Intervention de Général Charles Beaudouin

Réunion du mercredi 16 mai 2018 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Charles Beaudouin, sous-chef d'état-major chargé des plans et des programmes de l'état-major de l'armée de terre :

Effectivement, l'important chantier de réexamen de l'instruction ministérielle 1516 est en cours. Le dossier est avant tout entre les mains de l'EMA et de la DGA, mais les armées y sont également activement associées. Je souligne que l'instruction actuelle est dans l'ensemble bien faite, même si elle a pu engendrer une comitologie parfois un peu lourde et ralentissant les processus d'acquisition. Par ailleurs, dans ce processus de réforme, outre les armées et la DGA, il faut veiller à associer les industriels afin qu'ils puissent être au rendez-vous de la qualité de production. De ce point de vue, je souhaite, je le répète, une politique de démonstrateurs permettant une levée accélérée des risques. Une meilleure fluidité passe aussi peut-être par davantage d'achats sur étagère. Idéalement, il serait à cet égard nécessaire que la DGA puisse qualifier « sur papier » des matériels qui l'ont déjà été par d'autres armées alliées. Ainsi, l'achat d'un fusil M16 suppose actuellement de le requalifier dans le cadre de nos procédures nationales… Ne pourrait-on pas envisager des normes reconnues en commun au niveau européen, ce qui d'ailleurs pourrait profiter à certains pays qui n'ont pas la chance de pouvoir s'appuyer sur un outil comme la DGA ? S'agissant des tests d'équipement nous faisons d'ores et déjà d'énormes efforts pour intégrer les évaluations réalisées par les industriels, les armées et la DGA, sachant que les métiers des uns et des autres sont différents, j'y reviendrai. Cette réforme de l'instruction ministérielle est donc un sujet majeur, très technique et portant sur des programmes tous coûteux. Il faut donc prendre le temps de la réflexion car l'échec n'est pas une option en la matière. Il faudra aussi suivre avec une grande attention cette feuille de route entre l'EMAT et la DGA, très novatrice, qui est l'occasion pour une DGA ayant parfois fait l'objet de critiques de montrer toutes sa capacité à faire face. Nous engageons un processus nouveau pour des systèmes assez complexes, comme le VBAE ou le futur engin principal du génie, pour lesquels le besoin n'est pas encore complètement défini, ce qui sera l'occasion d'évaluer les propositions des industriels et de converger progressivement ensemble vers un besoin réalisable dans des délais raisonnables.

S'agissant de la mutualisation des moyens, la collision de deux Rafale en 2010 avait conduit à la création d'un service interarmées d'essai et d'expérimentation d'aéronautique de défense, afin de s'assurer que les procédures des uns et des autres (armées et DGA) étaient cohérentes. Ce service concerne également l'armée de terre pour les hélicoptères et permet d'affiner les normes aéronautiques et processus applicables. La question a donc été posée d'une unification des essais DGA et des évaluations militaires. Ma réponse est que ce n'est pas justifié car, d'une part, nous échangeons d'ores et déjà beaucoup au bon niveau et, d'autre part, les métiers DGA et armée sont différents. Si les évaluations réalisées par les industriels et la DGA peuvent sans aucun doute faire l'objet d'un véritable rapprochement, car il s'agit au fond des mêmes tâches réalisées par des ingénieurs et des essayeurs. Il n'en est pas de même pour celles réalisées par la STAT, qui portent le besoin militaire et qui évaluent tactiquement le matériel. Ces évaluations sont effectuées essentiellement par des officiers et des sous-officiers expérimentés. En tout état de cause, il n'est plus possible aujourd'hui de lancer un programme sans que nos évaluateurs de la STAT soient intégrés dans le processus très en amont.

Les Russes ont effectivement engagé des robots de combat face à Daech en Syrie, ce qui a surpris tout le monde, et en premier lieu les Américains. Ces derniers avancent depuis à marche forcée pour intégrer des robots dans leurs forces dès 2021. Nous souhaitons également pouvoir en disposer rapidement, sans aller jusqu'aux robots terrestres armés. De multiples tâches peuvent leur être affectées, allant de la surveillance au transport, les robots « mules » étant d'ailleurs une priorité. Pour revenir sur une question précédente, il faut bien noter qu'un fantassin occidental porte en fait au moins quarante kilos sur lui en opérations, protection balistique comprise, et ce malgré les progrès des technologies. Tout ce qui permettra de l'alléger sera bénéfique. C'est un véritable défi face auquel nous ne resterons pas passifs. Je suis d'ailleurs très heureux de constater que des industriels se lancent dans ce processus.

En ce qui concerne le FAMAS, nous conserverons un stock de précaution de 40 000 armes pour faire face aux menaces potentielles et pour équiper les réserves le cas échéant ; quant au reste, pour les armes en suffisamment bon état nous envisageons en effet de les céder à l'exportation, ne serait-ce que pour en tirer une recette toujours utile.

Pour ce qui est de la logistique par camions au Mali, nous avons recours à des services d'entreprises privées de transport, tout comme nous l'avions déjà fait en Afghanistan, mais uniquement bien entendu pour des tâches qui ne relèvent pas du domaine strictement militaire ou n'interviennent pas en zone dangereuse. Cela permet de décharger nos équipages du train et de les concentrer sur les missions opérationnelles. Il n'est pas question de sous-traiter le risque à des tiers.

Pour répondre à la question sur nos priorités en matière d'EPM, la dotation supplémentaire qui nous a été accordée est principalement destinée à la résorption rapide du parc de véhicules indisponibles de l'armée de terre en attente de régénération chez les industriels concernés ou nos propres ateliers, ce qui permettra de rééquilibrer l'armée de terre. Cela nous permettra aussi de financer le contrat global de soutien du Tigre. Le reste est destiné à acheter davantage d'heures disponibles pour employer du Leclerc ou du VBCI par exemple. L'ensemble des crédits qui nous a été consenti correspond donc bien à des besoins précis et identifiés.

Et pour répondre à la dernière question : oui, nous voulons l'armement de nos drones ! Soyons clairs, sur ce sujet il y a eu pendant un certain temps un véritable blocage, l'armement des drones ayant été ouvertement considéré comme une ligne rouge et j'ai été personnellement agréablement surpris par la rapidité de décision de notre ministre actuelle, répondant positivement aux attentes fortes des états-majors. Pour les militaires l'armement des drones était depuis longtemps considéré comme une nécessité. Nous préférons envoyer un drone armé plutôt que de voir abattu un avion et d'en subir les conséquences possibles pour l'équipage. Il est très clair que ce n'est pas le drone qui tire, mais l'opérateur basé au sol, en s'appuyant d'ailleurs sur une vision de la situation assurée par des capteurs souvent de bien meilleure qualité que les pods emportés par les avions de chasse. Nous avons donc clairement affirmé le besoin d'armer le Patroller, et cela sera traité dans le cadre de la livraison du deuxième lot, qui verra aussi l'arrivée d'une charge de guerre électronique. Il ne s'agit pas d'en faire un appareil de combat, mais bien de profiter de la rapidité d'intervention qu'offre un drone armé pour traiter sur une cible d'opportunité, sans avoir à attendre l'arrivée d'un avion de chasse et au risque de perdre une occasion. Pour l'instant la question de l'armement de drones de plus petite taille n'a pas été tranchée. Une réflexion supplémentaire mérite d'être conduite sur ce point.

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