Intervention de Thibault Bazin

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

Ayant été pendant dix ans développeur de projets immobiliers pour un promoteur national, en province, je connais bien la problématique de la construction. Par souci déontologique, je précise devant mes collègues avoir démissionné et quitté toutes mes fonctions.

Cela étant précisé, Messieurs les ministres, votre premier budget a profondément mis à mal la dynamique du logement en France. En effet, la loi de finances pour 2018 a quasiment supprimé l'APL accession, restreint le dispositif Pinel aux zones tendues, programmé la fin du PTZ d'ici 2020 dans les zones détendues et fragilisé la capacité d'autofinancement des offices HLM, principaux donneurs d'ordres dans les territoires déjà délaissés des investisseurs privés.

Pour désamorcer la gronde légitime face à la brutalité de ces mesures, vous nous avez conviés à la conférence de consensus sur le logement, une bonne initiative. Les attentes étaient fortes, et à la lecture de ce projet de loi, la déception est grande. On ne sent aucun élan pour un aménagement équilibré de notre territoire. Certes, il y a des mesures pour les territoires bien portants. Mais rien, ou si peu, pour 95 % du territoire français.

Il y a beaucoup d'oubliés dans votre projet de loi. Certes, on trouve des dispositifs intéressants pour faciliter des opérations publiques dans quelques territoires, mais aucun moyen financier ou fiscal afin de soutenir les investissements privés tant attendus.

Votre projet de loi n'est pas à la hauteur des enjeux, ni dans son périmètre géographique, ni dans son périmètre financier. Certes, il y a des annonces de simplification, d'allégement de normes, mais certaines posent question : ainsi la limitation de l'obligation de logements accessibles à 10 % seulement des immeubles collectifs, ou comme le concept d'immeuble de moyenne hauteur, faisant craindre une diminution de la sécurité incendie pour ceux qui y habiteront. Il faudra nous rassurer sur les ordonnances, messieurs les ministres.

Certes, il y a la volonté d'une réforme du logement social ; mais elle peut détourner encore davantage les opérateurs de leur mission première de loger ceux en difficulté. Pire, elle risque d'éloigner les acteurs du territoire, avec des seuils déconnectés des réalités locales.

Certes, il y a la volonté d'accompagner la mobilité. Mais ce projet de loi ne porte aucune ambition pour les millions de Français qui habitent déjà un logement et qui souhaiteraient le rénover, le rendre accessible ou l'adapter au vieillissement.

Messieurs les ministres, les premiers effets de vos mesures fiscales se font déjà sentir. Nous nous dirigeons vers un véritable trou d'air de la production de logements à l'horizon 2020. Les indicateurs sont au rouge pour 2018 : baisse des mises en chantier de logements, baisse des transactions dans le parc existant, baisse des crédits immobiliers. Vous voulez construire plus, mais les mesures que vous proposez nous emmènent sur le chemin inverse.

Vous faites le pari de tout miser sur les zones tendues où le foncier est cher et peu mobilisable. Et si votre stratégie n'était pas la bonne ? Et si les fonds publics pouvaient être mieux utilisés ?

Aux propriétaires des métropoles, vous proposez l'encadrement des loyers dont on connaît déjà les effets néfastes et contre-productifs, réduisant le fameux choc d'offre que vous souhaitez.

Aux maires, vous souhaitez enlever la signature des permis de construire sur les grandes opérations d'aménagement et la compétence en matière de lutte contre l'habitat insalubre.

Et si l'évolution annoncée n'était que recul ?

Des propriétaires méprisés, des maires mis hors-jeu, des territoires oubliés. Quel avenir proposez-vous aux villes moyennes non retenues dans le plan coeur de ville ? Quel avenir proposez-vous aux habitants des territoires de la France périphérique ?

Ces millions de Français ont aussi le droit d'accéder à la propriété. Ces millions de Français ont aussi droit de rénover leur logement, de sortir de la précarité énergétique, et donc de la précarité sociale. Quels moyens budgétaires et fiscaux prévoyez-vous pour joindre la parole aux actes ?

Messieurs les ministres, vous avez perdu la bataille budgétaire de 2017. Mais est-ce que l'aménagement du territoire va être indéfiniment le parent pauvre des politiques publiques de votre gouvernement ?

Il faudrait revenir aux attentes des Français. Ils regrettent la concentration de logements, la surdensité au détriment de la qualité de vie. Que veulent les Français ? Devenir propriétaires de leur logement, si possible spacieux, avec des espaces extérieurs pour une vie de qualité en famille ; rénover leur logement pour qu'il soit moins énergivore, pour l'adapter au vieillissement.

Alors qu'allez-vous mettre en oeuvre, messieurs les ministres, pour le permettre à chaque Français sur l'ensemble du territoire ? Quels sont les engagements de l'État pour les territoires moins bien portants ? Quels moyens allez-vous déployer ? Nous attendons des actes.

Les députés du groupe Les Républicains espèrent que l'examen de ce texte, tant en commission qu'en séance publique, le fera évoluer favorablement.

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