Intervention de Joaquim Pueyo

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 10h10
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo, rapporteur :

Pendant longtemps, l'Union européenne ne s'est pas préoccupée de Défense et la Défense n'était d'ailleurs pas dans ses compétences. En effet, lorsque la Communauté économique européenne a été créée, en 1957, son objet était, comme son nom l'indique, exclusivement économique. Il faut dire que la tentative de créer une Communauté européenne de Défense en 1954 ayant échoué, les Pères fondateurs ont jugé plus prudent de cantonner la construction européenne, dans le traité de Rome, à la création d'un marché commun.

Les décennies qui suivirent la création de la CEE ont, effectivement, été consacrées à la construction du marché commun et à la mise en place des grandes politiques européennes. La CEE et ses membres pouvaient d'autant plus se consacrer à celles-ci que les États-Unis – via l'OTAN – assuraient leur défense collective contre la seule menace existante à l'époque : l'Union soviétique. Le partage des tâches entre les deux organisations était ainsi parfaitement clair : à la CEE, les questions économiques, à l'OTAN, la défense collective de l'Europe de l'Ouest et, en particulier de la CEE dont la totalité des membres (sauf l'Irlande) étaient également membres de l'OTAN. Pour le reste, les États membres de la CEE restaient entièrement libres de définir leur politique de Défense et d'utiliser leurs moyens militaires pour défendre leurs intérêts à l'extérieur du continent européen, en Afrique pour la France, ou aux Malouines pour le Royaume-Uni.

Les choses ont évidemment changé en 1989. La disparition de la menace soviétique a privé l'OTAN de sa raison d'être. Le marché commun était, quant à lui, en voie d'achèvement, si bien qu'une nouvelle ambition a été donnée à l'Europe dans le traité de Maastricht : la définition et la mise en oeuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune, incluant une composante Défense. Toutes les années quatre-vingt-dix ont ainsi été consacrées à la mise en place des instruments politiques, juridiques et matériels de cette PESC, évolution qui sera détaillée dans le rapport. La composante Défense de la PESC s'est quant à elle progressivement autonomisée jusqu'à être consacrée comme une politique européenne à part entière, la politique de sécurité et de défense commune – PSDC, dans le traité de Lisbonne. Cependant, alors que l'Union européenne travaillait sur elle-même, la guerre était de retour sur le sol européen. La chute du mur de Berlin, la dislocation du Pacte de Varsovie et de l'Union soviétique elle-même ont, certes, libéré l'Europe de l'Est mais aussi réveillé les nationalismes et les conflits gelés pendant la Guerre froide. C'est ainsi que deux conflits ont éclaté en ex-Yougoslavie, la guerre de Bosnie (1992-1995) et la guerre du Kosovo en 1999. Dans les deux cas, l'Union européenne a été totalement impuissante et c'est l'OTAN qui est intervenue pour imposer la paix. En effet, après une période de flottement, l'OTAN a trouvé une nouvelle raison d'être dans une conception large de la sécurité collective lui permettant d'agir n'importe où, y compris hors de l'Atlantique Nord, en cas de crise menaçant, même indirectement, la sécurité d'un de ses membres. Dans ces conditions, alors que la politique européenne de Défense a été considérée comme opérationnelle en 2001, la question de son articulation avec l'OTAN s'est immédiatement posée car les objectifs assignés à cette politique (qu'on appelle les « missions de Petersberg ») étaient également ceux de l'OTAN, y compris sur le sol européen.

Le rapport détaille les vicissitudes des relations UE-OTAN pendant les années 2000. Celles-ci ont oscillé entre la coopération – dans le cadre des accords de Berlin Plus qui donnent à l'Union européenne un accès aux moyens et capacités de l'OTAN pour des opérations dirigées par l'Union – et la concurrence, notamment dans la corne de l'Afrique, où coexistent deux missions de lutte contre la piraterie, EUNAVFOR Atalante pour l'Union européenne et Ocean Shield pour l'OTAN.

Cependant, une complémentarité de fait s'est installée entre les deux organisations, découlant de leur différence d'ambitions et de moyens : l'Europe fait du civil et un peu de militaire, surtout de la formation, l'OTAN assure la défense collective de l'Europe et les « vraies » opérations militaires, en appui le cas échéant des États membres de l'Union européenne. Ce fut le cas, par exemple, en Libye où la France et le Royaume-Uni ont été les principaux contributeurs de l'opération aéronavale de l'OTAN Unified protector en 2011. En revanche, la France est intervenue seule au Mali en 2013, hors du cadre de l'Union européenne mais avec l'appui logistique de certains États membres. En définitive, ni l'Union, ni les États membres n'avaient les moyens matériels de concurrencer l'OTAN ni, surtout, la volonté politique de le faire.

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