Intervention de Julie Chapon

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 10h50
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Julie Chapon, co-fondatrice de Yuka :

La question de notre indépendance est au coeur du projet de Yuka depuis le départ. Nous avons construit ce projet autour de son sens, et non pour l'argent. Si jamais il n'était plus tenable financièrement, nous préfèrerions arrêter le projet plutôt que d'accepter des sources de rémunération qui le dénatureraient.

En réalité, nous n'avons pas d'inquiétude pour notre modèle économique, étant donné le nombre d'utilisateurs et la monétisation prochaine de l'application. Pour les applications mobiles, les taux de conversion se situent généralement entre 2 % et 10 %. Un rapide calcul – 2 % de 3,5 millions d'utilisateurs – montre que la monétisation de l'application nous permettra de vivre sans difficulté pendant les deux ans à venir. Le modèle économique vers lequel nous allons peut donc fonctionner, et il est pérenne. On pourra le dupliquer facilement à l'étranger. Nous n'avons donc pas de souci à nous faire de ce point de vue.

L'indépendance est capitale pour notre projet et, d'ailleurs, très peu de marques ont essayé de nous soudoyer. Nous avons largement mis en avant le fait que nous sommes indépendants ; elles ne s'y risquent donc pas. Elles craignent que nous relayions auprès de la presse leur tentative d'approche ou de corruption. Nous nous jetterions évidemment sur l'occasion. Parmi les fondements de notre projet, il y a évidemment de ne travailler avec aucun industriel ni aucune marque. Nous avons construit notre business model en conséquence.

En ce qui concerne nos recommandations, elles sont faites à partir d'un algorithme totalement automatique, en dehors de toute incidence manuelle. C'est finalement très simple. Nous prenons en compte la catégorie du produit – par exemple, biscuit au chocolat – et sa note – qui doit évidemment être bonne ou excellente. Le produit recommandé doit par ailleurs avoir quinze points d'écart avec le produit scanné. Enfin, la disponibilité du produit, c'est-à-dire la facilité à le trouver, est prise en compte. Nous ne recommandons pas les toutes petites marques que l'on ne trouve qu'en épicerie, quand bien même elles sont très bonnes, car les utilisateurs auraient du mal à les trouver. Nous essayons de ne recommander que des marques que l'on peut trouver relativement facilement. L'algorithme tourne à partir de ces différents critères et produit entre une et dix alternatives.

Quant à notre système de notation, il est construit de la manière suivante : 60 % de la notation repose sur la qualité nutritionnelle du produit, calculée via le Nutri-Score ; les 40 % restants sont déterminés par deux éléments que nous avons ajoutés : l'analyse de la présence d'additifs dans le produit et la dimension biologique.

Lorsque nous avons réalisé notre étude de marché, au début du projet, nous avons demandé aux consommateurs ce à quoi ils souhaitaient plus particulièrement faire attention dans leur alimentation. C'est le sujet des additifs qui est principalement remonté, avant même la qualité nutritionnelle. Les consommateurs se plaignaient de la difficulté à déchiffrer les étiquettes des produits alimentaires et à faire le tri entre les bons et les mauvais additifs. Ils avaient beaucoup de mal à s'y retrouver et exprimaient le besoin fort d'un outil pour décrypter la présence d'additifs dans les produits.

Nous avons pensé qu'il fallait vraiment investir ce sujet et nous avons intégré une partie « additifs » dans notre système de notation. Elle est probablement ce qui a le plus aidé à nous faire connaître. Elle apporte un réel complément par rapport à l'analyse nutritionnelle qui, bien que compliquée, reste plus simple à comprendre. Aujourd'hui, certains utilisateurs nous demandent même de retirer la partie nutritionnelle pour nous concentrer sur les additifs. Pour eux, l'important n'est pas de consommer trop sucré ou trop gras, mais de détecter les additifs dans les aliments qu'ils consomment.

Cela ne fait, bien sûr, pas partie de nos projets que d'abandonner la partie nutritionnelle, car nous entendons proposer une analyse globale des produits, reposant sur l'ensemble des éléments qui impactent la santé. Toutefois, force est de constater que cette partie analyse des additifs apporte un réel complément par rapport au Nutri-Score, qui n'est pas assez complet selon nous, car il ne prend pas en compte la dimension de transformation des produits. Or, quand il y a beaucoup d'additifs dans un produit, on sait qu'il s'agit d'un aliment ultratransformé. Dans Yuka, la partie analyse des additifs permet donc d'identifier les produits ultratransformés, sur lesquels nous avons la même position que le professeur Hercberg.

Quant au fait que Système U sort sa propre méthode de notation, il me semble qu'en essayant aujourd'hui de surfer sur le succès de ce type de démarche, cet industriel s'y prend un peu tard pour tenter de mieux informer ses consommateurs. Personnellement, je n'y crois absolument pas. Quand je vois à quel point, tous les jours, nous nous faisons « challenger » sur notre indépendance et combien il est difficile de démontrer que nous sommes indépendants alors que nous le sommes vraiment, je doute qu'un tel projet rencontre le succès. Il n'a strictement aucun sens entre les mains d'un industriel.

J'ajoute qu'un logo a été adopté et validé par l'État. Si Système U n'a rien à se reprocher, pourquoi n'adopte-t-il pas le Nutri-Score comme tout le monde ? Pourquoi a-t-il besoin de créer son propre système alternatif ?

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