Intervention de Laëtitia Romeiro Dias

Réunion du mercredi 9 mai 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaëtitia Romeiro Dias :

La proposition d'allonger le délai de prescription est une avancée et je propose à mes collègues, par mon amendement CL12, de poursuivre la démarche protectrice en allant jusqu'à l'imprescriptibilité.

Le Gouvernement s'est appuyé sur la mission de consensus menée par Mme Flavie Flament et M. Jacques Calmettes, que je trouve troublante sur ce point : le contenu et les arguments me semblent plaider pour l'imprescriptibilité alors que le rapport conclut qu'il ne faut pas la proposer.

Lors d'une audition à la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, j'ai eu l'occasion d'interroger les auteurs à ce sujet. Il est apparu que la mission avait adopté une conclusion de compromis. Devons-nous faire des compromis en ce domaine ? Anticipant nos débats, les auteurs ont, en outre, craint que le législateur ne soit pas mature pour adopter l'imprescriptibilité. Il s'agissait donc essentiellement d'éviter le statu quo.

Or une étude américaine de 2010, parmi d'autres, montre un lien de corrélation très clair entre les violences subies dans l'enfance et la santé d'un adulte. Elle va même jusqu'à établir que c'est le principal déterminant de la santé à cinquante-cinq ans.

Dans ce débat, le symbole de la justice doit être celui qui guide le législateur : la balance de Thémis. Sur un plateau, nous avons les conséquences des crimes sur mineurs jusqu'à la fin de leur vie : syndromes post-traumatiques, difficultés d'insertion sociale, scolaire et professionnelle, maladies chroniques, réduction de l'espérance de vie, suicides.

Sur l'autre plateau, nous retrouvons les arguments utilisés contre l'imprescriptibilité. Réservée aux seuls crimes contre l'humanité, elle aurait une symbolique forte et ne devrait pas être appliquée à d'autres crimes. Or la reconnaissance de la particulière gravité de ces crimes sur mineur n'enlève rien à l'atrocité des crimes contre l'humanité. Les adversaires de l'imprescriptibilité invoquent aussi la difficulté de rassembler des preuves, si la procédure est lancée trop tardivement, ce qui est aussi le cas lorsque le délai de prescription est de trente ans. Quant à la prétendue inconstitutionnalité de l'imprescriptibilité, elle a été écartée par la Cour de cassation en 2012 et par le Conseil constitutionnel en 2015. Il y aurait aussi un plus grand risque de ne pas aboutir à une condamnation, mais c'est le propre de toute procédure judiciaire : on n'en connaît jamais l'issue au commencement. Est-ce à dire que nous devons retirer le droit à agir aux victimes ? C'est une question que l'on peut se poser.

La balance de la justice penche incontestablement vers l'imprescriptibilité. Je demande à mes collègues de voter pour cet amendement et de suivre l'exemple de la Suisse, qui a fait évoluer sa législation dans ce sens.

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