Intervention de Jacques Mézard

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 16h30
Commission des affaires économiques

Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires :

Exactement ! Mes positions en la manière sont connues.

Certainement perfectible, ce projet de loi se veut d'ores et déjà un texte équilibré, articulé autour de quatre titres correspondant aux quatre piliers qui fondent notre politique du logement.

Le titre Ier s'intitule : « Construire plus, mieux et moins cher ». L'objectif est donc de libérer les initiatives dans les territoires, en laissant le maximum de marge de manoeuvre à ceux qui sont sur le terrain. D'une manière générale, nous avons voulu simplifier. Pour avoir suivi beaucoup de débats parlementaires en matière de logement pendant neuf ans au Sénat, je ne peux qu'approuver un tel état d'esprit. Dans ce pays, nous avons une grande capacité à complexifier et à multiplier les normes. La responsabilité n'est pas seulement celle des gouvernements et des parlementaires, elle est collective et les lobbies, voire les corporatismes, y ont leur part.

Nous voulons donc laisser des marges de manoeuvre à ceux qui sont sur le terrain, en situation, avec la volonté de promouvoir des opérations d'urbanisme et de revitalisation ambitieuses sur tous les territoires. Aux élus et aux collectivités locales, nous proposons de nouveaux outils de contractualisation pour qu'ils puissent élaborer des projets de territoire équilibrés, des projets urbains mixtes combinant des logements, des commerces et des activités. Les intercommunalités et les communes concernées pourront signer le projet partenarial d'aménagement (PPA) avec l'État, afin de réaliser des opérations d'aménagement complexes ou d'une certaine ampleur. En complément, elles pourront aussi créer une grande opération d'urbanisme (GOU) qui leur permettra de déroger à certaines règles de droit commun de l'urbanisme. Notre souci est l'efficacité.

Dans le cadre de ces opérations, la libération du foncier est facilitée : l'État pourra céder du foncier de son domaine privé aux signataires d'un projet partenarial d'aménagement. Depuis des années, nous constatons qu'il faut un temps considérable – parfois jusqu'à treize ou quatorze ans – pour libérer du foncier de l'État.

Ce titre Ier comporte également des mesures de simplification des normes de construction avec, par exemple, le développement de logements évolutifs pour un meilleur équilibre en termes de coût de construction et d'adaptation aux besoins de la société. La simplification vaudra également pour les documents d'urbanisme : les autorisations feront l'objet d'une procédure de dématérialisation et le nombre de pièces à fournir pour les permis de construire sera limité.

S'agissant des recours, un sujet que j'avais assez longuement abordé devant vous au mois d'octobre dernier, des mesures législatives et réglementaires concertées sont prévues pour accélérer les délais de jugement et sanctionner les recours abusifs. Pour chaque niveau de procédure, notre objectif est de passer en moyenne de vingt-quatre à dix mois, en particulier pour les logements collectifs. C'est un enjeu important : on dit que plus de 30 000 logements sont bloqués dans le pays en raison de recours. Il ne s'agit pas de mettre en échec le droit de recours, mais de mettre en place des dispositions permettant d'accélérer les procédures et de sanctionner davantage ceux qui font des recours dans le seul but de nuire ou d'obtenir des transactions financières.

Pour utiliser au mieux les espaces déjà construits, nous proposons des mesures favorisant la transformation de bureaux vacants en logements avec bonus de constructibilité, la création de la catégorie des immeubles de moyenne hauteur, et un élargissement de la procédure de réquisition des locaux vacants depuis plus d'un an à des fins d'hébergement lorsqu'ils appartiennent à des personnes morales.

Le titre II tend à favoriser l'évolution du secteur du logement social. Nouvel acte de la réforme de ce secteur, le projet de loi vise à renforcer la capacité de production et de rénovation de logements sociaux et à rendre plus efficace la gestion de ce secteur administré. Il prévoit notamment la restructuration, étalée sur trois ans, des organismes de logement social. Si un organisme de logement locatif social n'a pas une taille suffisante, il devra rejoindre un groupe, sauf s'il est situé dans les territoires où le parc et les bailleurs sont peu nombreux : je tiens à préserver la proximité et à éviter que certains territoires soient privés de tout organisme de logement social. Nous devons atteindre le bon équilibre entre la proximité et la mutualisation. Le lien avec le territoire reste garanti, ce qui a toujours été pour moi une réelle priorité.

Nous voulons simplifier le cadre juridique applicable aux bailleurs sociaux par des mesures visant à rendre leur maîtrise d'ouvrage plus efficace et compétitive. Les dérogations aux concours d'architecture et à la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique (MOP), prévues pour les bailleurs sociaux, ne déclenchent pas que des réactions positives, mais c'est un choix politique assumé.

La simplification de l'accession à la propriété pour les locataires d'HLM permettra de stabiliser les classes moyennes dans certains quartiers pour plus de mixité sociale, tout en donnant plus de moyens aux bailleurs pour construire de nouveaux logements ou rénover le parc existant.

Le titre III s'intitule : « Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale ». En matière de logement, les attentes des ménages sont fortes, diverses, variables dans le temps. En ce qui concerne le parc social, nous proposons de renforcer la transparence des attributions grâce à la généralisation de la cotation dans les grandes agglomérations, et de renforcer la mobilité des locataires en réexaminant leur situation tous les six ans. Ce dernier point suscite beaucoup de débats mais cela répond à un réel besoin, notamment pour ce qui touche à la mobilité.

Dans le parc privé, le bail mobilité permettra de mobiliser les logements qui ne seraient pas loués sans ce nouvel outil. Les baux adaptés et à durée définie répondront aux besoins de personnes en mobilité, notamment des étudiants ou des salariés en mission professionnelle qui ont besoin d'un logement meublé pour une durée de quelques mois.

Nous avons aussi prévu de développer l'offre de logements intermédiaires. En zone tendue, les programmes locaux de l'habitat (PLH) devront fixer un objectif de production de logements de ce type. D'autres mesures visent à favoriser la mixité intergénérationnelle ou la colocation dans le parc social pour les personnes handicapées, et à améliorer les procédures en coordonnant mieux, par exemple, celles relatives à l'expulsion et au surendettement. Comme nous avons tous pu le constater sur le terrain, il n'est pas très logique que des procédures d'expulsion et des procédures de surendettement vivent leur vie en parallèle sans jamais se rejoindre.

La préoccupation exprimée dans l'intitulé du titre IV : « Améliorer le cadre de vie », est au coeur du projet de territoire. Les mesures de ce projet de loi visent à accélérer la rénovation des centres des villes moyennes, à travers un contrat intégrateur unique : l'opération de revitalisation des territoires (ORT). C'est un des objectifs du plan « Action coeur de ville », lancé il y a quelques semaines après plusieurs mois de réflexion et qui concerne 222 villes dont la liste est maintenant connue.

Pour améliorer le cadre de vie, il faut aussi renforcer la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil. Je sais que nombre d'entre vous veulent accentuer cette lutte et nous en avons débattu lors de l'examen d'une proposition de loi du groupe communiste sur le sujet. Nous proposons d'instaurer une présomption de revenus qui permettra des poursuites fiscales. Nous proposons aussi d'élargir et de systématiser les astreintes administratives. Nous voulons vraiment lutter contre ce fléau.

Des mesures portent sur la modernisation et la simplification du droit des copropriétés. Il s'agit de les rendre plus réactives tout en apportant des solutions à celles qui sont dégradées. Dans certains territoires, nombre de copropriétés présentent des signes de dégradation très forts, à l'origine de problèmes sociaux considérables. C'est là une préoccupation que vous êtes nombreux à signaler, et à juste titre. Nous voulons agir de la manière la plus efficace possible car, si l'État et les collectivités ne bougent pas, nous serons confrontés à des situations sociales catastrophiques. Je ne vais pas citer des exemples que nous connaissons tous, et qui démontrent qu'il y a urgence à agir dans ce domaine.

Le projet de loi propose de clarifier les règles concernant les locations touristiques et de sanctionner plus fermement les abus. Il faut éviter que des logements, qui pourraient être occupés de manière durable, ne disparaissent du marché comme c'est le cas dans les zones tendues et particulièrement à Paris.

Enfin, ce dernier titre prévoit des mesures de rénovation énergétique dans le secteur tertiaire afin de conjuguer l'ambition environnementale et la faisabilité technique et économique.

Mesdames et messieurs les députés, voilà un tableau synthétique des quatre actions fondamentales visées dans ce projet de loi. Ce texte s'inscrit dans l'objectif de cohésion des territoires, en complémentarité avec des actions menées à travers d'autres dispositions législatives. Il est au coeur de la mission qui nous a été confiée, à Julien Denormandie et moi-même, par le Président de la République.

Nous sommes partis du constat que de nouvelles disparités se dessinent : le fossé grandit entre les territoires qui concentrent nombre d'atouts liés au dynamisme économique et démographique et les autres. Mais même dans les territoires qui présentent ces caractéristiques de dynamisme économique et géographique, on trouve des quartiers en grande difficulté. Dans les territoires marqués par le retrait économique et la vacance de logements et de commerces, se développe un sentiment d'abandon ou d'assignation à résidence.

Les différentes mesures que je viens de vous présenter montrent notre volonté de simplifier et de donner davantage de souplesse afin d'apporter des réponses concrètes aux besoins de nos concitoyens en matière de logement. C'était notre état d'esprit lorsque nous avons mené cet important travail de concertation. Si nous pouvons avoir des désaccords sur les mesures à adopter, je sais que nous sommes sous déterminés à améliorer l'accès au logement et à lutter contre ces fractures, car nous partageons un attachement fort aux valeurs et aux principes républicains.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, voilà ce que je voulais vous dire pour vous présenter ce texte de la manière la plus synthétique possible. Des sensibilités diverses s'exprimeront naturellement au cours de la discussion de ces mesures : c'est cela le débat démocratique auquel, le secrétaire d'État et moi-même, nous sommes très attachés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.