Intervention de Julien Denormandie

Réunion du vendredi 18 mai 2018 à 9h30
Commission des affaires économiques

Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires :

La matinée commence bien…

Monsieur Pupponi, je demande le retrait de vos amendements ; je pense que c'est cohérent avec mes autres positions, notamment sur le rôle des commissions d'attribution des logements (CAL) au niveau de l'EPCI. Je pense que peu se seraient engagés, comme je l'ai fait, à vous donner de manière transparente les évaluations dont je dispose sur les CAL, et à s'en remettre à la sagesse du Parlement au regard de cette évaluation. Je pense qu'il y a une cohérence dans mes propos, et tous les débats au sein de cette commission montrent que l'on peut être constructif sur le sujet.

Cela nous amène à vos propos, monsieur Peu : vous avez mille fois raison de pointer toute mesure qui pourrait aggraver la ghettoïsation. Ce n'est absolument pas l'objectif de ce texte, bien au contraire. Il faut faire en sorte que ce texte n'aggrave pas la ghettoïsation, je crois profondément que c'est le sens des travaux que nous conduisons depuis hier après-midi sur ce point, et il y a encore à faire.

Monsieur Bazin, je ne suis pas d'accord avec vous sur la question des moyens. Vous parlez de la fiscalité en fonction de la typologie des logements sociaux, souvenez-vous de ce que nous disions hier, à propos de la Société Foncière Solidaire et des décotes : le pourcentage de décote est directement corrélé aux typologies de logements sociaux. De la même manière, la libération du foncier se fait avec un pourcentage plus ou moins fort en fonction du type de logement.

Surtout, et cela fait écho à votre entrée en mêlée ce matin, monsieur Reda, c'est lié à ce que nous sommes en train de faire pour la politique de la ville. La politique de la ville est une question de moyens, mais c'est tout sauf uniquement cela. Une des plus grandes difficultés que nous ayons eue ces dernières années tient au fait que l'on a beaucoup trop associé tout cela à une politique de moyens. M. Pupponi le sait très bien, la question de l'ANRU et le retour des grues dans les quartiers ne sont pas une affaire d'argent. Il y a beaucoup d'argent, la question est de savoir comment le débourser beaucoup plus rapidement. Résumer la politique de la ville au montant des chèques que nous mettrions en amont des QPV serait une grave erreur d'analyse, et ce n'est pas ce que demandent nos concitoyens qui habitent dans ces quartiers. Beaucoup de corps intermédiaires réclament plus d'argent dans les quartiers, mais beaucoup d'habitants expliquent que ce n'est pas une question de moyens : ce qu'ils demandent concrètement, c'est de savoir quels seront les services à leur disposition, et quand reviendront les grues.

Monsieur Reda, votre entrée en mêlée sur le thème : « quand le Président de la République va-t-il s'occuper des banlieues ? » me semble déplacée et totalement contraire à la réalité. Je connais le Président de la République depuis longtemps, j'étais avec lui au ministère de l'économie, et je pense que peu de ministres de l'économie se sont autant impliqués que lui sur la politique de la ville, dans un champ ministériel qui n'était d'ailleurs pas du tout le sien.

Peu de présidents de la République se sont impliqués sur le sujet de la politique de la ville à d'autres moments qu'au lendemain d'une émeute ou d'une difficulté dans les quartiers. Et je ne suis pas sûr que les présidents de la République issus du camp que vous représentez aient fait ce travail à l'époque.

Vous fondez vos propos sur le rapport de Jean-Louis Borloo. M. Mézard et moi-même le connaissons bien : M. Borloo est resté dans nos bureaux pendant six mois. Cette mission, c'est nous qui la lui avons demandée. Vous mentionnez les marchands de sommeil, comparez les mesures proposées dans le plan Borloo et celles prévues dans le projet de loi, vous verrez qu'il y a une très forte ressemblance. Nous avons travaillé nuit et jour avec Jean-Louis Borloo, et je salue son travail, nous avons aussi travaillé avec d'autres, nous avions dix groupes de travail sur nombre de sujets différents : nous étions par exemple hier auprès du Conseil national de la ville, qui nous a remis des cahiers de la concertation, issus du travail de dizaines de personnes pendant six mois.

La question n'est pas « plan Borloo » ou « pas plan Borloo ». Un travail collégial a été entrepris depuis huit mois, avec une dynamique de tous les acteurs, avec des difficultés que M. Peu évoquait tout à l'heure, telles que les décisions que nous avons prises sur les emplois aidés, certaines qui apparaissent maintenant, d'autres qui existent depuis longtemps sur le terrain, comme le disait M. Nogal. Mais en aucun cas la politique de la ville de ce Gouvernement ne se résume à un rapport.

La politique du Président de la République est totale et se résume en un point : comment faire pour remettre la République au coeur des quartiers ? Comment faire pour que demain, tous aient accès aux mêmes services, où qu'ils habitent ? La République est exigeante, mais elle doit être la même pour tous les Français. Ni plus ni moins. Ce discours du Président de la République ne date pas d'aujourd'hui, il n'a pas attendu un rapport, et cette politique n'est pas dépendante d'une information de France Info annonçant que le Président aurait décidé de ne pas parler des banlieues, et que vous relayez aussitôt.

Nous avons énormément travaillé avec Jacques Mézard sur la partie du texte consacrée au logement, énormément échangé avec les différents acteurs de la politique de la ville, énormément animé. Il y a eu des moments compliqués, je vous l'accorde, et des positions parfois totalement antinomiques ; mais nous avons recréé une dynamique en replaçant les acteurs autour de la table, nous parlons des quartiers, des solutions ont déjà été mises en place – M. Nogal les a évoquées – et d'autres vont venir dans d'autres secteurs, alors même qu'aucun événement tragique n'est survenu dans les quartiers. Notre objectif est de faire renaître l'espérance dans les quartiers, et d'éviter des phénomènes tels que ceux nous avons pu connaître par le passé.

Depuis maintenant vingt-quatre heures, nos débats sont passionnants, mais chaque fois que l'on parle des quartiers, on parle de ghettoïsation, d'abandon et d'éléments tragiques. Vous êtes beaucoup à le savoir, il se passe aussi de très belles choses dans les quartiers, M. Peu ne me contredira pas : ainsi, la Seine-Saint-Denis est l'un des départements qui compte le plus d'entrepreneurs en France, et notre rôle est de faire émerger ces talents et de mettre en avant tous les héros qui s'y trouvent.

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