projet de loi d'habilitation pour la simplification des relations entre les pouvoirs publics et les usagers, des dispositions prévoyant la possibilité de mettre en place une phase d'expérimentation pour les sites qui le souhaitent, de manière qu'ils puissent s'organiser comme ils le veulent, en conservant si nécessaire leur personnalité morale afin de porter un projet, au lieu d'avoir d'abord à trouver la structure administrative adéquate, ce qui constitue souvent un blocage. Pour plus de liberté, le contrôle s'exercera a posteriori plutôt qu'a priori, sur la base d'un petit nombre d'indicateurs qui permettront de suivre l'avancée des projets.

En ce qui concerne la recherche, nous devrons être en mesure de redonner de véritables missions nationales aux organismes de recherche nationaux. Nous continuerons par ailleurs à promouvoir la recherche sur projet, sous forme libre à travers des projets blancs ou à travers le financement par projet soutenu par l'Agence nationale de la recherche (ANR).

Il nous faudra également participer pleinement à la définition de la politique scientifique et de recherche européenne. Cela suppose de travailler très en amont, avec l'ensemble des partenaires européens, pour définir ensemble les priorités. Nous nous attacherons d'abord au niveau national, puis au niveau bilatéral, enfin au niveau européen afin d'aboutir à un meilleur taux de succès : nous devons contribuer à ce que les axes de recherche promus par les instances européennes soient ceux pour lesquels nous sommes en bonne place.

Par ailleurs, il me paraît essentiel que nous continuions à soutenir de grandes infrastructures de recherche sur lesquelles pourront se reposer des projets européens. Dans certains domaines de recherche en effet, les États seuls ne sont pas en mesure de financer la totalité des investissements exigés ; ils doivent combiner leurs forces.

L'innovation est pour moi quelque chose de fondamental, et j'entends l'innovation dans tous les sens du terme.

Il s'agit d'abord de l'innovation au sens classique : tout ce qui permet d'aller de la recherche académique au marché avec l'accompagnement que cela nécessite en termes d'ingénierie, de recherche-développement et d'instruments de transfert. Le paysage actuel est extrêmement complexe. Il y a énormément d'outils, dont je ne suis pas sûre qu'ils soient tous aussi efficients les uns que les autres. Certains se chevauchent et appellent une simplification.

Nous serons amenés à soutenir les collaborations entre les laboratoires académiques et la recherche-développement dans les entreprises. Cela supposera d'approfondir les liens entre les sites d'enseignement supérieur et de recherche et les territoires dans lesquels ils s'insèrent, notamment dans le domaine de la formation professionnelle et des schémas de développement régionaux. Ce seront autant d'opportunités d'insertion professionnelle pour les étudiants, à tous les niveaux de formation.

Enfin, il faudra continuer à travailler à la reconnaissance du doctorat par le monde de l'entreprise.

Il s'agit ensuite de l'innovation pédagogique. Nous vivons une véritable révolution. Ceux d'entre vous qui ont la chance d'enseigner dans le supérieur savent que pendant les cours, les étudiants consultent leurs ordinateurs ou leurs téléphones pour vérifier les informations données par l'enseignant. Nous devons donc imaginer l'enseignement supérieur autrement. Encourager l'approche par projet et l'approche par compétence, aider nos étudiants à mieux utiliser les informations en leur apprenant à les trier, à les hiérarchiser, à les utiliser pour les transformer en concept intellectuel, voici autant de pistes qui s'offrent à nous, au-delà des cours magistraux qui ont prévalu les siècles précédents. La révolution de l'innovation pédagogique n'est pas que numérique, loin de là, même si elle s'appuiera aussi sur le numérique. Elle exige que nous libérions notre créativité pour enseigner autrement.

Il s'agit enfin de l'innovation structurelle. Il ne faut pas s'interdire de remettre en question l'organisation actuelle. Plutôt que de nous contenter de dire que les choses ont toujours été ainsi, explorons des voies nouvelles en nous appuyant sur les administrations et les personnels techniques et administratifs : ils savent souvent ce qui peut être amélioré mais ne sont jamais consultés. Ne restons pas figés dans des structures en silo qui rendent le dialogue impossible. L'avenir de la recherche et de l'enseignement supérieur passera par la transdisciplinarité.

Je terminerai par l'espace, qui relève aussi de mon ministère. Il est essentiel de faire la démonstration de son importance dans la vie quotidienne des citoyens.

Autre point essentiel : la France et l'Europe doivent conserver un accès autonome à l'espace. Je prendrai deux exemples concrets.

Le programme Ariane 6 comprend la mise sur orbite de satellites Galileo appelé à devenir en Europe le GPS de demain. Il est très important que la France et l'ensemble des pays européens demandent que ce système de navigation soit intégré dans tous les équipements utilisant la géolocalisation, à l'instar des États-Unis et de la Chine qui utilisent leur propre système de navigation.

Le programme Copernicus, quant à lui, nous permettra de collecter des données à partir de l'observation de la terre depuis l'espace, données essentielles pour la surveillance du climat et des évolutions environnementales.

Il n'est pas question pour moi d'élaborer une énième loi. L'enseignement supérieur et la recherche n'ont pas besoin d'une loi supplémentaire. Il s'agit plutôt de procéder à quelques aménagements législatifs.

Je mènerai ma mission de façon interministérielle. Je travaillerai avec mon collègue ministre de l'éducation, Jean-Michel Blanquer, pour tout ce qui va concerner l'entrée dans le supérieur mais aussi la formation des enseignants. La désaffection des étudiants pour les études scientifiques est un grand sujet de préoccupation. J'attribue cette évolution au fait qu'il est de plus en plus difficile de distinguer les croyances de la connaissance scientifique, d'où la nécessité de remettre les sciences à l'honneur. Ma collaboration s'étendra à la quasi-totalité des ministères puisque, comme vous le savez, de très nombreux établissements d'enseignement supérieur sont en co-tutelle avec d'autres ministères. Rien d'étonnant à cela : l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation sont pour moi au coeur de tout.

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