Intervention de Hélène Rambourg

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 14h00
Groupe de travail sur le développement durable dans la gestion et le fonctionnement de l'assemblée nationale

Hélène Rambourg, responsable du département responsabilité sociétale des organisations (RSO) de Pôle Emploi :

Nous sommes ravies d'être avec vous pour vous apporter notre témoignage et peut-être notre contribution à votre propre programme, qui est très audacieux, ce dont je ne peux que vous féliciter, mais ce sont bien là des étapes qui ont fait écho au regard de ce que nous avons nous-mêmes vécu.

La responsabilité sociale et environnementale au sein de Pôle Emploi est une histoire qui remonte en fait à la création de Pôle Emploi par la fusion des deux anciennes maisons – Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC). À l'époque il n'y avait pas d'entité instituée, dédiée au développement durable, mais des réflexions étaient déjà menées, parce que le sujet commençait à pointer son nez dans les organisations aussi bien privées que publiques.

Lors de la création de Pôle Emploi, il a été décidé d'y créer une direction du développement durable – c'est ainsi que nous nous étions nommés à l'époque – rattachée à la direction de la maîtrise des risques. Beaucoup d'échanges avaient eu lieu avec le directeur général de l'époque pour nous rattacher soit à la direction de la communication, soit à la direction des ressources humaines. En effet, en fonction de la façon dont on aborde le sujet, on le rattache à une direction particulière.

Pour notre part, ce choix a été opéré par le biais de la maîtrise des risques, ce qui fait que, dans un premier temps, nous nous sommes beaucoup préoccupés de sujets environnementaux. Le bâtiment a constitué un de nos premiers gros chantiers, il s'agissait de prendre en considération les différentes réglementations thermiques et de nous assurer d'aller au-delà de ce qui était prescrit à l'époque afin d'être en avance sur la réglementation thermique à venir. Je considère que l'un des apports d'une direction du développement durable est d'être le poisson-pilote qui indique la direction où il faut aller parce que l'on anticipe l'avenir, en ayant notamment pour préoccupation la gestion de son propre impact environnemental.

Pour implémenter de façon pérenne une direction du développement durable, avec des objectifs de développement durable – j'utilise le terme développement durable qui est à mes yeux l'objectif, la responsabilité sociale et environnementale constituant la méthode – il faut écouter ce que les collaborateurs sont en mesure d'exprimer en termes de besoins, mais également en termes d'action que l'on va leur demander de conduire. Et il faut également écouter la société civile, savoir où elle se situe dans sa maturité par rapport à un sujet de développement durable, afin d'être sûr de développer des actions susceptibles de rencontrer un écho et de mobiliser les personnes.

Pour parler trivialement, avoir raison trop tôt est dramatique : c'est démotivant pour les collaborateurs, pour les personnes qui sont dans le sujet et peut être contreproductif pour ce qu'on fera ensuite.

C'est la raison pour laquelle nous nous sommes tout de suite appuyés sur des textes qui excédaient le champ de Pôle Emploi, nous avons tout de suite pris connaissance de ce qui existait autour de nous, parce qu'il n'y a pas Pôle Emploi et les autres, mais Pôle Emploi avec les autres. Nous avons donc pris pour socle le Grenelle de l'environnement sur la stratégie nationale de développement durable, nous avons passé une première convention avec le ministre de l'écologie de l'époque, M. Borloo.

Il est important de commencer à mener des actions pouvant entrer en résonance avec les collaborateurs de Pôle Emploi et qui ont une signification à leurs yeux. Dans un premier temps, la meilleure signification qui soit c'est l'environnement immédiat de travail, donc le poste de travail, le lieu où je demeure quand je travaille, le poste informatique, car nous nous sommes intéressés à la problématique de l'énergie que consomment nos systèmes d'information.

Il faut ainsi motiver les collaborateurs qui ont l'impression de participer à la question du développement durable et éviter que le sujet soit désincarné. À cette fin, il faut éviter qu'il demeure dans la sphère du conceptuel et jouer sur les deux registres, c'est-à-dire à être dans du concret, démontrer que ça marche : mon voisin le fait, donc si je le fais, ça va marcher ; mon voisin trie ses déchets, donc si je le fais, ça va finir par marcher.

Si je commence à dérouler une grande théorie sur le recyclage, l'économie circulaire, etc., je ne suis pas entendue ; j'ai même essayé avec mon directeur général sans plus de succès. Nous avons conclu un marché national de recyclage pour les cinq déchets, et là nous étions dans le concret. En même temps, il est intéressant de brosser petit à petit une politique qui fait sens, et qui dise que les petits gestes du quotidien contribuent à une cause, le développement durable en l'occurrence, qui nous dépasse tous et regarde l'intérêt général.

C'est là que, pour un organisme chargé d'une mission de service public comme le nôtre, la chose devient intéressante parce qu'elle se rapproche de notre coeur de métier. Il s'agit de travailler sur cette politique d'ensemble qui permette de rassembler les gestes du quotidien, mais également de leur donner un sens, une cohérence, dans une trajectoire pluriannuelle. Cela n'est pas forcément évident, nous nous sommes bagarrés, c'est bien le mot, pour justifier pourquoi il fallait que Pôle Emploi s'engage au-delà des petits gestes quotidiens et se préoccupe de l'impact environnemental : nous réalisons le bilan carbone annuel depuis 2010. Pourquoi fallait-il aller au-delà ? Parce que, pour Pôle emploi, entreprendre une démarche de responsabilité sociale ainsi qu'une démarche visant des objectifs de développement durable, cela revêt une vraie signification, surtout lorsque l'on a pour préoccupation de s'occuper des plus faibles dans la société.

À l'aube de la future convention stratégique pour les prochaines années, la question se pose encore : comment utiliser la RSO pour appuyer mon coeur de métier, qui est l'intermédiation, mais en faisant en sorte que la RSO conserve sa plus-value et son identité propre par rapport à l'offre de services telle que je peux la concevoir de façon plus classique ?

La force des entreprises privées – en cela je suis en complet accord avec Mme Valade, qui considère qu'il faut rapprocher les deux visions du public et du privé – est qu'elles ont vite compris que la RSE pouvait être un élément de leur stratégie, de leur différenciation compétitive. Nous n'avons pas cette logique, mais la force de la RSE pour pousser notre coeur de métier consiste à être le poil à gratter, d'aucuns pourraient dire lanceur d'alerte. Nous sommes en avance de phase, c'est-à-dire un peu précurseur, nous poussons le bouchon toujours un peu plus loin.

Nous menons actuellement un « POC » – acronyme de l'anglais Proof of Concept –, démonstrateur sur l'insertion professionnelle des personnes en situation d'autisme Asperger, nous testons quelque chose, nous poussons les lignes ; parfois je me fâche avec certains de mes collègues des directions régionales qui considèrent que je les oblige à sortir de leur rang. Mais c'est justement là que ça devient intéressant : sortir un peu du rang et voir ce que l'on peut faire autrement. Et là, sur un segment, qui est quasiment du sur-mesure pour les demandeurs d'emploi souffrant de ce handicap, chercher comment adapter notre action à leurs côtés pour leur permettre de s'insérer professionnellement.

Il est donc vraiment possible de s'inscrire dans la stratégie d'un organisme tel que le nôtre, c'est d'ailleurs pourquoi nous nous interrogeons sur l'opportunité d'intégrer des indicateurs RSE dans les indicateurs stratégiques de la future convention tripartite.

Il est très important de mêler le regard des organisations publiques et des organisations privées d'autant plus qu'avec le futur plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises, dit « projet de loi PACTE », les entreprises privées auront un intérêt particulier, qui permettra de nous rejoindre de façon encore plus pressante. C'est d'ailleurs ce que nous constatons pour la plateforme RSO. C'est peut-être ce qui manque au Club des établissements publics, qui va devoir se poser la question de son élargissement.

Pour vous dire d'où nous venons, petit à petit nous avons engrangé des sujets nouveaux comme la non-discrimination, la politique vis-à-vis des plus vulnérables, notamment des personnes en situation de handicap. Ce qui nous a d'ailleurs permis de pousser le bouchon encore un peu plus loin en matière d'accessibilité de nos sites pour les personnes à mobilité réduite, et d'obtenir des résultats dont nous n'avons pas à rougir, puisque 69 % de nos sites sont accessibles. Nous nous sommes assigné une cible quelque peu ambitieuse de 100 % à l'horizon de la fin de l'année, même si nous savons que quelques sites resteront à la marge.

En revanche, au fur et à mesure que l'on se diversifie dans les sujets à traiter, il faut s'assurer que les premiers thèmes traités ne se perdent pas en route. Le grand danger, pour une démarche comme la nôtre, est de ne pas nous assurer au préalable d'avoir passé le relais de la façon la plus complète possible aux directions « métiers ».

Il faut s'assurer que les acteurs sont convaincus du bien-fondé du sujet, qu'il a bien été intégré dans les métiers de cette direction, par exemple la direction des affaires immobilières. Les acteurs sont quasiment autonomes dans la réalisation des activités nouvelles ou en cours, et finalement, la responsabilité sociale et environnementale s'inscrit en termes de démarche par rapport au reporting, et au « relevé des compteurs » que l'on peut faire afin d'estimer la solidité de la démarche ainsi que son bon arrimage dans l'activité quotidienne de la direction « métiers ». Car il peut se produire que la remarque d'un directeur régional sur un sujet que l'on pensait bien intégré remette en cause des mois de travail, d'acculturation et de partenariat avec la direction concernée, et suffise pour que la direction des affaires budgétaires bloque le projet. Il ne faut donc jamais imaginer que les choses sont acquises, d'où la nécessité d'être pugnace.

Vous parliez de législature ; la législature actuelle mettra sous les projecteurs certains sujets, et la suivante d'autres sujets. Nous avons aussi vécu cela à travers les différentes réorganisations de la direction générale, en fonction des personnes et de leur sensibilité parce que c'est aussi une affaire d'hommes et de femmes.

Ainsi un directeur de l'innovation et de la RSO a déployé toute son énergie en faveur du numérique. Cela nous a permis de nous ouvrir sur d'autres façons de faire, une autre compréhension du monde, ce qui a été profitable puisqu'à l'époque on s'intéressait fortement à l'économie verte et que le lien entre économie verte et économie numérique est essentiel.

Certains sujets correspondent aux attentes de la société comme la non-discrimination, et même si ce principe est inscrit dans notre mission, en 2014, il a refait surface. Notre département RSO s'en est alors emparé afin de lui donner un autre souffle et une autre dynamique ; cela correspondait aux attentes des usagers et des conseillers de Pôle Emploi.

Dans le cadre de la stratégie de Pôle Emploi, nous avons introduit dans le préambule de la convention tripartite de 2015 des éléments concernant le développement durable et nous poursuivons dans cette direction.

Pour bâtir notre prochaine politique RSO, nous souhaitons intégrer le regard des parties prenantes, ce que nous avons fait pour l'interne, mais insuffisamment pour l'externe. À cet effet, nous souhaitons donc instituer un dialogue et créer des instances ad hoc afin de recueillir tous les avis et les intégrer dans nos priorités, en utilisant les outils adaptés comme les tests de matérialité.

Nous envisageons encore la mise en place d'un indicateur RSO parmi d'autres indicateurs stratégiques du coeur de métier de Pôle Emploi afin de mobiliser le plus grand nombre, particulièrement le top management. Nous souhaitons encore remettre un tableau de bord à l'ensemble de la ligne managériale afin qu'elle se sente concernée, et dispose d'indicateurs sur lesquels elle ait la main pour agir.

Par ailleurs, il nous est souvent reproché de ne pas suffisamment communiquer et de ne pas assez valoriser nos actions. Ce sujet est délicat à Pôle Emploi. Nous devons être très attentifs à la façon dont nous communiquons au sujet de notre politique RSO, car nous risquons de tomber très vite sous le feu de la critique prenant pour argument que là n'est pas notre coeur de métier.

Nous n'avons pas moins conduit de belles actions. Ainsi, depuis 2009 nous conduisons une politique d'intégration des sportifs de haut niveau en leur permettant de poursuivre un double cursus professionnel et sportif. Ils défendent les couleurs de la France dans les compétitions internationales, et certains d'entre eux nous ont fait le plaisir de décrocher des médailles d'or et d'argent, notamment à Londres. Nous avons communiqué sur ces événements, mais, en dépit d'échos favorables, nous devons rester prudents et ne pas perdre de vue que nous sommes avant tout Pôle Emploi. Il n'en demeure pas moins que nous avons l'ambition de développer ce travail de communication.

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