Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 16h15
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je vous remercie d'être restés jusqu'au bout et de vous montrer, tout comme moi, tenaces sur ces questions importantes !

Vous avez raison, madame Pittolat : on ne peut pas dire que le dialogue social ait permis de résoudre le problème de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, que ce soit au niveau des branches ou des entreprises. Durant la concertation, les partenaires sociaux, tant patronaux que syndicaux, ont reconnu que, historiquement, cette question n'avait pas toujours figuré parmi les priorités, pour le dire ainsi… Mais la société change, et cette inégalité n'est plus tolérée – je rappelle qu'il y a vingt ans, on parlait encore de salaire d'appoint à propos du travail des femmes. De tels propos paraîtraient ubuesques aujourd'hui. Il faut donc que nous continuions d'accompagner ce mouvement car, si le droit existe – et nous allons le renforcer –, il est important que cette situation demeure socialement intolérable pour que l'on progresse dans ce domaine car, une fois encore, nous sommes dans le cas d'une loi massivement inappliquée.

Les partenaires sociaux ont eux-mêmes proposé de renforcer leurs propres obligations, ce qui est plutôt un signe positif. Ainsi, le rapport des branches sera désormais annuel et publié par la Direction générale du travail, de sorte que nous pourrons agir auprès de celles dans lesquelles aucun progrès n'est constaté. Ensuite, dans les entreprises, l'accent sera également mis sur cette question dans le cadre du dialogue social. Enfin, on nous recommande d'insister pour qu'un effort soit fait dans les branches où la majeure partie des métiers sont exercés par des femmes : comme par hasard, c'est justement là que les classifications sont les moins précises… Or, sans système de classification, on ne peut pas mesurer l'égalité réelle. Je perçois donc un engagement assez fort dans ce domaine, mais il importe que la loi évolue et que, tous ensemble, nous continuions d'accompagner le mouvement, car le combat est tout autant culturel que législatif. La loi ne suffit pas, mais cela devrait aider.

En ce qui concerne l'orientation, mon collègue Jean-Michel Blanquer souhaite que les CIO soient désormais implantés dans les établissements scolaires pour être accessibles aux jeunes et à leurs familles, qui se plaignent souvent de ne pas savoir où ils se trouvent. Cette mesure va dans le bon sens.

Pour ce qui est des prépas apprentissages, il faut distinguer, d'une part, les préparations métiers au sein des collèges, qui ont été supprimées ou réduites il y a quelques années et sur lesquelles il faudra mener une réflexion et, d'autre part, les prépas qui s'adressent aux élèves âgés de plus de seize ans et qui sont intégrées aux CFA. Nous avons prévu de consacrer pas mal d'argent à ces dernières dans le cadre du Plan d'investissement pour les compétences. Dans la mesure où il sera possible d'entrer en apprentissage tout au long de l'année, pourquoi ne pas permettre à ceux qui cherchent leur voie de découvrir différents métiers pendant une période de deux ou trois mois ? Cette préparation, qui fera l'objet d'un financement des CFA, précédera le contrat d'apprentissage proprement dit ou sera intégrée dans un contrat d'apprentissage plus long. Mais il faut prendre en compte la nécessité, que vous avez tous souligner, d'accompagner certains jeunes vers l'apprentissage en allant les chercher là où ils sont.

Cela me conduit à évoquer les écoles de productions. Je me félicite que, les uns et les autres, vous saluiez leur action, car j'y vois une innovation de qualité. Ces écoles, cela a été dit, sont au nombre d'une vingtaine, et certaines entreprises sont prêtes à accompagner leur développement. Mais, comme toute innovation, elles sont tellement hors cadre que le problème est de trouver le moyen de sécuriser leur développement sans les mettre en difficulté… Nous en avons beaucoup discuté avec elles. Ces écoles font appel à une pédagogie, « faire pour apprendre », innovante et très efficace, mais elles accueillent à la fois des jeunes âgés de 14 à 16 ans et d'autres âgés de 16 à 18 ans. Or les premiers sont soumis à l'obligation scolaire. On pourrait considérer ces écoles comme des CFA d'une nature particulière : leur pérennité serait garantie et elles seraient certifiées, de sorte que leur financement serait assuré par le « coût contrat ». Toutefois, ce modèle simple suppose d'abaisser l'âge de l'apprentissage, ce qui n'est pas prévu dans le projet de loi. Peut-être êtes-vous prêt à avoir ce débat ; pour ma part, je pense que ce serait un mauvais signal. L'autre option consisterait à faire de ces écoles des établissements sous contrat, mais elles seraient alors soumises aux contraintes inhérentes à ce statut, avec des enseignants issus de l'éducation nationale et des méthodes plus classiques. Ce n'est donc pas non plus satisfaisant.

En tout état de cause, le financement de ces écoles de production est assuré car nous conservons, dans le cadre de la taxe d'apprentissage, un système hors quota auquel elles seront toujours éligibles. Pour le reste, nous continuons de travailler avec elles. Nous examinerons les amendements que vous déposerez. Il faut trouver un moyen de les sécuriser sans leur faire courir de risques ni les faire changer de nature. Jusqu'à présent, on a toujours trouvé des solutions, en accord avec le ministère de l'éducation nationale. Mais il y a quelques principes – l'obligation scolaire, le contrat de travail – auxquels on ne peut déroger. Soit on maintient le système actuel, soit vous nous proposez un dispositif plus élaboré, et je vous suivrai volontiers. Pour l'instant, nous n'avons pas encore trouvé la solution.

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