Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mercredi 9 mai 2018 à 16h15
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale :

La première question, qui portait sur les relations avec les parents d'élèves, est cruciale pour le système scolaire en général, et pour notre sujet en particulier. Comme j'ai été amené à le rappeler à plusieurs reprises, la France n'est pas très bonne en la matière : le lien entre les parents d'élèves et le système scolaire n'est pas naturellement fluide. Or deux éléments conditionnent d'abord et avant tout la réussite d'un système scolaire : la formation des professeurs, dont on a parlé précédemment, et la qualité de la relation entre les parents et l'école. La convergence des valeurs et des perspectives entre les parents et l'école est la clé de la réussite des enfants.

Des comparaisons menées à l'international montrent que les systèmes où cette implication est réussie font réussir les enfants, et cela quels que soient les sujets abordés comme celui de l'égalité garçons-filles. Nous allons agir fortement sur cette question qui est à la fois une question d'évolution des mentalités et une question pratique.

Le levier majeur de notre action sera, dès la prochaine rentrée, l'opération « mallette des parents ». Celle-ci existe déjà, mais nous allons lui donner une autre dimension. Les études scientifiques et les évaluations dont elle a fait l'objet dans le passé montrent qu'elle peut avoir un impact.

La mallette des parents est d'abord constituée d'outils pédagogiques et d'outils de discussion entre les parents et l'institution scolaire. Par exemple, des réunions ont lieu en petits groupes, en particulier en début d'année, notamment dans les classes charnières : cours préparatoire (CP), sixième, troisième, seconde. Il s'agit de sensibiliser les parents aux enjeux scolaires, mais aussi aux enjeux périscolaires : santé publique, vie scolaire et égalité femmes-hommes.

Cette mallette sera un véhicule fondamental pour promouvoir certains messages. Nous sommes en train de la préparer. Dans les temps à venir, nous pourrons en parler en toute transparence, pour que ce soit un succès. Mon ambition est qu'elle devienne une référence sur le plan international. Je suis toujours enclin à regarder les exemples étrangers, mais j'espère que nous allons nous-mêmes servir d'exemple à l'étranger. Et j'espère que la mallette des parents y contribuera.

Sur la question des manuels, je vous rejoins en grande partie : on doit trouver une ligne de crête entre la liberté éditoriale, qu'il faut évidemment respecter, et une sorte de cahier des charges, ou du moins les principes auxquels on doit se fier. Lorsque je discute avec les éditeurs, j'observe qu'ils font preuve d'une certaine bonne volonté : ils veulent bien faire, mais ils ont aussi besoin que nous leur indiquions des points de repère. C'est donc ce que nous ferons, le sujet se posant en des termes assez différents pour les manuels du premier et du second degré. En tout cas, le dialogue avec les éditeurs devrait nous permettre d'avancer.

Comme vous l'avez dit, notre relation est également financière. Il est exact que l'État finance les manuels des collèges, les communes finançant ceux du premier degré, et les régions ceux du lycée. C'est aussi un point sur lequel il devrait y avoir des discussions dans les temps futurs. Quoi qu'il en soit, il est évident que la documentation pédagogique en général est un vecteur de progrès s'agissant du sujet qui nous intéresse aujourd'hui.

Ensuite, vous m'avez interrogé sur le socle scientifique de la réforme du lycée, ce qui me donne l'occasion d'apporter quelques précisions. En effet, au-delà du sujet de l'égalité hommes-femmes, je tiens à dire que des informations erronées circulent – comme toujours, malheureusement, sur les réformes envisagées. Que leurs auteurs soient de bonne foi ou de mauvaise foi, je ne peux pas répondre à toutes – je ne suis pas webmestre et je ne veux pas passer mon temps sur Twitter et Facebook. En tout cas, je lis tous les jours des choses insensées.

Certains affirment, par exemple, que la philosophie est lésée par la réforme du baccalauréat : rien n'est plus faux. La philosophie est au contraire rehaussée par la réforme du baccalauréat. C'est désormais la seule épreuve commune à tous les élèves. Elle fera l'objet de quatre heures d'enseignement hebdomadaire alors qu'aujourd'hui, les élèves de la série S n'en font que trois heures. Et ceux qui, aujourd'hui, auraient tendance à s'inscrire dans la série L, pourront en faire davantage au travers d'une discipline de spécialité intitulée « humanités, littérature et philosophie », et ce dès la classe de première. Autrement dit, ces littéraires auront quatre heures de philosophie en première, six heures en terminale, probablement pour aller approfondir des oeuvres, et d'une manière sans doute plus pertinente qu'aujourd'hui, où les huit heures de philosophie de la série L ne donnent pas totalement satisfaction aux acteurs. Il n'en demeure pas moins que, si vous allez sur Twitter, vous constaterez que certains affirment avec toupet que la philosophie est lésée par la réforme !

J'en viens à votre question sur les sciences. Bien entendu, je n'ai pas l'intention de dévaloriser les débats légitimes qui peuvent avoir lieu à ce propos. Mais je vous conseille d'aller sur le site du ministère et voir le nombre d'heures consacrées aux sciences aujourd'hui et après la réforme. Vous constaterez une augmentation du nombre d'heures consacrées aux sciences pour ceux qui choisiront les sciences.

On peut néanmoins s'inquiéter sur deux points. Premièrement, est-ce que tous les élèves, quels que soient les choix qu'ils feront, auront un minimum de culture scientifique jusqu'à la terminale ? La réponse est oui, et davantage qu'aujourd'hui : deux heures d'enseignement scientifique dans le tronc commun tel qu'il est prévu, selon des stratégies pédagogiques qui correspondront à ce que je disais tout à l'heure à propos du rapport Villani. On fera en sorte que des élèves qui n'ont a priori pas envie de se spécialiser en sciences puissent tout de même suivre un enseignement scientifique pertinent – davantage donc que les élèves de la série L actuelle qui ne font plus rien en sciences à la fin de leur parcours.

Deuxièmement, le principe de la réforme est que l'élève fera plus et mieux dans le domaine qu'il aura choisi pour le baccalauréat. Cela va dans le sens de plus grands approfondissements. C'est vrai en sciences comme dans les autres domaines. Ainsi, un élève qui aujourd'hui choisit la série S suivra demain des cours de mathématiques au titre de l'enseignement du socle commun, soit quatre heures en première et six heures de mathématiques en terminale au titre des enseignements de spécialité. Mais en plus, il pourra choisir trois heures de « mathématiques expertes ». Il suivra alors une heure de mathématiques en plus qu'aujourd'hui en terminale S.

Donc, bien entendu, les sciences ont vocation à être renforcées au titre de la réforme. Un ministre de l'Éducation nationale qui ne s'en soucierait pas serait d'ailleurs insensé.

J'ai eu l'occasion de m'exprimer devant l'Académie des sciences sur ce point. Je pense que la réunion, qui a duré au moins une heure et demie, a été filmée. Tous les éléments sont là pour corroborer mes propos.

Pour terminer, au-delà des enjeux du nombre d'heures et de l'ossature générale que je viens d'évoquer, j'évoquerai les enjeux de contenu, qui sont la « chair » de la réforme. Cela se joue en ce moment-même, puisque depuis le mois dernier – et jusqu'au mois de décembre – le Conseil supérieur des programmes s'est attelé à la révision des programmes du lycée. Il le fait dans un souci de qualité, d'approfondissement, mais aussi de prise en compte de sujets comme ceux que nous abordons aujourd'hui.

Voilà pourquoi les inquiétudes, les questions formulées aussi bien par des associations disciplinaires ou des associations comme « Femmes et sciences » auxquelles vous avez fait référence, ou les attentes que vous pouvez avoir en tant que parlementaires, peuvent tout à fait être prises en compte par le Conseil supérieur des programmes dans la période actuelle. J'insiste sur ce point parce que le contenu des programmes est évidemment une question clé, et ne doit pas être occultée par des débats qui ont été en grande partie tranchés, il y a maintenant deux mois, sur les volumes horaires.

1 commentaire :

Le 30/05/2019 à 12:59, Laïc1 a dit :

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" si vous allez sur Twitter, vous constaterez que certains affirment avec toupet que la philosophie est lésée par la réforme !"

Si vous aimez la pensée scientifique comme vous le prétendez, virez la philosophie du lycée, vous rendrez service à la civilisation et à la liberté de pensée, socle de la démocratie européenne et des valeurs de la République. N'ayez pas peur des benêts de twitter, des imbéciles à courte vue qui ne savent penser que sur commande.

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