Intervention de Sébastien Jumel

Séance en hémicycle du vendredi 25 mai 2018 à 9h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Les mêmes causes produisent les mêmes effets, et comme l'essentiel de cet article est renvoyé à la procédure des ordonnances, nous n'avons que peu de choses à nous mettre sous la fourchette. C'est bien dommage, car on est là au coeur de l'enjeu : en finir avec les pratiques commerciales de la grande distribution qui, nous l'avons dit à plusieurs reprises, fait la pluie et le beau temps, qui impose ses règles du jeu aux producteurs et à une grande partie des entreprises de transformation, qui sont de petites structures.

Quelles sont ces règles du jeu ? L'emploi de tout moyen pour tirer de la commercialisation des produits, qui viennent de la terre, le maximum de profits. Ce qui veut dire vendre, vendre et vendre, quel que soit le coût social pour l'agriculture et les PME artisanales, mal rémunérées et qui n'ont pas les moyens d'imposer un rapport de force. Voilà le sujet qui est au coeur de notre discussion depuis le début des débats.

L'acheteur dit ceci au producteur ou à la PME : « Si tu veux vendre et atteindre le consommateur, tu dois obéir à nos règles. Si je vends à perte, tu diminues tes prix, même jusqu'à un niveau abusivement bas. Et si tu n'es pas content, tu dégages ! ». C'est ça la réalité commerciale actuelle dans la chaîne de l'alimentation, une réalité à peine augmentée, à peine exagérée de ma part. La structure de marché est en forme d'entonnoir : 470 000 producteurs et 18 000 entreprises de transformation pour 4 centrales d'achat de la distribution au bout de la chaîne.

C'est un peu comme dans le métro aux heures d'affluence : l'ouverture des portes de la rame mesure deux mètres, la file d'attente des passagers cinq mètres de long sur quatre mètres de large et les places à l'intérieur sont rares. Dès que la rame ouvre ses portes, tout le monde se précipite, mais en fin de compte il n'y a pas de place pour tout le monde.

Bien sûr, dans les deux cas – le métro d'un côté, les négociations commerciales entre grande distribution, producteurs et intermédiaires de l'autre – , les conséquences ne sont pas les mêmes. Dans le premier cas, on peut prendre le métro suivant ; dans l'autre, on n'échappe pas aux grandes surfaces dès lors qu'elles représentent plus des deux tiers des débouchés pour les produits alimentaires.

Dès lors, que faire ? Relever de 10 % le seuil de revente à perte des denrées alimentaires vendues en l'état au consommateur – comme vous semblez le proposer, monsieur le ministre – n'épuise pas le débat. Nous aurions aimé aborder, par exemple, la pratique des prix abusivement bas et son interdiction.

Chacun a bien compris, compte tenu de la réaction médiatique de M. Leclerc au projet de relèvement du seuil de revente à perte – allant jusqu'à l'envoi de notes très argumentées à chacun d'entre nous – , qu'on touchait là à ce qui pourrait contrarier le plus la liberté des grands ensembles dominateurs de jouir sans entraves de leur position dominante.

Mais voilà, monsieur le ministre : là encore, sur un point important du projet de loi, vous avez décidé de recourir aux ordonnances, c'est-à-dire de soustraire ce contenu au débat démocratique et à notre capacité d'enrichir le texte. C'est une entrave, ainsi qu'une occasion manquée, à rebours de l'état d'esprit des États généraux de l'alimentation.

J'espère au moins que vous nous proposerez – un peu comme vous l'avez fait pour l'article précédent – une méthode de travail en commission permettant d'approfondir les dispositions du texte et de faire en sorte in fine – même si cela n'est pas complètement satisfaisant – que le Parlement ne se sente pas dessaisi de ses prérogatives sur ce sujet.

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